Femme aux cheveux frisés

Juliette tient son propre blog, écrit pour Cinématraque et interviens occasionnellement dans divers podcasts.
C’est une cinéphile très engagée et politisée sur les réseaux sociaux et j’avais envie de l’interroger sur son regard que je trouve affuté. Vous allez forcément découvrir des films et nourrir votre réflexion politique de cinéphile en la lisant alors c’est parti !

Peux-tu te présenter? (où tu écris, interviens etc..)

Je m’appelleJuliette, ce n’est un secret pour personne, mais j’écris majoritairement sous le pseudo d’Antigone – un alias que je ne pensais pas garder si longtemps mais qui a fini par me coller à la peau. J’écrivais sur mon propre blog de cinéma, mais je rédige mes papiers presque exclusivement sur le site Cinématraque depuis janvier 2021.

Je participe assez régulièrement au podcast du site et parfois à d’autres quand on m’invite (ou quand je m’invite), surtout le super Lemon adaptation Club qui parle comme son nom l’indique d’adaptations. Dans le cadre de mon travail de programmatrice j’ai aussi l’occasion assez régulièrement d’intervenir pour présenter et animer des débats sur des séances. C’est surtout sur les réseaux sociaux que j’ai fabriqué mon petit nid, surtout Twitter en réalité où je mets un petit commentaire pour chaque film que je vois dans l’année. C’est, d’une certaine façon, mon moyen d’expression principal sur le cinéma, pas forcément le plus intéressant mais le plus prolixe.

Tu as ton propre blog mais tu écris aussi pour Cinématraque et interviens dans des podcasts. Quel exercice préfères tu? Quelle différence de parler cinéma par écrit et sur un podcast?

Ce sont deux exercices très différents et je ne saurai pas vraiment dire ce que je préfère.
Pour l’écrit, j’ai longtemps été seule et initialement je ne voulais rejoindre aucune rédaction jusqu’à ce que le rédac’ chef de Cinématraque, un ami proche, arrive à me convaincre.
Et finalement, j’aime bien la dynamique d’une « rédaction », même amatrice. Ça permet des discussions souvent très intéressantes et ça enlève un certain sentiment d’écrire tout seul, pour soi, dans son coin.

Les podcasts j’adore ça aussi, notamment pour l’aspect plus réel, plus véritable échange. À l’oral parfois on arrive à exprimer plus de choses mais je trouve ça d’une certaine façon plus difficile car on ne peut pas se relire, et c’est plus difficile de se synthétiser ou au contraire parfois de s’imposer. Souvent quand je me réécoute je me trouve trop répétitive ou parfois pas assez pertinente. Mais ça n’empêche que j’aime beaucoup ça !

Tu sembles être adepte de tous les genres de cinéma: populaire ou non dans des styles très différents. Que penses-tu des débats réguliers sur le fait que le cinéma populaire est parfois trop léger vs le cinéma dit d’auteur élitiste?

Longtemps, je pense que j’ai eu du mal à faire la nuance cinéma « populaire » et cinéma « élitiste » parce que la seule distinction que je faisais était : « est-ce que c’est un bon film ? ».

J’ai beaucoup évolué sur cette question au fil des années, et j’ai tendance à m’éloigner désormais des grosses machines car j’ai compris que ce qui est produit au sein d’énormes systèmes et empires audiovisuels ne peut pas offrir les audaces et réflexions que je recherche.
J’ai arrêté un peu de me contenter des trois graines de pink washing et de petit féminisme offert par la majorité des blockbusters.
Mais je pense qu’il ne faut pas pour autant mépriser ce cinéma dit « populaire », d’autant plus que cela représente une grande variété de productions, autant des films du MCU (qui ne me plaisent souvent que très moyennement), que fut un temps des films de Bacri/Jaoui (et là on est sur, selon moi, des choses excellentes).
Tout comme, dans l’autre sens, il ne faut pas partir du principe que ce qui ne l’est pas est forcément chiant et incompréhensible, parce qu’il y a des sentiers de cinémas différents qui valent le coup d’être explorés.

