Début 1800, un marquis perdu dans la forêt, trouve refuge auprès d’une famille en proie au doute. Elle attend le retour du patriarche parti combattre. Celui-ci leur avait dit « « Attendez-moi six jours. Si au terme de ces six jours je ne suis pas revenu, dites une prière à ma mémoire car je serai tué au combat… Mais si jamais, ce dont Dieu vous garde, je revenais après six jours révolus, je vous ordonne de ne point me laisser entrer, quoi que je puisse dire ou faire, car je ne serais plus qu’un maudit Vourdalak ».
Le Vourdalak, 1er vampire méconnu
S’il y a une chose à retenir du Vourdalak c’est son audace. On retrouve bien là ce qui fait la particularité de la société de distribution The Jokers.
Ce conte gothique est issu d’une nouvelle écrite par Alexeï Konstantinovitch Tolstoï (cousin éloigne de) près de 50 ans avant le Dracula de Stocker. Ce n’est donc ni plus ni moins une des premières histoires de vampire de l’histoire.
Le Vourdalak est le 1er long métrage d’Adrien Beau, artiste plasticien, sculpteur et peintre. Et ça se voit, car le travail sur l’univers visuel du film est somptueux. Avec peu d’artifices mais beaucoup de soin, une atmosphère singulière se dégage du film, sublimée par des interprétations bluffantes et les dialogues savoureux entre Kacey Mottey Klein et Ariane Labed (que j’avais adoré dans Une place sur la terre).
La réalisation s’attache à mettre en image des éléments du conte de manière presque littérale: les ombres qui se forment sur les murs et les portes à travers l’orage, la princesse en communion avec la forêt grâce à ses chants, la règle du patriarche qui viendra sceller le destin d’une famille…
Ce qui apporte à la fois une touche d’absurde mais est intriguant à la fois.
Ainsi, Le Vourdalak peut déstabiliser par son originalité, et sa capacité à assumer une représentation du vampire qui peut prêter à sourire au départ. Puis, le film va tellement au bout de son idée, que l’on se prend à redouter cette créature dont on ne connait pas vraiment les règles.
Le Vourdalak traite de la domination du patriarche qui vampirise au propre comme au figuré sa famille. Cette ambiance de contrôle du corps et de la vie des autres se perpétue aussi à travers la figure du frère aîné, qui néglige au quotidien sa propre famille à son tour. Ce qui explique son incapacité à rejeter et affronter ce Vourdalak de père.
Cette thématique est récurrente dans le cinéma de genre. On pense par exemple à Hérédité, où cette fois c’est une grand mère qui vampirise sa famille et qui transforme sa famille en monstruosité.
Le réalisateur a pris soin de moderniser la nouvelle, qui évidemment à l’époque contenait des représentations sexistes. Ainsi, contrairement au texte, le personnage féminin Sdenka est la seule qui comprend que le Vourdalak n’est pas son père et qu’il faut le combattre.
Elle est par ailleurs le personnage le plus complexe du film et qui a véritablement le pouvoir. Sa compréhension de la situation et des hommes qui l’entourent lui donnent une longueur d’avance.
Je ne rentrerai pas dans le détail de la créature, mais le procédé très artisanal appuie la dimension fantastique et gothique qui permet de montrer une autre manière de représenter l’angoisse et la menace qui plane sur un groupe d’individus.
Au milieu de grosses machines bourrées d’effets visuels numériques jusqu’à une simple effusion de sang, cette technique de bric et de broc apporte paradoxalement un souffle de nouveauté. La force de Vourdalak est de constamment assumer un 1er degré qui permet d’instaurer durablement une aura sombre.
Le film manque parfois de fluidité dans ses enchaînements, et certaines séquences peinent à se raccrocher au récit global. Mais des scènes inattendues comme les obsèques où les personnages se mettent à chanter se marient bien avec l’univers étrange du film.
Le Vourdalak est une proposition forte, avec une volonté de sortir du cadre habituel du film de genre. Il témoigne d’une richesse du cinéma de genre français et même s’il n’est pas parfait et qu’il vous perdra sans doute parfois, il faut se laisser porter par cette histoire de vampire oubliée.
Bande annonce (ne la regardez pas si vous voulez découvrir la créature):
[…] guerre, alors qu’il s’agit d’un mort ou d’un fantôme. Il y a également le Vourdalak en 1840.En 1872, Sheridan Le Fanu publie Carmilla, avec une vampire lesbienne. Cette nouvelle sera […]