
The Ugly Stepsister, Elvira (Lea Myren) est une jeune fille comme toutes les autres : elle lit de la poésie et rêvasse, nez au vent, au beau prince charmant. Sa vie peut sembler douce si ce n’est le remariage de sa mère (Ane Dahl Torp), veuve, avec un noble du coin que cette dernière imagine fortuné.
Il n’est déjà pas facile de déménager, mais quand son tout nouveau beau-père meurt le jour suivant la noce en laissant aux nouvelles femmes de sa vie plus de dettes que de souvenirs, la situation devient dramatique.
Pour survivre, il va falloir se trouver un homme riche, et vite ! Car il n’est pas aisé d’être femme dans un monde d’hommes. La naïve Elvira, en âge de se marier, va se retrouver emportée dans une spirale infernale pour se trouver un bon parti.

The Ugly Stepsister : le villain pov de Cendrillon
Premier long-métrage de la réalisatrice norvégienne Emilie Blichfeldt, The Ugly Stepsister joue avec Cendrillon, le conte des frères Grimm en en modifiant le point de vue. La réalisatrice nous place dans les chaussures de l’une des « affreuses demi-soeurs » en lui conférant une humanité rafraichissante.
Elle n’est pas le seul personnage à recevoir ce traitement de faveur. Le film s’écarte du manichéisme un peu bêta de l’adaptation de 1950 de Disney et ancre chacun de ses protagonistes dans un contexte socio-économique, dans un univers irréel, certes, mais tangible. Cette contextualisation apporte une justification et de la nuance à des actions qui paraissent gratuites et cruelles dans les adaptations passées : la dureté de la mère, la jalousie envers Cendrillon… Ainsi, The Ugly Stepsister semble prendre certains codes à la Jane Austen, mais adapté par James Wan et Sofia Coppola.
Gorecore baroque
Si The Ugly Stepsister se joue des points de vue de manière actuelle et féministe, il n’oublie pas d’être diablement divertissant grâce à une dose de body-horror inventif qui tient pas mal du torture porn. Gore en général considéré comme gratuit, il est dans ce film amené avec plus d’intelligence, et ce, pour deux bonnes raisons.

Tout d’abord, la réalisatrice fait en sorte que l’audience ait de l’empathie pour Elvira qui est plus que de la chair à torture remplaçable. Ensuite, parce que toutes les atrocités qu’elle subit sont infligées soit par sa mère, soit par elle-même au nom d’une beauté factice et inatteignable. Le film rejoint The Substance dans son propos, et présente une fable autour de la détestation de soi dans une société patriarcale qui n’est pas prête à accepter la féminité dans toute sa vérité et sa diversité.
Un boy’s club de conte de fée
Puisque nous sommes dans une société d’hommes, arrêtons-nous un instant sur les personnages masculins qui partagent de nombreux traits de dégueulasserie avec ceux de The Substance. Emilie Blichfeldt se fait un malin plaisir à tordre l’image d’amoureux courtois du prince charmant pour en faire un sale type privilégié qui pérore bêtement et écrit de la poésie graveleuse, toujours entouré de son boy’s club du même acabit que lui.
Quant au bon père de Cendrillon/Agnès (Thea Sofie Loch Næss), s’il n’a pas bénéficié de beaucoup de temps d’écran, il est suffisant pour le montrer condescendant envers ses nouvelles belles-filles laissant clairement comprendre la différence de classe entre les deux familles.

Une sororité complexe
L’écriture du personnage de Cendrillon aurait pu tomber dans une caricature inverse. Si elle agace par son allure hautaine et ses privilèges de classe et de beauté, en tant que jeune-femme seule et dans le pétrin, ses attitudes ne semblent pas injustifiées. The Ugly Stepsister ne considère pas la jalousie supposée entre les jeunes-filles comme inée, mais la montre comme la création d’une société qui ne laisse peu de place aux femmes qui doivent se montrer hargneuses pour survivre.
La deuxième sœur, Alma (Flo Fagerli), vient en contrepoint de ses relations malsaines, car elle a tout simplement et très consciemment décidé de se tenir à l’écart de cette mascarade qu’est l’apprentissage de la féminité.
La mascarade de la féminité
Cet apprentissage de la féminité est le coeur de The Ugly Stepsister car on y voit principalement un enchainement de séquences qui montre les deux aspects de cette mascarade : les scènes de chirurgie esthétique barbares, entremêlées à celles des cours de bonnes conduites pour jeunes filles bien élevées.

On voit dans The Ugly Stepsister une réminiscence d’Innocence de Lucile Hadžihalilović qui entourait cet enseignement désuet d’un voile étrange et mortifère. Si les films partagent un sens de l’esthétique prononcé, quoique bien plus fourni et baroque pour le norvégien, Emilie Blichfeldt est nettement moins métaphorique, mais certainement plus rentre-dedans et terriblement efficace, d’autant plus lorsqu’elle se permet des embardées vers un humour noir mordant qui donne du rythme au long-métrage.
The Ugly Stepsister est une relecture maline et mordante du conte de Cendrillon qui ne lésine pas ni sur le body horror bien gruesome, ni sur une esthétique baroque et bordélique pour délivrer son message : une réflexion autour de la détestation de soi dans une société patriarcale.
The Ugly Stepsister sera à retrouver en salle à partir du 2 juillet