Et il faut se faire confiance aussi, il y a plein de degrés d’« auteurisme » que plus de gens que ce que l’on pense sont capables d’adorer. Il faut juste se lancer – et je sais que ce n’est pas facile.
Dans le cadre de mon travail, j’ai réellement pu voir des salles entières de lycéens, de collégiens, ou de petits enfants émus et passionnés par des choses vers lesquelles ils auraient pu craindre de se tourner. C’est là qu’intervient l’importance de la médiation et c’est sûrement ici que tous les systèmes se foirent un peu : en ne proposant pas les accompagnements ou les moyens suffisants pour « s’ouvrir » et se sentir légitime.

Suite à la popularisation du terme male gaze, penses-tu qu’il y a une évolution sur la manière de filmer/écrire les personnages féminins depuis ?

Une véritable évolution je ne sais pas mais en tout cas une conscience peut-être de ce que l’on fait ou de ce que l’on voit. Et cette conscience des biais masculins a peut-être permis à certains réalisateurs de réfléchir à deux fois avant de faire un gros plan sur les fesses de leur actrice.

Globalement, même avant la popularisation du terme, il y avait des personnages féminins géniaux ; mais il est possible que désormais ce soit plus courant, d’autant plus que ça peut intéresser les producteurs. De fait, dès 1996, le producteur (dont je ne citerai pas le nom) de Scream avait pour projet de mettre plus de personnages féminins pour augmenter l’audience des films d’horreur (afin que les filles aillent les voir). Je pense qu’une grande majorité des progrès soudain sur la question sont motivés par l’argent, mais je ne doute pas qu’il y ait aussi plein d’artistes sincères et qui ont réussi à réfléchir sur eux-mêmes.

Concernant les personnages dits de « minorité » comment trouver le juste milieu entre raconter une réalité (exclusion, pauvreté, violence subie) et ne pas essentialiser les personnages en racontant de nouvelles histoires/personnages qui ne sont pas liés à leur couleur de peau ou identité/orientation sexuelle ?

C’est une question très épineuse que je me pose souvent sans en trouver la réponse.
Clairement, les films trop misérabilistes m’agacent au plus haut point, et en même temps un film entièrement dépolitisé encore plus.

Récemment, j’ai vu Les chansons que mes frères m’ont apprises de Chloé Zhao qui, je pense, est un chef-d’œuvre. C’est une démonstration sur comment mettre en image et en (semi)fiction cell·eux qu’on ne voit jamais, et montrer autant les problèmes que la beauté. Il ne faut pas prendre pour sujet la misère mais les gens et c’est tout simplement comme ça, je pense, qu’on peut obtenir les plus belles choses – et les plus difficiles, mais c’est important aussi qu’elles soient là.

La mise en scène joue un rôle très important là-dedans, on différencie très vite je trouve un·e réalisateur·ice qui veut montrer des personnes ou des choses politiques, d’un·e réalisateur·ice qui adore juste le malheur et veut faire pleurer. Je ne reviendrai pas sur toute l’affaire Godard/Rivette/Kàpo mais elle m’a permise de comprendre justement l’éthique de l’image et comment être décent face à l’horreur. Mais c’est très compliqué, il n’y a malheureusement aucun mode d’emploi c’est du cas par cas pour moi.

Un film réalisé par une femme sera presqu’immédiatement analysé sous le prisme du féminisme

Ton top 3 de personnages féminins dans des films/séries?

Je pense déjà à deux grands « duo » de femmes qui comptent pour un à mes yeux puisque c’est leur dynamique qui en fait de grands personnages. Les deux sœurs Marianna et Juliane dans Les années de plombs de Margarethe von Trotta qui représentent deux versants du militantisme (pas forcément féministe) et sont toutes les deux complexes, inhabituelles et inspirantes.

Mais je pense aussi aux deux Marie des Petites marguerites de Věra Chytilová, des jeunes filles artistes extrêmement libres, enfantines qui challengent notre empathie pour elles et notre vision des femmes espiègles.

