deux jeunes filles

Ce n’est une surprise pour personne, les personnes non blanches (aussi appelée « racisé-es) au cinéma sont rares. Et pourtant c’est un sujet dont on parle finalement assez peu. La question de la parité prend le dessus. Et j’ai le sentiment que la problématique des femmes racisées dans le cinéma n’est pas intégré à cette lutte.

Dans la société comme au cinéma, les femmes non blanches subissent une double oppression: le sexisme et le racisme.

Avant d’aller plus loin, je vais préciser d’où je parle. Je suis une femme blanche. Je ne suis donc pas concernée par le racisme et malgré ma déconstruction sur le sujet, il se peut que je n’ai pas toutes les clefs pour comprendre ou expliquer. Ça me paraissait important d’évoquer ce sujet, encore peu abordé massivement. N’hésitez pas à commenter si besoin.
Je vais me concentrer sur la France. Les personnes non blanches dans le cinéma américain par exemple mériteraient un autre article tant les problématiques sont différentes.

Il est toujours très compliqué d’évoquer précisément le manque de présence de personnes non blanches dans le cinéma. Car comme dans tous secteurs, le fait de dresser un état des lieux du nombre de personnes par couleur de peau est interdit en France. Les dérives qui peuvent en découler sont compréhensibles. Pour autant, si on ne connaît pas la situation exacte, comment s’attaquer au problème?

Si on ne sait pas combien de personnes non blanches sont actives dans un secteur, comment combattre la non représentation, le racisme?

Cliché mon amour

Aïssa Maïga aux Césars 2020

Pour entrer en matière, je vous propose l’article de l’association Lallab, qui recense la plupart des clichés que l’on rencontre vis à vis des personnes non blanches. Certains sont d’emblée maladroits, ou racistes involontairement (même si toute personne blanche l’est, car notre société est construite sur du sexisme et du racisme, donc il est difficile d’éviter des pensées/remarques racistes). D’autres partent d’une bonne intention comme dirait l’autre. Dans tous les cas, ils illustrent la manière dont les personnes racisées sont le plus souvent représentées au cinéma. Et ces clichés ont tous un point commun: montrer un aspect négatif. Voleur-euse, bruyant-e, illetré-es, faibles, fanatiques, superficiel-les…

Et quoi qu’on en dise, cela a une influence sur la façon dont nous percevons ces personnes ensuite dans notre quotidien. Surtout que ces clichés existent…comme pour des blanc-che-s! Mais, le peu de personnes racisées que nous voyons dans cet art populaire qu’est le cinéma, sont toujours dans les mêmes situations.

On a beaucoup parlé de la sortie fracassante d’Adèle Haenel aux Césars 2020, mais le discours politique est venu d’Aïssa Maïga, qui a provoqué un énorme malaise. Elle dénonce sur un ton à la fois ferme et taquin le manque cruel de diversité. Elle a mis tout le monde mal sûrement, mais il faut nous mettre mal pour comprendre ces enjeux.

Attention, ici je m’attarde peu sur la qualité des films. C’est vraiment la représentation des personnages qui m’intéresse.

Représentation des personnes non blanches

Mi figue mi raisin

Les films suivants ont le mérite de représenter des minorités, et dans des rôles qui volent plus haut que les vulgaires clichés que l’on trouve dans 95% des comédies françaises. Ils sont loin d’être parfaits car ils se rapprochent de ces clichés. Mais la force qui s’en dégage et les interprétations réussies en font des objets cinématographiques utiles.

Divines de Houda Benyamina

Réalisé par une femme arabe, avec des personnages féminins forts, j’aime beaucoup Divines.
Force est de constater que les personnages principaux joués par Oulaya Amamra, Jisca Kalvanda et Déborah Lukumuena. Deux femmes noires et une femme arabe.
Ces trois actrices jouent des rôles femmes guerrières, indépendantes, autonomes qui cherchent à s’en sortir. Et c’est surtout une des plus belles histoires d’amitié que j’ai pu voir au cinéma.

Pour autant, ces femmes noires et arabes vivent dans un quartier dit « sensible », et touchent le fond de la pauvreté. Elles utilisent également le cliché de la manière de parler type « banlieue ». Donc si Divines renouvellent la manière de filmer des jeunes femmes, ce n’est pas le cas concernant les minorités.

