Inunaki, le village oublié, est un thriller fantastique de l’emblématique Takashi Shimizu (The Grudge, Ju On).
Un film mélancolique paranormale avec un sous texte féministe et écologique.
On suit Kanade, capable de voir et sentir des présences paranormales.
Elle démarre une enquête sur Inunaki, suite à l’expédition malheureuse de son frère dans le tunnel qui mène à ce village maudit.
Inunaki, le village oublié de Takashi Shimizu
Avec Ayaka Miyoshi et Rinka Ôtani
Scénario de Daisuke Hosaka et Takashi Shimizu
Photographie de Jun Fukumoto
On sait que le cinéma japonais se distingue par sa capacité à traiter les histoires de fantômes plus vengeurs les uns que les autres. Inunaki, le village oublié ne déroge pas à la règle.
Le film s’inspire d’une légende urbaine japonaise du village Inunaki, théâtre de cannibalisme et d’inceste.
En réalité, le village a connu une baisse de population continue, et a finit par se vider.
Ainsi, la force d’Inunaki n’est pas son histoire très classique de fantômes, qui s’ancre dans une structure narrative déjà vue.
La réussite du film tient grâce à la manière de montrer les fantômes. Mais aussi les thèmes de fond, à savoir le poids des actions passées des ascendants, sur les descendants.
Le tout en dénonçant le fait que les femmes sont tenues responsables des actes commis par des hommes.
SOS Fantômes
Inunaki a conscience de ne pas proposer une histoire originale de fantômes.
Takashi Shimizu a donc l’intelligence de se miser sur les apparitions. Et pour cela, il se concentre notamment sur la gestion de l’espace.
Pas de jumpscares, pas de visages effrayants, les fantômes s’intègrent dans les lieux selon leur histoire.
Discrètement dans un coin de pièce, en pleine lumière pour établir un contact…Ou sous forme de foule vengeresse.
Le réalisateur utilise un effet old school, en accélérant ou brouillant l’image, référence à un flux, comme l’eau qui a noyé le village.
En termes de rythme, Inunaki est lent, et peut laisser sur le côté. Pour ma part, j’ai apprécié ce calme. Même les scènes choc prennent le temps de se dérouler en deux temps. Ce qui a paradoxalement créé la surprise chez moi.
On oublie cependant les interprètes, ainsi que les personnages mal écrits. Un vrai point faible, car l’histoire de l’anéantissement du village aurait nécessité de solides protagonistes qui l’entourent. Cela aurait permis d’apporter une vraie émotion, qui peine à exister dans le film.
Je regrette également que le film soit si didactique. Le trop plein d’explications qui ne sont pas nécessaires plombe, n’aide pas à l’empathie.
L’histoire tragique du village fait appel au principe de la colonisation (et on connait l’histoire du Japon, pays qui a déployé sa force face à plusieurs pays), mais aussi du capitalisme. Ce fléau qui peut être amené à piétiner populations, et éco système.
D’ailleurs, les fantômes utilisent l’eau pour tuer, dont ils ont aussi été les victimes.
Nous avons plus haut que Inunaki utilise sur les fantômes, des effets rappelant l’eau. On peut noter également une des couleurs dominantes du film, le vert (symbole de nature), et qui assoit l’aspect fantastique.
Hantise du patriarcat
Ce que je retiendrai d’Inunaki est le traitement infligé aux femmes. Le mari déteste sa femme pour ses origines. Une mère est forcée d’abandonner son bébé, une petite amie est condamnée pour avoir fouillé trop loin dans les secrets. Kanade, l’héroïne, est également dénigrée par son père.
Alors que l’expédition punitive a été menée par des hommes, ils rejettent la faute de la malédiction sur les femmes.
Elles sont les premières visées par l’extermination, et explicitement visées (cf les paroles de la chanson).
Par ailleurs, elles sont réduites à des chiens.
Ce schéma peut faire penser à une chasse aux sorcières qui se perpétuent de génération en génération.
Les descendantes sont condamnées à porter un poids qui n’est pas le leur.
Mais c’est grâce à une sororité que l’héroïne parviendra à atteindre la vérité. Autant l’eau, que l’animalité, elles se serviront de ces éléments pour retourner la violence contre autrui. La tentative des hommes à les rabaisser, sera punie avec leurs propres armes. Et une certaines libération s’en dégagera.
Concernant le BluRay, le travail sur le son est soigné, en particulier les bruitages. Un beau travail qui m’a permise d’être bien immergée. Dommage que le film ne bénéficie pas de sortie cinéma, je pense que ça aurait aidé à apprécier l’ambiance.
Je vous conseille d’aller voir le travail de OffSet et Match, qui évoque son travail sur les différentes affiches qu’il a proposé à Jokers.
Les incohérences, et l’interprétation hasardeuse empêchent l’émotion alors que le sujet s’y prêtait fortement. Pour autant, Inunaki, le village oublié, est sincère dans sa démarche, et propose une représentation sobre mais efficace du surnaturel.
L’ambiance teintée de vert et d’orangé rouge (lié à la notion de vérité), berce le public dans une ambiance mélancolique.
Inunaki n‘est pas une révolution dans le J-Horror, mais divertit intelligemment.