femme possédée par le démon

1-Dead talents society de John Hsu (2024)

De quoi ça parle: Les fantômes utilisent eux aussi les réseaux sociaux pour perpétuer leur légende et continuer d’effrayer toujours plus, en vue de gagner en popularité.

Ce film Taïwanais est une véritable bouffée d’humour magistralement orchestré, enrobée d’une direction artistique gothiquement pop et colorée. Dead talents society réinvente le récit initiatique en structurant le récit à travers plusieurs générations de femmes, ce qui permet de créer un sentiment empathique chez le public de manière très originale. En effet, on suit une jeune fantôme et une autre fantôme, célébrité sur le déclin, qui ont toutes les deux tout à prouver pour obtenir leur place dans le monde de l’au delà.
L’idée est évidemment de critiquer notre société actuelle dopée à la dopamine des likes, en ayant l’intelligence de le rattacher à un sentiment qu’on cherche tous et toutes. Se sentir appartenir à une société, à une communauté, notamment quand on est une femme, où chaque étape d’âge à franchir est un défi. Pour refléter cela, les vivants et morts partagent le même espace dans Dead Talents Society, et les fantômes sont représentés de manière très charnelle, rappelant bien leur origine humaine.
Le réalisateur du subjuguant Détention livre avec Dead Talents Society, une œuvre à la fois touchante, drôle, sans manquer d’envoyer une bonne dose d’hémoglobine comme on aime pour Halloween.
Alors foncez sans hésiter.

2-Evil Dead Rise de Lee Cronin (2019)

De quoi ça parle: une mère de famille célibataire qui vit dans un immeuble, reçoit la visite de sa soeur qu’elle n’a pas vu depuis longtemps. Cette même soirée, suite à un tremblement de terre, les enfants découvrent un livre pour le moins démoniaque.

5e volet de la saga Evil Dead, Evil Dead Rise change radicalement de décor et de personnages au regard des films précédents. Toute l’action se situe uniquement dans un appartement et un hall d’immeuble. Alors que la famille n’a jamais été (ou presque avec le remake) au centre de l’histoire, Lee Cronin met en scène deux soeurs, entourées d’enfants. Egalement écrit par Lee Cronin, Evil Dead Rise réussit la délicate tâche de proposer un film gory (la scène de la râpe à fromage me fera toujours grincer), effrayant, tout en étant particulièrement intelligent dans la thématique qu’il traite: la violence de la situation de mère célibataire. Pour cela, Cronin utilise le motif du rond, et son écriture fine déroule un fil logique, qui monte en puissance en violence et en sang. J’ai analysé la mise en scène et la thématique du film, si vous souhaitez en savoir plus.
Mais qu’est-ce qu’il a d’inclusif?:

  • Le personnage de la mère, Ellie, se caractérise autrement que dans son rôle de mère (sachant qu’elle est mère célibataire): elle prend le temps pour ses activités. Elle a également un look « rock », un peu dark. Alors que souvent, les mères ont un style neutre quand elle sont investies de leur rôle, ou « sexy & droguée/alcoolique » quand elle sont défaillantes. Ellie est une mère fiable, qui a une confiance totale envers ses enfants.
  • Evil dead rise utilise le genre de l’horreur pour matérialiser la violence extérieures qui est exercée sur les mères célibataires,
  • Il y a une belle histoire de sororité: le personnage de la sœur Beth, arrive pour aider sa sœur, et ses neveux et nièces. Ce qui lui permet de traverser les épreuves de sa propre histoire aussi.

Le film vous ravira pour Halloween car c’est un festival de sang et d’effroi (rien que l’affiche me glace car j’y vois une représentation très parlante des violences intra familiales). Et à la fois vous aurez encore plus d’empathie pour les mères célibataires.

3-Judy & Punch de Mirrah Foulkes (2019)

De quoi ça parle: 17e siècle. Judy et Punch sont un couple de marionnettiste appréciés et adorant leur métier. Leur relation est ternie par l’alcoolisme de Punch, et suite à un drame familial, la vie de Judy va basculer.

