
Comme Halloween est souvent la soirée idéale pour découvrir des films d’horreurs, pourquoi ne pas en profiter pour découvrir des films de genre réalisés par des femmes? Il y en a moins, on en parle moins, donc même s’il n’est pas question ici de genrer les films en raison de leur réalisatrice, il m’importe tout autant de visibiliser ces films.
Alors quels films réalisées par des réalisatrices sont à découvrir pour Halloween? C’est parti pour ma sélection.
1- Fresh de Mimi Cave (2022)

Marre des dates foireux sur les applications de rencontre? C’est le point de départ de Fresh, pour comprendre l’état d’esprit de Noa, fatiguée de chercher l’amour. Dans le rayon légumes, elle tombe sous le charme de Steve, et décide d’arrêter de réfléchir et de se laisser porter. Steve lui propose un week end à la campagne et Noa profite. Mais évidemment, elle ne s’attendait pas à un tel accueil…
Je vous garde les nombreuses surprises que Fresh propose, mais il faut savoir que le premier film de Mimi Cave (réalisatrice de clips vidéo), traite du cannibalisme sous fond de classique exploitation d’une minorité par des riches.
Si le film est présenté comme une comédie, ce n’est, à mon sens, absolument pas le cas. Oui, certaines scènes poussent le curseur du cocasse qui prêtent à sourire, mais ne vous attendez pas à une comédie pure et dure.
Les points forts de Fresh? Le fait de garder une grande cohérence dans sa thématique des femmes utilisées comme ressource. Notion que j’ai développé dans mon analyse de l’éco féminisme dans le cinéma de genre. Que ça soit le fait que Noa doive supporter un mec pingre et insultant, qu’elle soit abordée dans un rayon de supermarché, et évidemment l’intrigue principale du film, Mimi Cave s’attache à montrer l’exploitation des femmes mais aussi la lâcheté des hommes face à ça. Mais elle n’oublie pas pour autant que la violence patriarcale peut être aussi entretenue par les femmes, qui y voient une opportunité de se mettre du côté des puissants. Et Charlotte LeBon en méchante, comment résister?
Cette revisite de Barbe Bleue (avec une référence directe à Ex Machina avec la scène de la danse, film qui lui même était une version de Barbe Bleue), est un mélange parfait de divertissement tout en prenant au sérieux son sujet.
Daisy Edgar-Jones est parfaite, et Sebastian Stan (I Tonya) brille dans la peau de cet Hannibel Lecter moins malin mais tout autant diabolique. Un parfait amuse bouche pour débuter votre soirée d’Halloween.
2-Lisa Frankenstein de Zelda Williams (2024)

Première réalisation de Zelda Williams (fille de Robin et ça a son importance au regard de la thématique du film), Lisa Frankenstein conte la reconstruction de Lisa, traumatisée par le meurtre de sa mère, coincée entre une belle mère parano et un père qui plane. Passionnée de cimetière (parce que pourquoi pas), elle voit son quotidien chamboulé par l’arrivée d’un jeune cadavre ressuscité issu de l’époque victorienne.
Avec une direction artistique parsemée de vert et de rose tout de néons, Lisa Frankenstein a une volonté affichée de s’inscrire dans un teen movie « cool », instagrammable, qui aide à marquer sa patte dans la pop culture du cinéma de genre. Mais cette direction artistique va plus loin; cela permet d’appuyer la dimension du conte mais aussi la navigation de Lisa qui tente d’évoluer entre des mondes qu’elle tente de comprendre. Celui du deuil et de la mort avec La Créature, celui des adultes névrosés avec le lycée et sa belle mère. Lisa Frankenstein choisir la comédie noire pour aborder le thème de la reconstruction après un deuil (pas pour rien qu’elle recolle littéralement les morceaux avec la Créature), qui donne un ton particulièrement jouissif, parfaitement adapté pour une soirée Halloween. Zelda Williams a en effet été très impactée par la mort de son père et ce n’est pas étonnant qu’elle trouve son compte dans la comédie horrifique.
Mais plus qu’un divertissement, Zelda Williams propose des personnages féminins complexes. Malgré les décisions parfois fortement discutables de Lisa, elle reste toujours attachante, en gardant son ambiguïté. Ce qui fait qu’on ne sait jamais vraiment qui elle est. Idem pour sa belle soeur qui est tout son contraire (conforme aux normes sociales féminines, pom pom girl, etc..), et qui est d’une réelle bienveillance envers Lisa. Alors que ce type de rôles sont habituellement des pestes faciles, elle cherche à défendre et comprendre Lisa.
Kathryn Newton (Freaky et Abigail) et Cole Sprouse (Riverdale) s’en donne à coeur joie et leur duo improbable est un vrai régal. Alors oui, ne mettez pas la barre trop haute concernant votre suspension d’incrédulité et vous verrez, vous passerez un très bon moment.
3-The Ugly stepsister d’Emilie Blichfeld (2025)

