lune noire

Dans le cadre de mes entretiens avec des critiques cinéma femmes, je vous propose de découvrir Vidéodrome.

Vidéodrome est une chaîne YouTube axée sur l’analyse du cinéma de genre. Elle a été créée par Sam. Elle allie le cinéma de genre et les sciences sociales pour mettre en perspective ce qu’elle perçoit du regard du cinéma sur le monde.

Je vous propose de découvrir dans cet entretien sa démarche, ses références et sa vision du cinéma de genre.
Entretien avec cette vidéaste passionnée et passionnante.

Sam

Vidéodrome c’est quoi?

Comment définirais tu ta chaîne? Pourquoi as tu envie de créer une chaîne YT?

Sur ma chaîne je tente d’analyser un sujet social en le mettant en parallèle avec le cinéma. J’aborde toutes sortes de thèmes comme la représentation du corps, du monstre, des luttes, de la prostitution… J’essaye de me servir des sciences sociales et pour le moment je parle principalement de films de genre. J’ai créé cette chaîne un peu par hasard, au début pour apprendre le montage vidéo tout en abordant des domaines qui me plaisent. D’ailleurs les premières vidéos ont de grosses lacunes niveau montage. Finalement j’ai beaucoup aimé l’expérience et j’ai décidé de le prendre plus au sérieux !

Tu abordes des thèmes abordés au cinéma, plutôt que des critiques de films, pourquoi ?

Je n’ai jamais beaucoup aimé la critique. L’analyse permet de rendre les films bien plus intéressants selon moi plutôt que mon avis personnel qui n’apporte pas grand-chose, je n’ai pas à décider ce qui est bien ou pas. Il y a certainement des personnes qui excellent dans la critique, mais pour ma part ce n’est pas ce qui me plaît dans mon rapport aux films.

Pourquoi avoir choisi cette angle d’analyse?

Ce sont des domaines qui me passionnent, les sciences sociales, l’Histoire, la politique et le cinéma. Je me sens plus légitime de passer par le cinéma plutôt que d’aborder frontalement les autres sujets sur lesquels les connaissances sont plus vastes et complexes. Finalement le cinéma est presque un prétexte pour parler d’autres choses !

Le cinéma est presque un prétexte pour parler d’autres choses!

Le fond et la forme

Comment as tu réfléchi au format? A la forme? Pourquoi?

Au début c’était juste un montage avec une voix off, par manque de matériel mais aussi. Je n’avais pas envie de me mettre en scène. Je souhaitais mettre en avant les images et j’aimais l’idée de garder l’anonymat de ne pas être jugée sur mon physique.
Et puis finalement j’ai eu envie de faire quelque chose de plus vivant. D’où les animations que je met en fond sur mes vidéos depuis un an.

Ta mise en scène évolue. Pourquoi? Que cherches tu à faire passer comme idées/ambiance?

Ça faisait un moment que je voulais donner un peu plus de matière à mes vidéos. Mon rêve serait de faire un fond en stop motion, avec des éléments qui apparaîtraient et seraient en mouvement et en rythme avec ce que je raconte. Par des images, des dessins, des objets etc. J’aime l’idée que ce soit un peu «artisanal» et pas forcément spectaculaire. Malheureusement je n’ai jamais eu accès à du matériel de qualité et sans caméra, trépied ou lumière c’est compliqué. Du coup, j’ai commencé par filmer mes mains et des objets pour animer la mise en scène. Il faut dire que mes vidéos sont souvent longues, ce qui n’aide pas, mais j’espère vraiment pouvoir passer au stop motion bientôt !

Les principales difficultés que tu rencontres quant à la création de tes vidéos? Et ce que tu préfères?

Les difficultés c’est le temps et le matériel, comme beaucoup de vidéastes je pense. Si un jour je pouvais investir dans du matériel convenable ce serait une grande aide. Tout ce que j’utilise aujourd’hui m’a été prêté par des proches (micro, caméra de téléphone parfois même l’ordinateur).
Et le temps parce que quand je travaillais au Chili c’était des semaines de 45 heures. En plus des temps de trajet je n’avais vraiment pas la force de travailler les vidéos hors week-end… Pour l’instant je ne travaille pas donc je m’y consacre à fond. Ca me rend très heureuse mais malheureusement je ne vais pas pouvoir continuer sur le long terme.

