Aller en festival de cinéma c’est toujours l’occasion de découvrir des courts métrages. Format trop peu visible au quotidien, le court est pourtant une formidable opportunité de découvrir des auteur-es, des styles, et une force narrative (ou pas).
Au Final Girls, les courts prennent une place très importante, alors on vous propose de revenir dessus et vous faire découvrir des réalisatrices à suivre !

Le Final Girls Berlin Film Festival a proposé 11 sessions de courts métrages pour cette année 2023, tous réalisés par des femmes ou des personnes non binaires. J’en ai fait 9.
Nous avons assisté à presque toutes les séances. Les sessions de courts métrages sont classées par thématique. On vous propose de revenir globalement sur ces thématiques.

1-Body horror

>>7 courts métrages dont 4 provenant des USA.

Violet Daze

Ce sous genre horrifique, dont le représentant emblématique est David Cronenberg est passionnant pour aborder le corps, ses changements, ses maladies, son intérieur.
Cette sélection manque sérieusement d’éléments propres au body horror. La chair n’est globalement pas au coeur de l’image, sans effets dérangeants. Mais ce qui n’empêche pas d’aborder des thématiques riches.

Les courts métrages abordent la sexualité avec l’expérimental Shlop réalisé par des Suédoises, et de Love is a fire de Sofie Somoroff qui évoque la détérioration d’un couple symbolisé par une infection.
On évoque sexualité et règles dans First blood d’Olivia Loccisano et il faudra m’expliquer pourquoi souvent, on fait boire ou manger les résidus de règles aux héroïnes. Une vision très classique de l’adolescente qui a ses 1ères règles et qui n’apporte rien.
Il est également question de rituels. Que ça soit pour garder la ligne pour une actrice qui se retrouve confrontée à une secte dans l’inabouti Swallow de Mai Nakanishi. Ou pour garder une amie près de soi en s’unifiant au 1er sens du terme, corporellement dans le rigolo Violet Daze de Marisa Martin.
On évoque la souffrance psychologique et corporelle à la suite de traumatismes dans le joli Legs de Celine Cotran reprend le symbole de l’araignée qui représente la mère, pour évoquer la fausse couche. Quant à In the flesh de Daphne Gardner, il est question de gestion du trauma du viol à travers une eau sale qui envahie la baignoire de son héroïne. Ce dernier est un peu maladroit dans sa structure pour faire percuter son propos.

2-Menacing presences

>> 9 courts métrages dont 5 provenant des USA

Mudmonster

Les présences menaçantes, quelles sont-elles? Cette session de courts métrage aurait tendance à répondre les écrans et la nuit.
Ainsi, Sleep Study de Nathalie Metzger aborde la paralysie du sommeil pour punir une femme indépendante qui a un mari au foyer. Le film d’animation Deshabitada de Camila Donoso nous plonge dans le superbe cauchemar éveillé d’une vieille femme tourmentée par ses souvenirs.
Le sympathique Night Work de Savannah Hunter Reeves emprunte les codes du home invasion pour torturer mentalement une jeune mère isolée le soir pour travailler.
Mudmonster de O.B de Alessi traîne en longueur et en maniérisme pour donner vie à un monstre de boue, plus ou moins maîtrisée par une adolescente gothique.
Enfin, l’horreur se matérialise à travers le téléphone dans l’efficace It’s not real de Tina Carbone, qui a l’intelligence d’allier téléphone, ombre et lumière pour convoquer nos peurs primaires du noir. Le grossier Glitch de Rebecca Berrih utilise également le téléphone mais avec moins de finesse et donc d’efficacité.

Complètement à part dans la sélection, le passionnant Knit one stab two d’Alison Peirse est un documentaire qui se penche sur la représentation de l’utilisation du tricot dans les films de genre. Ce court m’a fait réalisée que de nombreux films mettent en scène des personnages féminins qui tricotent. Pour symboliser leur folie latente, leur dangerosité insoupçonnée ou encore pour transformer cet objet paraissant innofensif en arme (Laurie Strode dans Halloween).