Enfin un film réalisé par une femme ! Une direction artistique somptueuse qui met en valeur chaque élément du décor et accessoires. Tout ce que j’aime.
Le film est une vraie prouesse narrative car il joue sur plusieurs registres: la comédie, le drame, le fantastique, le thriller. Son point fort? Savoir parfaitement où il faut déployer de la comédie ou de la tension. Se déroulant à la belle époque de la chasse aux sorcières, le folklore coven est convoqué, et ça c’est toujours agréable pour un Halloween féministe.
Le personnage de Judy (jouée merveilleusement par Mia Wasikowska) bénéficie d’une écriture généreuse, grâce à un arc narratif qui ressemble finalement à ce que beaucoup de femmes vivent: le syndrome de l’infirmière avec un conjoint défaillant voire violent, une rage qui en découle suite à l’injustice et l’inconscience de trop, et enfin la recherche de réparation.
Mais sa réparation ne se fait pas seule, elle sera bien entourée par des femmes marginalisées et un peu magiques, qui se cachent. Une autre manière de raconter la sororité.

C’est très divertissant sur la forme (d’autant qu’on voit rarement le métier de marionnettiste à l’écran), et ça réveillera vos instincts féministes.

4-What keeps you alive de Colin Minihan

De quoi ça parle: Un couple part en week end en forêt pour fêter leur anniversaire de mariage. Entre révélations et tensions, ce week end se transforme rapidement en quête de survie.

Vous l’aurez compris, What keeps you alive est un survival qui s’avère relativement classique dans son exécution. Pourquoi alors le sélectionner?:

  • C’est un très bon divertissement pour Halloween: rythmé, saignant, tendu, vous passerez un bon moment
  • Il n’est pas dénué d’idées de mise en scène, notamment pour symboliser qui est la proie et comment on se libère de cette position. Demoiselles d’Horreur l’évoque ici:
  • Le couple en question est lesbien et ce n’est jamais un sujet dans le film. Il me semble que c’est la première fois que je vois un couple lesbien au centre d’une histoire d’un film de genre, où il n’est pas question d’évoquer cette situation. Juste c’est un couple. C’est d’autant plus remarquable que c’est un couple pour le moins en conflit, ce qui en fait des personnages complexes, du moins libérés de représenter un certain modèle de personnage queer plus ou moins exemplaires. What keeps you alive garde le cap de traiter ces personnages comme il l’aurait fait avec des hétéros. Et c’est rafraichissant, aussi pour des questions de représentations, d’autant que je n’ai pas revu un film depuis avec la même démarche.

Cette chasse dans la forêt est tellement prenante qu’on pardonne les quelques éléments peu crédibles qui nuisent un peu à la solidité narrative, notamment finale. Les deux actrices Brittany Allen et Hannah Anderson (toutes les deux vues dans des épisodes différents de la saga Saw) forment un duo très efficace, partagées entre le rôle de la proie et du chasseur.

5-She Will de Charlotte Colbert

De quoi ça parle: Après une mastectomie, Veronica part en convalescence avec son infirmière. Dans la campagne écossaise, elle se découvre des pouvoirs.

Cela serait dommage de ne pas finir cette sélection Halloween féministe par un film de sorcières ! Il se distingue de la sélection par son ambiance onirique avec un traitement original de la thématique de la sorcière.
La démarche féministe ici est de mettre en scène une sorcière âgée dans le premier rôle d’un film de genre, sans qu’elle soit l’antagoniste ou un ressort horrifique pour effrayer. Là encore, je n’ai pas d’autres exemples en tête.
Par ailleurs le personnage est complexe; Veronica fait face à son corps de femme âgée mais qui a aussi traversé une maladie qui n’est pas pardonnée aux femmes (il faut voir le nombre de femmes quittées pendant un cancer, ou leur mise à l’écart du monde professionnel, etc..).
Alors quand en plus quand la direction artistique est magnifique organique (Charlotte Colbert est aussi artiste plasticienne), cela ne peut que vous embarquer dans un voyage fantastique unique féminin.