Attention claque féministe saignante! Assassination Nation est une charge sans concession contre l’Amérique puritaine. C’est beau, c’est fun, c’est rageusement engagé et pertinent sur la culture du viol. What else?
La ville de Salem est prise dans une folie meurtrière suite au hackage de données de la moitié de la population. Quatre amies vont devoir affronter les habitant-es…
Assassination Nation de Sam Levinson,
Avec Odessa Young, Suki Waterhouse, Hari Nef, Abra,
Scénario: Sam Levinson,
Photographie: Marcell Rèv,
Montage: Ron Patane
Assassination Nation est le deuxième film de Sam Levinson, fils de Barry Levinson, réalisateur entre autres de Sleepers.
Juste avant la projection, le programmateur annonce qu’Assassination Nation a été projeté pour la première fois au festival de Sundance en février 2018. Par la suite, le film a été bloqué, il a été impossible pour les programmateurs de l’obtenir. Pourtant, il est produit en parti par Universal. A priori, l’explication serait qu’Assassination Nation est un tel réquisitoire contre ce qui se passe aux USA actuellement, qu’Universal a été gêné de diffuser le film par la suite. Il arrive finalement en France aux Utopiales (où il a gagné le prix du jury). Ma curiosité a décuplé d’un coup.
Assassination Patriarchy
Assassination Nation s’avère être pamphlet féministe, rageur, vengeur, jouissif. Dans mes souvenirs, je ne crois pas avoir vu un film de genre aussi assumé dans son propos. Si vous en avez assez d’entendre les discours féministes, passez votre chemin.
Sans s’excuser de rien, Levinson appuie et même enfonce là où ça fait mal. Parmi les thèmes abordés: le puritanisme, la chasse aux sorcières (on est à Salem), le sexisme, la perception du corps, la culture du viol, les pauvres mâles blessés dans leur égo…
J’ai lu des reproches similaires qui avaient été fait à Revenge de Coralie Fargeat. A savoir les corps dénudés, sexualisés qui soi disant viendraient en contradiction du propos féministe. Etre féministe et vouloir montrer son corps, dénudé ou pas, n’est pas paradoxal. C’est ce qu’on appelle l’empowerment. La capacité de chaque femme a être maitresse de son corps, que ça soit pour le montrer ou non. Que ça soit pour jouir sexuellement ou non.
A l’ère des réseaux sociaux où tout est frénétique (la communication, les relations sociales, les fêtes…), on est entraîné-es dans un tourbillon où l’on sait que le bain de sang n’est pas loin. Mais on ne sait pas comment il va se déclencher. Et la grande force d’Assassination Nation est d’être tout à fait crédible. Et c’est aussi ce qui effraie le plus.
Enfin, là où Assassination Nation m’a impressionnée, c’est dans sa capacité à avoir compris les enjeux actuels des revendications féministes. Notamment sur le fait que ce sont bien les hommes qui ont construit les règles de notre société. Alors s’ils en sont frustrés, c’est bien de leur responsabilité.
The Craft à Salem
Les quatre actrices principales (Odessa Young, Suki Waterhouse, Hari Nef et Abra), forment un gang qui se complètent avec intelligence, dirigées avec brio et bénéficiant de dialogues pertinents.
Hari Nef est par ailleurs mannequin, et femme transgenre…et ce n’est pas un sujet dans le film! C’est rapidement évoqué, simplement pour signifier qu’elle fait partie d’une minorité qui subit des discriminations. Je crois que c’est l’un des seuls films (avec Tangerine de Sean Baker) où l’identité d’une personne trans n’est finalement pas le sujet.
Niveau mise en scène, Levinson utilise des split screens (l’écran est séparé en deux ou trois pour montrer des actions différentes au même moment). Cela renforce l’idée d’affluence d’informations et d’images, tout en nous permettant d’être en lien avec les quatre amies. Un très beau plan séquence amorce le début de la nuit de l’horreur, qui amorce l’action en plusieurs étapes. J’y vois une métaphore des oppressions multiples, qui, cumulées, atteignent une violence sans retour.
On n’est d’ailleurs pas déçu-e du résultat du climax, saignant à souhait. On reste même sur un goût de trop peu.
Assassination Nation fait clairement des liens avec des références historiques fortes. Je pense aux Suffragettes, qui dans les années 1900 en Angleterre, s’alliaient pour obtenir le droit de vote, en y laissant enfants, et vie. Ici la conclusion est similaire.
Le teen movie féministe de notre époque qui deviendra culte qui parvient à manier propos politique sans concession, illustré par une colère saignante.