
Suite à la disparition de sa voisine de chambre, un ancien agent secret reclus dans un palace de la côte d’Azur s’imagine que ses ennemis jurés refont surface. Oscillant entre présent et passé, il remonte le film de sa vie au risque de découvrir qu’il n’y tenait pas forcément le meilleur rôle. Et que les diamants sont loin d’être éternels.

Reflet dans un diamant mort : 007 chez les wokistes
Le duo (presque) belge, Hélène Cattet et Bruno Forzani, revient avec un nouveau bijou d’orfèvrerie cinématographique à l’esthétique – encore une fois – très léchée. Il s’attaque dans Reflet dans un diamant mort au genre codifié et très ancré dans les années 70 du film d’espionnage. Impossible de ne pas penser au très British 007, James Bond face au film. Même si le duo évoque aussi et principalement les copies italienne, façon Fumetti Neri, avec notamment le personnage de Satanik qui est l’inspiration de Serpentik, l’antagoniste principal. Les deux sont pensées à l’image de l’Irma Vep de musidora, personnage iconique du muet dont la silhouette et la combinaison noire ont marqué la mythologie du cinéma.


Si Reflet dans un diamant mort reprend l’aspect ludique de ces séries de films, comics et autre romans seventies, il porte un regard beaucoup plus critique sur le machisme et l’eurocentrisme de l’époque. La robe façon Paco Rabanne en est un bon exemple. La robe est une pièce iconique de 1966 qui marqua une véritable rupture dans le monde de la mode de par son matériau non-conventionnel. Elle est le symbole d’une époque grâce à sa modernité, son côté ludique mais aussi son aspect très contraignant pour qui la porte. Car oui, s’assoir sur des petites pièces de métal, ce n’est pas agréable. Le film décide lui d’en faire un gadget tueur et puissant au style increvable.


Reflet dans un diamant mort s’inscrit dans un contexte de réécriture des œuvres passées avec un œil critique actuel. Le symbole même du diamant n’est pas anodin. L’homme blanc s’est permis les pires atrocités en exploitant la terre au nom de l’industrialisation, du capitalisme et de son ego. Le réalisateur et la réalisatrice semblent exorciser ces démons passés par l’intermédiaire de séquences hallucinantes qui mêlent diamants (vrais ou faux ?), pétrole et corps nus féminins en souffrance.
Une narration éclatée et un style imparable
Le duo emploie une narration non linéaire où chaque séquence semble être le reflet disparate d’un même diamant. Si ce type de narration permet le plaisir de se perdre dans l’univers du film, il est aussi un moyen de montrer l’esprit vieillissant du héros qui devient incohérent. Il fait parti de l’ancien monde et le nouveau lui demande de payer l’addition.

Cattet et Forzani font dialoguer leurs influences. Il y a bien-sûr les films d’espionnage cités précédemment, mais aussi de nombreuses œuvres picturales. On trouve de nombreuses références au peintre belge, Magritte, grand artiste surréaliste à l’esprit ludique qui s’est amusé avec son audience de la même manière que le duo de réalisateurs joue avec son spectateur notamment en cassant le quatrième mur. Iels les invitent à réagir, à sortir de la torpeur, à arrêter de croire au confort de la salle de cinéma comme but en soi, métaphore qui invite nos sociétés bourgeoise à agir.


Les James Bond girls disent non au male gaze
Si Reflet dans un diamant mort est du point de vue d’un homme, le film l’entoure de personnages féminins plutôt fascinants. Entre autres, la masquée Serpentik et l’intriguant personnage de l’autrice interprété par la trop rare Maria de Medeiros. Le film donne le ton dès le début du film. L’ancien agent se détend sur une terrasse d’un hôtel de la côte d’Azur et en profite pour reluquer sa jeune voisine en maillot de bain. Cette dernière s’en va et fait savoir au majordome que ce comportement l’importune. Le film marque une rupture claire avec le machisme de ses aînés.
Les James Bond girls ne veulent plus être reluquer en maillot de bain. Le male gaze peut aller se rhabiller. Ce qui n’empêche pas le film de continuer à fétichiser le corps de ses actrices dans des séquences, effectivement, sublimes (merci au chef opérateur de génie Manu Dacosse) mais qui posent parfois question quant à la sublimation de la douleur au féminin.

Reflet dans un diamant mort est une relecture moderne et artistique des films d’espionnage des années 70. Il pose un regard critique sur ces derniers, notamment sur le machisme ambiant et les douleurs causés par la surexploitation liées à l’industrialisation de la société de l’époque. Le duo n’oublie pas sa signature en proposant un film à la limite de l’expérimental et à l’esthétique léchée.