3-Close to home

>>7 courts métrages dont 4 provenant des USA

Everybody goes to the hospital

Comme son nom l’indique il est question de proximité dans cette session de courts métrages. Ainsi, la 1ère source d’angoisse est la famille.
Dans le poignant Everybody goes to the hospital de Tiffany Kimmel, on suit en stop motion le calvaire d’une petite fille dans un hôpital à la suite d’une appendicite. Elle est mal aimée par ses parents et ignorée des médecins. La réalisatrice met en image ici l’histoire de sa mère en 1963.
Le calvaire d’avoir une famille pesante continue avec le maladroit Merah Bawang Putih d’Andrea Nirmala Widjajanto qui évoque superficiellement la grossophobie.
Le rigolo The Forfeit vous fera passer joyeusement une party de Time’s up parmi une belle famille déviante.
Quant au poétique film d’animation Ethel de Beatrice Jäggi, il convoque l’univers de Mr Jack pour évoquer le deuil d’une petite fille qui admirait sa mère patineuse, mais cabossée par ce sport exigeant.
Seafoam d’Izzy Stevens manque cruellement de maitrise pour traiter le sujet de la peur de vieillir, à la It Follows.
On ne peut pas évoquer la maison, sans parler des violences conjugales. Ainsi le jouissif Scooter de Chelsea Lupkin invente une démone punissant les hommes violents verbalement et physiquement.
On s’approche de ce qu’on appelle « cinéma d’auteur » avec White devil de Mariama Diallo et Benjamin Dickinson qui mettent en scène un couple avec une femme noir et un homme blanc. Le court métrage illustre comment un homme blanc peut s’approprier la lutte anti raciste, et ses effets toxiques. Certainement le court dont la fin m’a le plus glaçée.

4- Creatures

>> 7 courts métrages dont 4 provenant des USA

Sucker

Une session de courts métrages plutôt réjouissante qui met au centre de l’attention une créature.
Les démons symbolisent ici un côté intérieur négatif que les personnages doivent dompter. La jalousie en amitié dans le fun Hell Gig d’Ella Gale, la dépression affrontée par deux soeurs dans Sucker d’Alix Austin, le syndrome de l’imposteur dans le génial Appendage d’Anna Zlokovic, la culpabilité d’une mère qui passe un week sans ses enfants dans le superficiel Kid free weekend de Rozalyn Mattocks.
On découvre un cafard rigolo mais qui finalement perpétue des clichés sexistes dans You’re my best friend de Chell Stephen. Le sexisme continue avec Mantra de Stef Meyer qui fait un parallèle grossier et déjà vu entre mante religieuse et femme tueuse.
Fishwife traite de violences masculines dans une nature maritime somptueuse du 18e siècle.

5- Bodily autonomy

>>6 courts métrages dont 2 provenant des USA

Marked

On s’approche du body horror avec cette sélection donc le but est de mettre en lumière des courts métrages traitant de la perte de l’autonomie de son corps.
Finalement, le body horror est plus perceptible dans cette sélection.
On découvre avec cette session une grande diversité dans ce que représente la perte de la propriété d’un corps.
La thématique des migrants est évoquée à travers de la SF dans La Antesala d’Elisa Puerto Aubel qui fait froid dans le dos.
L’appropriation du corps des femmes est évident au centre avec le corps de la femme enceinte dans le bordélique mais crispant Yummy Mummy de Gabriela Staniszewska, la contraception imposée qui finira dans le sang dans le sympathique Marked de Catherine Bonny. Et enfin le viol dans Sleep d’Alexandra Pechman et Sangue Nero (qui a une pointe de loup garou qui n’est pas pour me déplaire).