Changement de registre et de type de belle soeur avec le gore The Ugly Stepsister d’Emilie Blichfeld qui ne va pas vous ménager. Cette relecture horrifiquement parfaite de Cendrillon nous place du point de vue de la belle soeur de Cendrillon, qui est prête à tous les sacrifices corporels pour tenter de se conformer aux normes sociales et attirer l’attention du prince.
La photographie faite de clairs obscurs reflète avec brio l’aspect conte et sa dimension fantastique.
Halloween est la soirée idéale pour se faire raconter des histoires, et le conte de The Ugly Stepsister s’inscrit dans la même veine que The Substance qui utilise le body horror pour donner un aperçu de ce que les femmes peuvent/doivent s’infliger pour exister.
Retrouvez le détail dans la critique de The Ugly Stepsister par ma consoeur Leo, ainsi que son interview de la réalisatrice norvégienne Emilie Blichfeld.
4-Vorace d’Antonia Bird (1999)

Changement de décor avec Vorace d’Antonia Bird, dont l’action se situe au temps de la guerre américano mexicaine (autour de 1850). On suit l’équipe du capitaine John Boyd pour tenir un fort. Un homme vient à leur rencontre et leur raconte qu’avec d’autres, ils ont été bloqués dans une grotte et qu’il a dû manger leur chair pour survivre. L’équipe part donc en direction de la grotte et ne sera pas au bout de ses surprises.
Inspiré du cas Alfred Packer, Vorace, qui fût un échec total à sa sortie, aborde le cannibalisme, sujet hautement tabou, complexe à aborder justement. Le fait d’ancrer l’histoire dans une (des) page sombre des USA (car cette guerre débouchera entre autres sur la guerre de Sécession), permet de filer des métaphores: un pays qui s’auto détruit, des hommes qui se nourrissent des uns et des autres (Vorace reprend notamment des croyances/mythes autour du fait que l’on s’approprie les caractéristiques de sa victime en la mangeant), etc..
Mais la thématique qui est particulièrement d’actualité 25 ans après, c’est de d’associer la viande humaine à un gibier comme un autre. Cette thématique est ponctuellement présente au cinéma depuis longtemps (comme avec Massacre à la tronçonneuse), mais ici Antonia Bird illustre une autre facette des notions liées à l’éco féminisme; l’attitude masculine qui consiste à s’approprier le corps et le territoire de l’autre.
Ces thématiques prennent vie à travers un décor hivernal et rugueux, avec une tension parfaitement menée, notamment dans la première partie. Malgré son sujet, Vorace n’est pas gore, et se situe à la croisée du survival et du thriller.
La regrettée Antonia Bird décédée en 2013, n’aura réalisé que 4 films et Vorace est le seul (et dernier) qui s’ancre dans le cinéma de genre.
5-Bilocation de Mari Asato (2013)

La particularité de Bilocation est d’être réalisé par une Japonaise. Force est de constater que peu de films de genre réalisées par des Japonaises existent d’une part, et parviennent jusqu’à nous, d’autre part.
Alors n’hésitez pas à découvrir ce film de doppelgänger, qui raconte l’histoire de Shinobu, artiste peintre, qui découvre un jour qu’un double d’elle, se balade en ville. Cela l’amène à rencontrer un groupe de paroles de personnes qui connaissance le même sort.
La force de Bilocation est de sortir du classique double maléfique. Ici, Mari Asato montre que ces doubles ne sont que l’expression de peurs ou colères refoulées. A travers son personnage féminin, elle questionne également les choix que les Japonaises sont contraintes de faire entre leur carrière et leur vie d’épouse. Des thématiques qui peuvent nous sembler arriérées, mais pourtant toujours bien d’actualité, notamment dans un pays très patriarcal comme le Japon.
Bilocation est à mi chemin entre un film de fantômes et de démon. Le film contient quelques scènes bien effrayantes mais c’est surtout la tension de ne pas savoir ce que les doubles vont pouvoir faire qui marque.
Bilocation s’attache finalement à refléter son époque; car on suit des doubles de personnes différentes avec des contextes reflétant les problématiques sociales (la mère isolée, le travailleur acculé, etc..).
Je vous conseille de plutôt commencer votre soirée avec Bilocation qui dégage une grande mélancolie pour finir avec un film plus fun, comme Lisa Frankenstein !
N’hésitez pas à aller consulter mes recommandations de films d’horreur singulièrement féministes!