Et enfin, dans un tout autre registre, Nora, dans The Leftovers,la série de Damon Lindelof, est l’un des plus beaux personnages de fiction qui soit, l’un des plus bouleversants et avec une ambivalence et une complexité passionnantes. Je déteste les personnages trop « parfaits », même dans une perspective féministe.

Tes tweets sont souvent très politisés et radicaux sur le féminisme. Est-ce que tu es attaquée pour cela? Est-ce que tu as le sentiment que ça joue négativement sur des relations/événements?

Souvent j’ai le droit à beaucoup de réponses ou citations désobligeantes. Récemment, j’ai beaucoup réagi sur la présence de Johnny Depp au festival de Cannes et pour chacun de mes tweets à ce sujet j’ai dû finir par interdire les réponses tant, très vite, on m’embêtait.

À l’inverse, ça m’a aussi permis de rencontrer d’autres personnes très cinéphiles sur ce réseau qui partagent mes positions énervées et qui me permettent de découvrir pleins de choses très intéressantes. Je pense que ça joue forcément négativement sur certains cercles mais dans tous les cas ce n’est pas ceux dans lesquels je voudrais entrer. Je n’ai jamais réellement essayé de m’infiltrer dans la critique de manière ultra professionnelle donc je n’ai jamais eu l’occasion de subir du rejet à cause de mes positions. Peut-être que ça m’a fait louper des opportunités sans que je le sache mais dans tous les cas je ne suis pas trop capable de me modérer.

Ton top 3 de films qui tu définirais comme féministes mais qui n’ont pas pour sujet le féminisme ?

Je vais choisir des films qui ne me semblent pas forcément ou pas directement avoir pour sujet « la condition de la femme » ou du moins qui ne sont pas cités à ce sujet, mais qui, à mon humble avis, ont réellement des propositions intéressantes.
Ce sont trois films réalisés par des hommes mais c’est assez logique car un film réalisé par une femme sera presqu’immédiatement analysé sous le prisme du féminisme (et je ne dis pas que c’est une bonne chose, juste c’est ainsi). Alors qu’un film fait par un homme n’est pas forcément analysé sous cet angle.

Me vient vite en tête Sexe, mensonges et vidéo de Steven Soderbergh qui propose presque une inversion des rôles parfois, et parle de sexualité féminine sans jamais faire peser de honte. Je pense que toute la filmographie de Jacques Demy est féministe, mais j’aime bien citer Les parapluies de Cherbourg comme très fort à ce niveau, d’autant plus qu’il l’est le moins directement. Cette histoire chantée d’un amour raté montre parfaitement la pression qui s’exerce sur les femmes et, finalement, alors que leurs décisions peuvent paraître odieuses elles sont en réalité poussées par une grande précarité.

Enfin, me vient L’Exorciste de William Friedkin parce que derrière les scènes cultes et les insultes démoniaques, ce film a un propos contre la société réactionnaire et met en image la peur du corps des femmes libres.


L’omerta sur les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma français est toujours présent. Comment tu l’expliques? Penses-tu que ça va évoluer?

Tant que l’on vivra dans une société capitaliste patriarcale, rien ne changera malheureusement. Alors oui il y a eu Metoo, il y a eu balance ton porc et quelques témoignages qui ont marqué les gens mais ça ne suffit pas à ébranler les racines pourries.

En France, on a un vrai problème à ce sujet, il suffit de voir comment on est encore un pays de refuge pour des Polanski, des Allen et aujourd’hui même Depp. La théorie des auteurs qui domine largement dans la vision du cinéma à la française en est très responsable je pense car il y a vraiment un culte des artistes, un culte du génie libidineux et abusif qui va soi-disant sortir le meilleur par la violence.
C’est une vieille figure, il suffit de voir comment on étudie de vieux auteurs odieux avec les femmes mais qui souffrent donc ça suffit à les idolâtrer je crois. Il y a comme un amour du martyr, mais qui fonctionne que si c’est un homme dépressif et attaqué par les vilains woke. Les femmes victimes, elles, elles rappellent trop de vérités, elles ne sont plus de l’ordre du fantasme romantique, elles représentent le mal causé par les grandes figures torturées, on veut donc les effacer.

