Listen to me sing est un court métrage d’animation fantastique qui évoque la solitude à travers une chanteuse perdue.
Critique et interview de la réalisatrice à suivre!
Sophie vit et travaille dans un hôtel misérable. Chaque nuit, on la force à chanter devant un public détestable. Soudain, elle rencontre un morse qui va changer sa vie..
Mal aimée, elle est la mal aimée
Listen to me sing vous met dans une atmosphère à la fois fantastique, gothique, sur fond de conte.
On découvre un personnage, une femme comme laissée pour compte, perdue dans un motel où elle est travaille comme chanteuse-crabe.
Mi objet de divertissement, mi bête de foire, on sent tout de suite une grande tristesse dans son regard, qui attire notre empathie. L’arrivée d’un morse, qui lui ressemble (tant au niveau couleur que morphologie), la sort de sa solitude. Plusieurs thèmes sont abordés dans Listen to me sing: solitude, affirmation de soi, rejet de la différence, opportunisme et domination, mais aussi la force que l’on trouve quand on arrive enfin à rencontrer quelqu’un qui nous est proche. Ces différents éléments permettent de créer un lien direct avec les spectateur-rice-s.
La photographie de Listen to me sing est sublime: tout en contraste de bleu, rose et blanc, elle permet de nous plonger dans une ambiance mélancolique, tout en apportant un peu de couleur, donc de beauté et d’espoir dans le récit. Mais la mise en scène reste simple. Pas d’artifices, à l’image de son héroïne.
L’utilisation de tissus, de laine, amènent une touche de douceur, qui facilite l’identification au personnage principal.
J’émettrais une réserve sur le dénouement final qui est plutôt attendu, mais qui est sauvé par une idée de mise scène, elle, assez déroutante.
Pari osé donc, mais qui vaut le détour, Listen to me sing s’inscrit définitivement dans le cinéma de genre.
Quelques questions à Isabel Garrett
Listen to me sing est une œuvre singulière, qui a son univers bien propre. Pouvez vous expliquer rapidement votre parcours, d’où vous venez?
Merci! Je viens de la ruralité du Pays de Galle, à West Wales donc la nature est quelque chose qui m’a toujours intéressée. J’aime les espaces entre le monde naturel et les parties habitées par les humain-es. On dirait qu’il y a toujours un pont oublié entre les deux. Comme les périphéries des villes et les zones industrielles où on ne se soucie plus des paysages, mais on n’est pas heureux de vivre là pour autant.
Votre métrage touche à plusieurs thématiques: estime de soi, solitude, expression orale et corporelle, rapports sociaux…Pourquoi avez vous eu envie d’explorer ces thèmes?
Ce sont tous des thèmes qui me sont personnels. Pour des raisons quelconques, mon travail semble contenir des choses qui sortent et entrent de ma bouche, mais je connais pas la raison exacte pour Listen to me sing.
Je pense que parce que nous apprenons beaucoup du toucher et du goût, explorer les choses dans ce sens quand nous sommes jeunes, semble être une bonne métaphore pour être transporté-e dans un monde différent. Je suis particulièrement intéressée par les histoires tenues par un personnage féminin, sur l’expression de soi à travers des traits féminins.
Le bleu et rose dominent Liste to me sing, pourquoi ce choix?
Je préfère garder une palette de couleurs limitée, et pour ce film, il me semblait approprié que le personnage principal soit rose. En partie parce qu’elle est nue dans beaucoup de plans, et aussi parce que ça représente typiquement la féminité.
Je la voulais belle, ne correspondant pas aux standards, et lui donner la capacité de s’exprimer à travers son corps. Parce que le reste du monde, dans le film, se situe en intérieur, je voulais le représenter sans vie, miséreux. Le gris semblait approprié.
Comment avez vous travaillé la bande son?
Le son et les bruitages sont venus vraiment naturellement. Nous avons commencé avec l’idée de la gorge qui chante et le morse ayant une grosse voix, Adam et Steph (le compositeur et concepteur sonore), sont venus avec un paysage sonore de Science Fiction surréaliste qui a aidé a rendre le monde encore plus dystopique.
Vous utilisez de la laine pour vos personnages et autres tissus. Pouvez vous expliquer ce choix? Qu’est ce que cela apporte aux corps de l’animal et de la femme?
J’ai travaillé avec beaucoup de tissus. Il a une chaleur et une texture qui fonctionne bien à la caméra. Et aussi parce que c’est doux et cinglant, on peut faire des choses assez sombres et bizarres, et rend quelque chose de beau.
Quelle a été la partie à réaliser qui vous a le plus plu?
Fabriquer les choses est ma partie préférée, faire les poupées et leur donner de la personnalité. J’aime aussi beaucoup travailler avec d’autres gens qui peuvent faire un meilleur travail que moi sur les éléments concernant la photographie, la production, la musique et le son…
Quelles sont vos références cinéma? De quoi vous inspirez vous?
J’aime beaucoup le travail de Roy Andersson et Niki Lindroth Von Bahr. Des choses qui mettent mal à l’aise, mais des drôles de monde. Des choses qui sont mornes et post apocalyptiques.
Quelles sont vos projets?
Pour le moment, je viens juste de commencer à travailler sur une courte introduction sur une série humoristique avec un homme nu et velu, en tissu. C’est génial. C’est également formidable de faire une résidence à Londres pendant un an.