Le dernier opus de la saga Freddy est relativement mal aimé, et parfois à juste titre car il est plein de défauts d’exécution mais regorge selon moi d’un sous texte intéressant sur les violences psychologiques et sexuelles.
Réalisé par Rachel Talalay (Tank Girl, Dr WHo) et scénariste par Michael Almereyda (Twister) le dernier opus de la saga Freddy, Nightmare on Elm Street : Freddy’s dead : the final nightmare (1990) est un film mal aimé.
Freddy 6 certes plein de défauts, mais …
Bien que le film ait bénéficié de peu de budget et que les effets spéciaux ont super mal vieilli, il faut se rappeler le contexte : dans les années 90 pour des raisons de coûts et de temps, on commence à développer les effets spéciaux numériques.
Donc on fait moins appel à des studios annexes spécialisés en effets spéciaux et stop motion, ce qui peut expliquer que les effets visuels manquent de substance et de cohésion.
Il faut aussi rappeler que les studios voulaient sortir un film en 3D, ils ont donc sacrifié les effets spéciaux réels, qui auraient pu être cool avec plus de moyens et d’amour.
Alors oui, la scène du jeu video était pourrie (je n’ai pas d’autres mots). Ca pue le coup de publicité pour accompagner la sortie d’une console…La scène sort complètement du film et n’a aucun intérêt scénaristique ou horrifique.
On a aussi reproché à l’équipe d’avoir fait un Freddy trop cartoonesque, mais c’était déjà le cas dans les autres suites, et c’est quelque chose d’ancré dans la saga. Les fans apprécient car cela donne un côté humoristique au film d’horreur.
Malgré cela, le film est pour moi la (seconde) meilleure suite (après Freddy 3 Dream Warriors), car Freddy’s Dead aborde plus ou moins frontalement des sujets cohérents dans l’univers Freddy :
- les abus parentaux : on se rappelle que dans plusieurs films il y a des parents alcooliques et démissionnaires
- le poids des secrets familiaux : les enfants sont poursuivis par Freddy à cause des actions de leurs parents
- et la prédation sexuelle : les actions commises par Freddy
Dans Freddy 6 l’horreur peut paraitre moins ostentatoire et moins gore pour certains, car elle est plus sous-jacente et appuie sur les traumas et la psychologie.
Je pense que c’était la volonté de la réalisatrice de faire un film plus sérieux que le précédent mais que peut être, il ne lui a pas été possible d’aborder frontalement certains sujets…Ce qui expliquait aussi la surenchère de gags cartoonesques pour compenser ?
Des représentations de minorités qui dénoncent des abus parentaux
En terme de représentations, le film essaie d’aller plus loin que dans les précédents volets.
Il y a un personnage très intéressant le développement narratif qui est mal entendant. Ca m’a semblé assez rare de voir des personnages «handicapés» dans les slashers ou même dans les films, qui sont représentés sans devoir servir de prétexte scénaristique.
La scène où il se fait torturer par Freddy est pour moi la pire, car on apprend qu’il est devenu sourd à la suite de violences infligées par ses parents, et Freddy recréé l’agression de sa mère qui lui a crevé les tympans.
Puis dans scène qui va stresser tous les misophones (aversion intense et irrationnelle envers des sons ou bruits spécifiques), Freddy agrandit un tableau noir en hauteur et en largeur pour avoir plus de surface à griffer, créant ainsi des bruits hyper stridents pour torture le pauvre garçon (et nous) qui voit le bruit décuplé à cause de son appareil auditif.
Il y a également une jeune fille très branchée self défense et boxe. On apprend qu’elle était abusée sexuellement par son père. Et qu’elle soigne son trauma par le sport et travaille à reprendre contrôle sur son propre corps. Sa scène de confrontation avec Freddy est également très horrible puisque dans un rêve son père revient pour l’agresser sexuellement.
Un autre personnage semble avoir une vie un peu moins torturée, mais son problème c’est d’avoir un père abusif verbalement. D’ailleurs ce personnage dit «I don’t want to play football and date rapine co-heads» : le film dénonce par là la masculinité toxique et les «date rape» en plus d’insinuer que c’est ce que son père a fait…
La perversion camouflée de monsieur tout le monde
Pour moi, les suites du premier volet assumaient de moins en moins le coté pervers, pédophile, violeur de Freddy, probablement car devant le succès de la saga et la sympathie que les gens avaient pour Freddy cela posait des problèmes moraux aux studios. Freddy 5 The dream child avait du mal a dire clairement que le fils de Nancy était issu du viol onirique de Freddy.
Dans Freddy’s Dead, Rachel Talalay fait le choix de remettre le monstre au centre de l’intrigue : le scénario dit clairement que Freddy avait une fille et une femme. Pour moi cela le rend encore plus effrayant car il passe de monstre cartoonesque à un mal ancré dans le réel. Dans la vie, les prédateurs sexuels ont aussi des familles, qu’ils utilisent pour se cacher, passer pour des gens normaux intégrés dans la communauté. Je trouve ça terrifiant car là on parle de choses réelles, de monstres de la vraie vie et du coup des victimes.
Les scènes où Freddy tends ses mains vers sa petite fille en disant «come to daddy», suggérant l’inceste, ca fait froid dans le dos.
Le film dit aussi clairement «everywhere there’s an Elm Street» signifiant que partout il y a des pervers cachés derrière l’image de la famille traditionnelle et que la pédophilie est plus répandue qu’on ne le pense.
Krueger finit par tabasser à mains nues sa femme qui a trouvé la cave du meurtre. Pour moi ce qu’implique cette découverte est problématique… C’était la cave de la maison familiale et pendant des années la femme ne s’est doutée de rien ? Je comprends qu’elle était probablement sous emprise comme beaucoup femmes dans ce cas là, mais n’y a t’il pas aussi un peu de déni ou en tout cas la volonté de ne pas se poser de questions ? Mesdames, si votre mari vous interdit une pièce de la maison ce n’est pas bon signe !
Le fait que Freddy ait une faille, parait comme une humanisation du personnage pour certaines personnes mais je trouve que le but n’est pas de l’adoucir, au contraire ça renforce le coté réaliste et monstrueux de ce pervers. Et nous rappelle les horreurs qu’il a fait avant de devenir un monstre de rêves. En plus de dénoncer des choses qui arrivent en vrai, et trop souvent.
La revanche des victimes d’abus sexuels
J’ai trouvé que c’était un bon choix de laisser à sa propre fille l’opportunité de tuer Freddy. Pour moi la métaphore est plus puissante que s’il avait été tué par une random final girl. Car la fille de Freddy porte en elle le poids du trauma familial, qu’elle avait déversé dans son travail: aider les jeunes en détresse et ayant subi des abus. Il y a une catharsis derrière ce choix.
De plus, la manière dont elle tue Freddy est interessante :
- Elle utilise d’abord les armes confisquées aux gamins traumatisés, donc c’est un peu comme si elle leur permettait de se venger avec elle.
- Puis elle lui ouvre le bide avec les gants-griffes qu’il avait utilisé pour torturer et violer des enfants, encore une fois la symbolique est forte.
- Puis elle l’achève en lui plantant une bombe de forme phallique dans le bide, on pourrait y voir une certaine ironie là encore.
Alors oui, Freddy’s Dead est un film sans le sous, sans passion des studios, qui n’est pas bien dans la forme. Mais il est hyper intéressant dans le fond et aurait pu bénéficier d’être plus abouti pour exprimer plus clairement son message.