Le problème c’est que pour le moment, la génération qui s’accroche à tout ça est très présente, pas encore assez vieille et pas prête de lâcher les rênes. Je suppose que dans certains cas les choses s’arrangent mais globalement je crains qu’il n’y ait pas d’évolutions possibles à coup de témoignages courageux. Il faudrait vraiment agir, faire des grèves, refuser de jouer, refuser de récompenser, mais avec la peur de la liste noire ça n’arrive jamais. Le cinéma français est un cercle vicieux.

J’aimerais voir plus de personnages féminins appartenant à d’autres minorités : plus de femmes lesbiennes, plus de femmes racisées, plus de femmes folles et pas que les hystériques qu’on voit à chaque film qui ne sont pas capable d’être mères.

Tu as analysé de belles séquences de Conjuring sur ton blog. Qu’est ce que tu aimes dans le cinéma d’horreur? Quels sont les 3 derniers films d’horreur que tu as aimé?

J’aime souvent dire que les films d’horreurs sont mes parcs d’attraction. Je ne suis pas du tout une amatrice de sensations fortes mais, comme tout le monde, j’aime bien quand même avoir un peu d’adrénaline et le cinéma d’horreur m’offre ça. Je suis toujours absolument terrifiée devant les films et j’adore ça. Aussi, je trouve que c’est un genre très intéressant pour des analyses politiques car rien n’est plus révélateur que la peur. On a eu des films d’horreurs anti-communistes puis au contraire anticapitalistes, des nanars sexistes et des figures de final girl extraordinaires. C’est un espace cathartique très fort.

Pour les films, chaque mois d’octobre j’aime me plonger dans beaucoup de films d’horreur pour Halloween, donc je vais lister mes trois meilleures découvertes du dernier : L’incinérateur de cadavres de Juraj Herz qui parle de croque-mort, de nazisme et de folie le tout dans une esthétique ultra glauque. House de Nobuhiko Ōbayashi qui est une sorte de voyage sous acide où s’enchaînent les trouvailles visuelles plus géniales les unes que les autres ; Tesis de Alejandro Amenábar, un thriller horrifique qui interroge notre rapport à l’image et la violence, un très très grand film.

Ton top 3 de films détestés? Pourquoi?

Il y a évidemment un certain nombre de films que je ne trouve pas bons, mais pour que vraiment je déteste un film, il faut que politiquement il me dérange et m’enrage. La bonne nouvelle est que en réalité il y a peu de film que je HAIS car je les évite par instinct ahah.
Pour commencer celui qui me vient en tête car il est tout récent est Sans filtre de Ruben Öslund. Passons sur le fait que je suis restée assez en dehors de l’humour et de l’esthétique du film car c’est trop subjectif comme avis, mais j’ai un vrai problème face à son message. Je trouve que c’est une œuvre centriste, moralement très étrange, obviously faite par un bourgeois et très misogyne. Ce film me rend très en colère, je trouve qu’il véhicule des idées nauséabondes portées par des choix scénaristes et visuels assez immondes.
Je trouve que c’est un film qui n’a pas du tout une esthétique ou une structure de gauche. La fin où la dame de ménage devient aussi odieuse que les autres, prostitue un homme, est odieuse avec les autres femmes me débecte vraiment. C’est l’idée que dès que quelqu’un a du pouvoir il devient horrible même si c’est une femme, une personne issue de minorité. C’est une pensée que je trouve assez réactionnaire et qui ne conduit à aucun changement. La même femme de ménage qu’il montre avant dans le bateau collée à son portable avec ses autres collègues, traduit beaucoup de mépris. Si je vais dans le détail le film me dépasse complètement à beaucoup d’égard et je ne comprends pas la vision marxiste qu’on essaie d’y accoler !

