Dans le cadre du Final Girls Berlin Film Festival était projeté Huesera, le 1er long métrage de la mexicaine Michelle Garza Cervera. Entre fantastique et horreur avec une touche de home invasion, Michelle Garza Cervera livre un 1er film efficace et pertinent sur la dépression post partum.

Quand Valeria tombe enfin enceinte c’est le bonheur. Pourtant, cette nouvelle étape s’accompagne d’une présence de plus en plus inquiétant qu’elle peine à comprendre.
Plus la grossesse avance et plus les repères de Valeria sont confus. Jusqu’à l’accouchement..

Le cinéma de genre regorge de films sur la maternité, que ça soit sur la grossesse ou le quotidien plus ou moins effrayant d’être mère.
Force est de constater que ces dernières années, de nombreuses réalisatrices ont émergé dans le cinéma d’horreur. On remarque évidemment les plus célèbres comme Julia Ducournau, Coralie Fargeat, Jennifer Kent. Mais il ne faudrait pas oublier les Rose Glass, Charlotte Colbert, Corinna Faith ou encore Anita Rocha da Silveira. Ces femmes se réapproprient leurs histoires et proposent donc de nouvelles narrations.
Et c’est particulièrement pertinent quand il s’agit de la maternité comme le fait Michelle Garza Cervera, diplômée d’un MFA au Royaume Uni. Car on voit que des films comme Babadock ou Prevenge permettent de proposer une nouvelle manière de filmer et de traiter de la maternité.

Huesera ou la dépression post partum

Dans Huesera (=osssaire), la réalisatrice s’attache à matérialiser les angoisses d’une naissance à venir.
L’arrivée d’un nouvel être humain, qui plus est, fabriqué par nous même, amènent à des questionnements sur nos propres origines et désirs de vie. C’est ce qui amène Valeria à se demander si finalement elle veut être mère, alors qu’elle a attendu ce moment depuis longtemps, avec son compagnon.
Dans Huesera, le sujet n’est pas le corps de la femme enceinte (souvent objet de fascination dans le cinéma d’horreur, notamment à travers le body horror).
La réalisatrice se concentre sur son personnage féminin. Pour cela elle l’étoffe: Valeria est bricoleuse, tient tête à son compagnon et est plutôt à l’opposé d’une fleur bleue, tout en dégageant beaucoup de douceur.
L’horreur c’est l’environnement (le voisinage inquiétant, la famille moqueuse et symbolisant la pression sur la maternité, le compagnon qui ne fait plus l’effort de comprendre Valeria une fois enceinte).

Mère ou femme libre il faut choisir

On comprend que l’angoisse vécue par Valeria prend source dans son changement de vie survenu quelques années plus tôt. Punk, amoureuse d’une femme, elle a finalement cédé aux injonctions de la société, pensant certainement trouver bonheur et stabilité. Huesera démontre donc que de refouler ses besoins amène au malheur.
Là où le film manque de subtilité et de nuances, c’est qu’il appuie une fois de plus sur le fait qu’il n’y a qu’un schéma de mère. Celui d’être aimante, douce, ne sortant pas, ne buvant pas, bref ne faisant pas d’excès ni de fantaisie. Comme si on ne pouvait pas aller à un concert de rock et boire de la bière tout en donnant un biberon le lendemain.
Or, des mères punks, avec des cheveux couleur flashy, buvant, fumant des joints à l’occasion, partant en vacances sans enfants…il y en a. Ce ne sont certainement pas les majoritaires, tant justement la société a du mal à concevoir ce schéma. Pourtant elles sont bien là (et d’autres aimeraient sans doute voir que l’on peut être une « autre » mère).

C’est d’autant plus paradoxal que la mise en scène de Huesera ne cesse d’utiliser le motif du reflet (à travers des miroirs, des vitres, du frigo pour symboliser l’ambivalence et les deux aspects de sa vie que Valeria doit gérer.

Par ailleurs, on retrouve également le motif de l’araignée (qui symbolise la mère) qui cohabite avec celui de l’os (=ce qui nous structure). On retrouve l’insecte évidemment mais aussi une toile d’araignée le décor de vie de Valeria. L’os est présent principalement à travers ceux de Valeria qu’elle se fait régulièrement craquer (on aurait dit moi). Mais aussi à travers ce décor qui la structure.
Lors du final, ces corps et ces os forment une araignée (=l’élément final qui achève de terroriser Valeria).

Malgré une structure narrative déjà vue (introduire la séance de dark spiritisme que l’on sait inévitable, le compagnon démissionnaire), le film ose un final qui fera grincer plus d’un mascu adepte de Johnny Depp. Et ça…on aime.
Il faut admettre que le rituel apporte une dose de fantastique bienvenue, particulièrement anxiogène, qui permet également d’asseoir la patte « mexicaine » du film, s’écartant d’une oeuvre formatée calquée sur les USA.
Les scènes d’horreur sont simples et efficaces mais trop en pointillé pour maintenir une tension continue. Ceci dit Huesera se suit avec grand plaisir, grâce à l’empathie que l’on a envers Valeria.

Huesera de Michelle Garza Cervera
Ecrit par Michelle Garza Cervera et Abia Castillo
Avec Natalia Solian, Alfonso Dosal, Mayra Batalla
Produit par Machete/Disruptiva Films/Maligno Gorehouse/ Senor Z
Photographie: Nur Rubio Sherwell