Traiter son sujet

Qu’est ce qui t’inspires pour évoquer un sujet? Comment choisis tu ton sujet?

C’est en regardant des films que les idées me viennent. Je repère un élément qui revient souvent et qui porte un certain « discours» que je trouve intéressant. Des personnages qui suivent le même schéma, des représentation historiques, des figures symboliques… Et ensuite je me met à faire des recherches c’est le moment que je préfère. J’apprends beaucoup de choses, je découvre des livres, des tableaux, des jeux-vidéos, des gens. Et surtout je tente de voir le plus de films possible en rapport avec le sujet !

Comment effectues tu tes recherches pour tes vidéos?

Lorsque j’ai trouvé un point commun à différents films je tente d’en chercher le plus possible pour confirmer mon «idée». Je me base aussi beaucoup sur d’autres supports que le cinéma (musique, la peinture, les médias, les jeux-vidéos). Et évidemment les sciences sociales. J’essaye de lire beaucoup sur le sujet et de discuter avec les gens qui connaissent mieux le thème que moi.

Le cinéma de genre est considéré comme illégitime et dérange les élites

La vidéo qui t’a demandée le plus de travail? Celle pour qui tu as une tendresse particulière?

Celle qui m’a demandée le plus de travail est certainement celle sur les mères dans les films d’horreur . C’est la plus longue de la chaîne mais aussi celle qui réuni le plus de films (j’en ai réunis plus d’une centaine). J’ai fait mes recherches sur plusieurs mois et ensuite l’écriture et le montage m’ont pris plus de 2 mois. C’était costaud mais je me suis bien amusée à la faire !
Celle pour qui j’ai une tendresse particulière ce serait celle sur la transformation des adolescentes. Elle m’a aussi prise beaucoup de temps mais que j’aime particulièrement.
Après les vidéos les plus personnelles sont clairement celles qui parlent de l’Amérique Latine.

Le cinéma de genre est politique

Tu as fais une vidéo sur les documentaires politiques du Chili et l’horreur mexicaine. Quel est ton lien avec l’Amérique du Sud ?

C’est un continent immense et riche de cultures diverses que la colonisation a cherché a effacer. J’ai toujours été passionnée par l’Histoire de ces pays, leur résistance à la colonisation européenne puis aux dictatures récentes. J’ai vécu au Chili pendant 4 ans. Je n’ai jamais autant appris que quand j’étais là-bas que ce soit sur le cinéma ou sur la politique. Leur cinéma est passionnant et peu connu en Europe pourtant il y a beaucoup de choses à découvrir !

Tes vidéos sont engagées politiquement. En quoi penses tu que le cinéma de genre est un vecteur efficace en ce sens?

Le cinéma de genre est en principe un cinéma populaire, accessible à tous et fait avec peu de moyen. De plus le genre permet de faire passer de nombreux messages politiques de façon détournée. Il utilise des métaphores, détourne certaines censures, il reflète les conflits de son époque… Comme il vise le grand public, il porte une idéologie qui a imprégné beaucoup de monde.
J’aimerais faire un jour une analyse de la représentation des peuples originaux dans les westerns par exemple. Comprendre comment ce cinéma a forgé une vision politique en nous.
Ce cinéma permet de dire beaucoup de chose de façon indirect. Il reste politique parfois même philosophique, sans aborder la chose frontalement. Ça a été longtemps un cinéma considéré comme illégitime et qui dérangeait les élites (encore aujourd’hui parfois). Il dépasse les frontières de l’image léchée et des bonnes mœurs !

Ces derniers temps de plus en plus de journalistes, critiques, chercheur-euses, démontrent que les images ont une influence sur la façon dont on nous percevons le monde. Notamment en terme de représentations des genres et des minorités. Mais on entend aussi que la violence au cinéma influence négativement la jeunesse. Alors comment on s’y retrouve là dedans?