Juliette Sans Filtre

Je ne peux pas supporter le film La vie est belle de Roberto Benigni. Je parlais avant de la question Godard/Rivette/Kàpo et mon problème avec ce film y est directement lié. C’est une représentation assez inconsciente de la Shoah, qui avec la figure de l’enfant à qui on ment tombe dans des travers que je trouve plutôt dégueulasses, le tout dans un récit trop rempli de pathos.

Et je vais finir avec In the fade de Fatih Akin, une sorte de film de vengeance dégoulinant qui possède une vision très bizarre de la justice par soi-même, avec une mise en scène qui se délecte littéralement de l’horreur à coup d’effets trop poussés.

Quelle représentation de personnages féminins aimerais-tu voir ou voir plus souvent?

C’est difficile à dire car, d’une certaine manière, je pense que, depuis le temps, le cinéma a réussi à nous offrir une très grande variété de personnages féminins.

Finalement, je vais donc faire un virage vers une autre cause qui me tient à cœur qui est celle de la représentation de la maladie mentale à l’écran, qui en plus est largement dominée par des figures masculines de fous tueurs.
J’aimerais voir plus de personnages féminins appartenant à d’autres minorités : plus de femmes lesbiennes, plus de femmes racisées et donc, j’y reviens, plus de femmes folles et pas que les hystériques qu’on voit à chaque film qui ne sont pas capable d’être mères.

Je veux une vraie représentation de femmes troublées mais qui arrivent à vivre, des choses ni psychophobes ni sexistes, qui représentent toute une catégorie de femmes que l’on ne voit presque jamais ou, si c’est le cas, presque jamais avec bienveillance.
Les seuls exemples qui me viennent sont Une vie volée de James Mangold ou la série Legion de Noah Hawley avec des personnages féminins qui représentent métaphoriquement l’autisme, ou le trouble dissociatif de la personnalité, le tout sans cliché et en montrant qu’elles peuvent très bien réussir à vivre.

Ton top 3 de films que tu adores mais généralement peu aimé?

J’ai rarement une très bonne vision d’ensemble de l’avis général sur les films donc j’ai bien galéré à trouver mais j’ai choisi des films qui, s’ils ne sont peut-être pas « peu aimé » ne le sont pas assez en tout cas selon moi.

Comme à chaque question, je vais répondre les trois films qui me sont venus le plus vite à l’esprit mais demain je pourrais répondre autre chose ahah.

Je commence par celui où je sais que c’est une vraie unpopular opinion pour le coup : je le confesse, j’avoue tout, j’adore plus que de raison Les Misérables de Tom Hooper. Pour moi il y a un parti pris gros film opéra, too much, camp mais aussi du même coup ultra romantique et épique qui fonctionne très bien et encore mieux avec le style ampoulé de Victor Hugo – j’ai une théorie folle comme quoi Hugo aurait voulu qu’on adapte sa grande fresque révolutionnaire ainsi.

Sinon, dans les choix plus sérieux, j’ai très vite voulu parler de L’Écume des jours de Michel Gondry qui n’a pas eu un accueil très évident ; et pourtant c’est l’un de mes films français préférés, l’un de mes films préférés tout court en réalité. Selon moi, visuellement, Gondry a parfaitement adapté Boris Vian en retranscrivant par son style cinématographique son style littéraire. C’est un film magnifique, déchirant, l’une des adaptations les plus puissantes, poétiques et intelligentes de l’histoire du cinéma.

Je vais finir par un film américain, Alexandre d’Oliver Stone qui souffre d’une assez mauvaise réputation et qui a été un échec dans tous les sens qui soient. Personnellement, c’est un de mes péplum favoris, un film un peu monstrueux qui se permet une grande violence graphique et tout un délire mythologique et fantastique pas forcément attendu. Le projet est aussi fou que l’était l’homme et finalement les difficultés qui l’ont accompagné sont presque métas.
À part L’Écume des jours, il ne s’agit pas spécialement de mes films favoris en réalité mais des œuvres que j’aime défendre.
Je triche en recommandant aussi Bring it on de Peyton Reed (pour le coup l’un de mes films préférés) qui même s’il est bien culte aux USA (pour ça que je le mets un peu à part) souffre de préjugés en France alors qu’il est aussi extraordinaire que très en avance sur son temps.