6-Queer horror

>>8 courts métrages dont 4 provenant des USA

Hundefreund

Ce choix de sélection dit « queer » me laisse toujours dubitative car je pense qu’il serait plus opportun d’intégrer des personnages queer dans des intrigues sans en faire un sujet. Sauf quand il s’agit de parler d’un problème spécifique à la queerphobie.
On peut dire que la session se divise en deux ambiances. L’une regroupe des courts expérimentaux et barrés auxquels j’ai assez peu accroché (Ricochet de Daviel Shy et Valerie Whitehawk, It takes a village de Glam Hag, Plastic Touch d’Aitana Ahrens).
Violet butterfield: makeup artist for the dead de Brooke Edler est certainement le plus fun, en mettant en scène une maquilleuse pour morts qui est subliment interprétée.
L’autre creuse un propos plus politique. Apostasy de Siobhan Paterson traite trop simplement d’une adolescent coincée dans la religion qui découvre son homosexualité, le très touchant Don’t go where I can’t find you de Rioghnach Ni Ghruioghair évoque la confrontation d’une lesbienne quinquagénaire face à sa culpabilité de ne pas avoir pu sauver sa compagne. Enfin Hundefreund de Maissa Lihedheb fait écho au court métrage White devil évoqué plus haut en mettant en scène un couple gay mixte. Après une belle 1ère partie fun et portée par des comédiens talentueux qui apportent une vraie touche de naturel, la 2e partie désarme en assumant un propos politique fort. Le blanc commence maladroitement une discussion autour du racisme, face à son compagne noir qui accueille ces propos avec un cynisme et humour noir tout à fait jouissif.

7-Midnight

>>9 courts métrages dont 8 provenant des USA

Chicks

Cette séance de minuit est sensée proposer des oeuvres fun, décalées, gores bref, le fameux amusement de minuit que tout fan de genre attend. Le concept est né dans les années 50 aux USA donc pas étonnant que quasi tous les films de la sessions soient américains.
Non seulement la sélection répond peu à ces attentes, mais en plus la qualité des films laissent à désirer.

Il y a d’abord ceux qui tentent de s’appuyer vaguement sur des problématiques féministes qui tapent à côté (l’image de la femme au foyer dans Wild Bitch de Kate Nash et Rebekka Johnson et un homme dont le pénis rétrécit à chaque phrase sexiste qu’il prononce dans Inch by Inch de Karolina Esqueda). La 1ère partie de Chicks qui raconte l’intégration d’une adolescente sage chez les filles populaires, était prometteuse mais le film se perd ensuite dans un rite de passage en mode sabbat un peu ridicule.
Viennent ensuite les courts dont on ne comprend pas l’intérêt, avec une vampire qui boit le sang de ses règles (encore!) pendant la minute du court, dans Vampire Straw de Marianne Chase et Emily Taylor. Big Weekend Plans de Tesha Kondrat, tourne en dérision les pulsions suicidaires d’une femme, qui finit par réaliser qu’elle veut vivre en arrivant presque à se tuer accidentellement ?
Meat Friends d’Izzy Lee parodie le format de série télé américaine cheesy, met en scène un monstre rose fait de steaks dans un micro onde, et devient l’ami d’une petite fille. Cela aurait pu être le moment vraiment fun de la soirée, mais les séquences s’enchaînent trop rapidement sans explorer le potentiel comique de ce qui s’apparente à une marionnette de show. Idem pour The Promotion de Kate Espada, qui tourne vite en rond en filmant un homme et une femme en confrontation verbale pour obtenir un nouveau poste.