La violence dans la réalité est bien plus crue et destructrice que dans n’importe quel film de fiction. On se concentre toujours sur la violence visuelle que peuvent montrer les films comme avec le gore par exemple. Pourtant, on ne parle pas des violences réelles qui sont dénoncées dans de nombreux films, dans les documentaires ou les films politiques par exemple.
Le cinéma transmet des idéologies qui peuvent parfois être dangereuses c’est certai. Mais je ne crois pas que la représentation de la violence (dans n’importe quel autre art d’ailleurs) influence en mal. Au contraire elle permet parfois de dénoncer une réalité bien plus crue. La nuit des morts-vivants de Romero est un bon exemple, un film très violent visuellement pour l’époque mais qui se termine par une scène encore plus glaçante, symboliquement.

Les goûts et les couleurs

Quels sous genre préfères tu? Pourquoi? Tes films phares?

Je dirais le giallo et le bodyhorror principalement (j’ai un faible pour les films de requin aussi).
Le premier car il éveille les sens, les images et la musique restent longtemps dans les mémoires. Il raconte aussi des histoires souvent très originales avec des personnages marquants.
Le bodyhorror parce qu’il parle du corps, de la maladie, de la mort, de la différence…De beaucoup de thèmes assez tabous et pourtant passionnants. Les films que je préfère seraient La mouche de Cronenberg, Carrie au bal du diable de De Palma et The thing de Carpenter pour les classiques. J’aime aussi beaucoup  L’Au-delà de Fulci, The Wicker man d’Hardy et Qu’est-il arrivé à Baby Jane d’Aldrich ?

Quel est le sous genre que tu aimes le moins? Pourquoi?

Certainement le rape and revenge qui porte un regard masculin et irréaliste sur le viol. Ainsi que certain films de cannibales qui sont très ethnocentriques et présentent les colons occidentaux en victimes des peuples natifs alors qu’on connaît tous l’Histoire…

Comment définirais tu un film féministe ?

C’est une question très compliquée. Je pense qu’à partir du moment où le réalisateur est un homme c’est déjà mal parti. Même si lui et son équipe sont pétris de bonnes intentions. Un film « féministe » dépend de beaucoup de choses. Mais il doit obligatoirement être engagé dans ses choix de réalisation, sa présentation des personnages, le discours véhiculé…

Les films de cannibales sont très ethnocentriques et présentent les colons occidentaux en victimes des peuples natifs alors qu’on connaît tous l’Histoire…

Quelles sources?

Comment te tiens tu au courant des films qui sortent, que tu aimerais voir? Comment sélectionnes tu les films que tu veux voir?

Je fonctionne beaucoup par réalisateur ou par courant cinématographique. Le bouche à oreille est aussi ce qui va me convaincre de m’intéresser à tel ou tel film. Et oui, il m’est arrivée souvent de regarder un film juste parce que l’affiche me plaisait. Et j’ai eu de belles surprises !
Je pense notamment à Danse Macabre de Margheriti et Corbucci, Mil gritos en la noche de Piquer Simón. Ou Le charme discret de la bourgeoisie de Buñuel.

Quelles chaînes YT, blogs, podcast aimerais tu recommander?

Il y en aurait 100! Cinéma et politique est probablement parmi mes chaînes préférées. Cette vidéaste arrive à mêler les deux sujets que j’adore de façon très intelligente. J’aime aussi énormément ce que fait Sweetberry avec les Symbolik, c’est toujours passionnant. Les lives de Dollywood sur Twitch sont vraiment très bons !
Depuis peu sur youtube il y a Demoiselles d’horreur qui fait des analyses super intéressantes. Et puis il y a aussi les vidéos du Coin du bis qui sont géniales et celles de Bolchegeek.
Hors cinéma j’aime beaucoup ce que font ALT236, Horizon-gull (et leur site impressionnant Hacking Social). Mais aussi Lejitim, Marine Périn ou encore Le Bizarreum. La liste est infinie… et je n’ai plus de superlatifs.

Merci à Sam pour cet entretien!

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