La critique cinéma engagée et politisée se trouvent davantage sur des chaînes, des blogs voire des podcasts. Comment expliques tu que la presse classique s’empare peu du sujet du féminisme, du racisme dans les représentations?

J’ai plus ou moins déjà répondu en partie à cette question plus haut. Je pense que la presse est encore en grande partie dominée par des critiques plus « à l’ancienne » et qui sont moins de la génération « cultural studies » – qui se sont démocratisées en France assez récemment.

Ça ne veut pas dire que cette presse n’est pas engagée parfois mais finalement plutôt dans des questions politiques comme les Cahiers du cinéma qui longtemps ont soutenu ou du moins discuté du mouvement des gilets jaunes, ou encore avant qui ont vu émerger pleins de cinéastes gauchistes communistes.
Mais du coup les questions de représentations plus récentes et tout aussi importantes tiennent plus à cœur aux jeunes et aux personnes appartenant aux minorités, qui pour le moment n’ont pas vraiment leur place dans la critique encore assez largement masculine et blanche – les choses changent je crois, je ne lis malheureusement pas assez la presse pour le savoir réellement.

Les blogs, podcast ou vidéos Youtube peuvent être créés par n’importe qui et il n’y a pas besoin de rentrer dans ces cercles encore trop fermés. Et c’est dommage car je pense qu’il peut naître de belles choses à justement mélanger les engagements politiques et l’études des représentations (qui est aussi politique hein !).
Finalement, les deux analyses ont des carences parfois. Une Youtubeuse anglophone que j’aime beaucoup, Verilybitchie parle beaucoup de représentation, pour la plupart du temps en montrer les limites : ne réfléchir que par représentations c’est oublier que parfois elles se font au sein d’un contexte au mieux trop dépolitisant et au pire carrément inconscient voire problématique.

Pourquoi aimes tu le cinéma?

Ahah bonne question. Quand j’ai commencé à vraiment m’intéresser au cinéma c’est pour la raison toute simple qu’il me faisait ressentir des émotions très fortes me permettant d’évacuer ce que je peinais à faire sortir dans la vie réelle. Et finalement cet art s’est installé comme un refuge pour moi, un moyen très accessible de m’ouvrir tant sur des parties du monde que sur des sensations que je n’étais pas encore capable d’exprimer. J’ai aussi un vrai truc avec les images et le plaisir esthétique. Je peux pleurer juste parce que je trouve un plan trop beau. Et plus je creuse plus j’aime le cinéma en réalité, plus je découvre des choses plus j’ai envie de plonger pour en voir des plus radicales, surprenantes, déroutantes. En gros je ressens beaucoup avec le cinéma.

Quel media/chaînes/podcasts consulte-tu sur le cinéma?

C’est du côté de Youtube que je me tourne le plus. J’adore Demoiselles d’horreur ou Cinéma & politique par exemple qui sont toujours très intéressantes.
En podcast le Lemon adaptation club bien sûr et j’aime bien aussi le ton de La troisième rangée.

Parfois, en été, j’achète un peu de presse. J’ai longtemps lu les Cahiers du cinéma qui sont aussi réactionnaires que profondément novateurs en fonction des sujets et qui parlent de cinémas différents donc ça fait toujours du bien. Sur le web je lis les critiques de mes collègues de Cinématraque évidemment et j’aime bien me pencher sur Critikat ou sur tous les blogs de personnes que je trouve intéressantes (dont le tiens par exemple héhé). C’est peut-être un peu honteux mais ce sont finalement les gens que je suis sur Twitter qui me permettent de m’informer le plus sur les tendances autour du cinéma.