Que ma volonté soit faite © New Story
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Second long-métrage de la réalisatrice Julia Kowalski qui avait déjà épaté Cannes avec son premier long, Crache coeur, et son court, J’ai vu le visage du diable; Que ma volonté soit faite est une oeuvre sensuelle et aboutie qui continue sa réflexion autour du désir et de la spiritualité.

Que ma volonté soit faite : un film charnel

Pour montrer cet aspect charnel, la réalisatrice a fait le choix de filmer en pellicule 16mm. Ce choix permet de rendre avec plus de nuances, les couleurs et matières. Indispensable dans un film où le feu côtoie la boue. La peau animale est traitée avec autant de déférence qu’une cicatrice sur une jambe humaine. Les désirs et maux de notre héroïne se matérialisent sous la forme d’une masse visqueuse et blanchâtre mortellement fascinante. Cet étrange matière ajoute au mystère qui entoure ce village et cette jeune fille.

Que ma volonté soit faite © New Story
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La manière de filmer les corps n’est pas anodine.
Naw se protège encore dans des couches de vêtements informes, coquille d’une enfance qui touche à sa fin. C’est pour elle une manière de montrer son refus d’admettre son corps et ses désirs. L’objet de ces derniers; la voisine, a elle, une féminité assumée. Son corps sera lui, filmé pendant la première partie du film à la façon male gaze : morcelé avec des travellings révélateurs. Cela jusqu’au point de rupture, une séquence particulièrement violente qui agira comme un déclencheur sur Naw. Cet événement l’obligera à confronter ses désirs et ses biais patriarcaux. Une transformation qui passera par l’abandon de sa chrysalide, ces couches de vêtements et l’acceptation de son corps, nu, pour ce qu’il est, prêt à s’émanciper.
Le duo d’actrices, Maria Wróbel et Roxane Mesquida, sont le choix parfait pour incarner ce duo ambigu.

Un film spirituel

Que ma volonté soit faite, comme son titre l’indique, s’intéresse à la spiritualité. Celui-ci référence une citation de la prière du “Notre père”, “Que ta volonté soit faite” qui voudrait que Dieu souhaite la sanctification de ses croyants, et les invite à être la meilleure version d’eux-même. Le titre est assez ambigu car il montre la culture chrétienne dont vient Naw. Culture qui prend une place importante dans sa vie, son quotidien et sa façon d’appréhender le monde. A la fois, il montre aussi une rupture avec ces mêmes préceptes, par l’utilisation de la première personne. Première personne qui montre ce besoin d’émancipation et le désir d’individualité du personnage

Que ma volonté soit faite © New Story
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Cette rupture semble d’abord passer par une possession par le diable, antagoniste habituel dans la religion chrétienne. Le film ne s’arrête pas à cette conception manichéenne, cliché du cinéma horrifique. Il propose plutôt une variation autour de la figure de la sorcière et ses trois visages :

  • l’ancienne: la mère de Naw morte par le feu dans des conditions étranges et considérée comme folle,
  • la tentatrice, la voisine à la beauté hypnotisante et à la sexualité assurée
  • la vierge, Naw qui se trouve à un croisement de sa vie.

Chacun des trois personnages parait être la facette d’une même personne. Les deux aînées de Naw semblent être des avertissements de ce qui peut l’attendre dans cette société patriarcale.

Une réflexion sur le patriarcat et la différence

Que ma volonté soit faite dépeint la condition féminine dans une société patriarcale représentée par une galerie de personnages masculins variés :

  • les frères qui font tout, même le pire, pour s’intégrer,
  • le vétérinaire qui joue un double jeu en se servant de son statut social et de son image de nice guy pour s’autoriser le pire
  • et surtout le père qui tente de faire au mieux et doit jongler entre soucis économiques, amour pour sa femme, sa fille et sa Pologne natale et besoin de s’adapter à son nouveau pays.
Que ma volonté soit faite © New Story
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Julia Kowalski joue habilement avec les genres et notamment avec le fantastique.
Elle flirte avec ce dernier en proposant des images marquantes qui font appel à notre imaginaire commun (le corps tordu de la possédée, le rituel dans la forêt, les troupeau décimée…), sans jamais pencher pour une explication rationnelle et surtout en ancrant l’intrigue dans un hyperréalisme amené par la photographie à fleur de peau et le travail précis sur les matières.

Que ma volonté soit faite est un récit d’émancipation de la condition féminine par la figure de la sorcière, ainsi qu’une réflexion sur l’altérité. Que ce soit dans un contexte d’intégration d’une famille immigrée, ou le mépris pour ceux qui sont différents et ne se plient pas aux conventions du groupe.
La réalisatrice le fait avec un beau travail tout en nuance que ce soit dans l’écriture et la photographie.