Bande de filles de Célina Sciamma

On retrouve ici la même problématique que pour Divines. Céline Sciamma film des jeunes femmes noires en banlieue, sur fond de trafic de drogue. Bande de filles met au centre quatre personnages de femmes noires. Du jamais vu.
Elles sont jouées par Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh, et Mariétou Touré. Le problème c’est qui se souvient de ces actrices? Elles n’ont pas fait grand chose depuis, sinon des petits rôles pour certaines.
Elles ont bien fait fonctionner cette bande de filles, quitte à ce qu’elles ne forment plus qu’un unique personnage. Sacrifiant leur personnalité propre. D’où sans doute l’oublie (peut être temporaire!), en plus de la discrimination?
De plus, des jeunes femmes noires sont présentées comme délinquantes, et pauvres. Cet article explique bien le problème que pose le film, malgré ses bonnes intentions.

Il reste intéressant d’entendre la directrice de photographie, Crytel Fournier, qui explique qu’elle n’aurait pas pu faire l’éclairage du film avec des peaux blanches.

Mustang de Deniz Gamze Ergüven

Même si le contexte, personnages, narration sont différents, Mustang fait penser à Virgin Suicides de Sofia Coppola par certains aspects. Une bande de sœurs plus ou moins blondes, jolies, séquestrées par leur famille.
Ici l’action se passe dans un village de Turquie. L’intention de la réalisatrice est de montrer la montée de l’intégrisme religieux en Turquie, réduisant les libertés de plus en plus.
Les personnages sont travaillés, et le film est traversé de différents ton: bonheur, espoir, drame..
Mais on reste dans la problématique de montrer des personnages d’origine arabe, d’autant plus féminins, et opprimés par la religion.

Nous trois ou rien de Kheiron

Changement de registre avec Nous trois ou rien de l’humoriste Kheiron vu dans la série Bref.
Une des meilleurs comédies de ces décennies. Un film intelligent, qui retrace le parcours des propres parents de Kheiron qui ont fuit la dictature de l’Iran.
C’est très drôle, triste, et le courage des parents est criant de vérité. Mais un peu comme dans Mustang, on montre des minorités pour montrer un aspect triste, sous le poids de libertés brimées.

L’exception ne confirme pas la règle

Pour finir sur une note positive, voici une liste de films français avec des personnes non blanches qui ne tombent pas dans les clichés. Et la plupart viennent du cinéma de genre…A bon entendeur!

Martyrs de Pascal Laugier

Mylène Jampanoi et Morjana Alaoui sont des actrices issues des minorités (asiatique et arabe). Elles tiennent les rôles principaux de Martyrs, film incontournable du cinéma de genre en France.
Et à aucun instant dans le film, la question de leur couleur de peau est ne serait ce que mentionnée dans le film. Ni les rôles, ni les dialogues, ni le contexte, et encore moins le récit utilise la couleur de peau pour une situation.

Frontières de Xavier Gens

Karine Testa, d’origine kabyle tient le rôle principal de l’inégal mais efficace Frontières de Xavier Gens. Et là encore, sa couleur n’a d’influence sur aucun élément dans le film. Même si elle est issue d’un groupe de voleurs, nous n’avons pas d’informations ni sur leur origine sociale, intentions, etc..

Grave de Julia Ducournau

Le personnage de Rabah Naït Oufella, est algérien et gay dans le film. Julia Ducournau ne fait pas référence dans Grave, à son origine mais plutôt à son orientation sexuelle, qui a pu en crisper certains. En effet, on peut voir une négation de son orientation sexuelle au fur et à mesure du film. Je vous laisse lire ma critique.

Le chant du loup d’Antonin Baudry

ENFIN un film où Omar Sy ne joue pas le noir de service! Le chant du loup est un excellent thriller, avec un travail sur le son incroyable. Aux côtés de Reta Kateb, ces deux personnages issus des minorités ne sont pas un élément construisant le récit. Ils jouent même des rôles de chefs.

Les trois frères des Inconnus

3 hommes regardent le journal

Vous avez vu comme je finis en beauté? Les trois frères qui restent la meilleure comédie des Inconnus, met en scène Pascal Légitimus, avant qu’il se fasse écarter. Le personnage de Pascal est présenté comme cadre supérieur dans une entreprise. Le film survole même des questions de discrimination et de racisme plutôt intelligemment.

Et vous? Avez vous des exemples?

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