Finalement, les 2 courts métrages les plus intéressants sont ceux qui utilisent une thématique bien connue dans le cinéma de genre: les apparences ne sont pas celles que l’on croit. She’s killing it de Jamie Rice et Nicole Machon raconte la descente aux enfers de l’égo d’une one woman show dont les blagues sont issues d’une sorte de necronomicon. Malgré une fin bâclée, le reste est plutôt divertissant.
Le plus réussi reste Maybe you should be careful de Megan Robinson qui résonne étrangement avec A girl walks home alone at night (avec un ton plus léger), car il s’agit d’une femme en apparence inoffensive, qui s’avère dangereuse la nuit. Un homme soupçonne sa petite amie d’être une tueuse simplement car elle ressemble à une suspecte. L’ensemble est un peu long, mais le concept relativement bien maitrisé et j’aimerais bien ce que cela pourrait donner en long.

8-Young n deadly

>>5 courts métrages dont 1 provenant des USA

La Verrue

La session la plus décevante du festival. Alors que la thématique me passionne (les enfants tueurs/dangereux), aucun ne s’est avéré qualitatif, à part La verrue de Sarah Lasry que j’avais déjà vu Court Métrange et Hiama de Matasila Freshwater qui revisite Carrie du point de vue d’une adolescente noire. Elle utilise les rites d’une gardienne spirituelle de ses origines pour se venger. Le court est trop simple et un peu long dans son approche mais propre et malgré tout prenant.
Je vous passe donc le laborieux Lalanna’s song de Megha Ramaswamy qui enchaîne les séquences inutiles, The Christening de Molly Scotti qui part d’une idée intéressante (la mauvaise influence de la religion sur une gamine), mais qui en fait un objet moche, mal joué et au final sans intérêt.
(Ne demandez pas pour le 5e, je l ‘ai loupé).

9-High tension

>>6 courts métrages dont 1 provenant des USA

Unes

Cette dernière session était programmée à 22H45 un dimanche soir, autant dire la pire heure pour avoir du monde dans la salle. D’autant qu’elle clôturait également le festival.

Un cru de courts globalement assez pauvres tant en idées, qu’en tension.
L’image et le visage étaient au centre de You will see de Kathleen Bu et Face not recognized des Also Sisters. L’un utilisant le motif de l’appareil photo pour faire ressortir l’horreur, l’autre filmant une femme dont le visage est recouvert de ciment. On s’ennuie ferme.
On passe ensuite à Nia Sol Nia Sombra de Talia Hernando qui tente de mettre en scène la violence conjugale et de ce qu’elle peut avoir de soudain. Mais le traitement est tellement lourdingue, que le personnage féminin ne suscite aucune empathie.
Kickstart my heart de Kelsey Bolling fait le parallèle grossier mais fun, entre être entre la vie et la mort, et une bataille imaginaire à coups de poings contre des méchants à la Kick Ass. Le fun retombe aussi sec au générique, quand on nous sert des images personnelles de la réalisatrice qui a réellement eu un accident et qui raconte ici son histoire. Une image ou deux avec le contexte aurait suffit. Cela en dévient gênant de voir tant d’intimité dévoilée.

Les 2 derniers courts traitent de la violence masculine. Unes de Kam Duv (avec Aloïse Sauvage, coeurs sur elle), met en scène une femme qui fait appel à son ex petite amie car son compagnon se transforme en monstre. Le court a été tourné à Rungis, dans un abattoir, décor idéal pour représenter l’horreur et le patriarcat. Une vraie sororité des personnages féminins se dégagent tout de suite, et la traque dans l’abattoir est prometteuse, on aurait aimé en voir plus!
Phantasmagorie d’Alejandro Mathe bénéficie d’une photographie magnifique, à la Witch permettant une immersion dans cette ambiance inquiétant où le diable (l’homme) entre dans la bergerie.

C’était un vrai plaisir de découvrir autant de courts, d’autant que dans presque toutes les sessions j’ai été séduite par 2 ou 3 courts.
Des univers, thématiques riches où les personnages masculins hétéro sont quasi inexistants. On peut également noter que quelle que soit la qualité des courts métrages, il est rarement question d’histoires d’amour. Au mieux de sexe, au pire le couple est posé comme contexte, pas comme sujet.