La possession de l’être humain par le diable est un sous genre du cinéma de genre surreprésenté. Mélangeant religion, modifications corporelles, fascination de nos sombres penchants, la possession connait de nombreuses représentations sans toutefois jamais vraiment renouveler le genre il faut bien le reconnaître.
Mais quelles représentations et histoires sont racontés si le sujet est un homme ou une femme?
SOMMAIRE
4-L’importance de ces représentations
1-Angle d’analyse de la possession
Il y a plusieurs manières de représenter la possession démoniaque. Ainsi, le Mal peut manipuler un tiers pour atteindre d’autres personnes (Shining). Il peut aussi passer par un objet pour manipuler le sujet (Christine, Magic). L’entité diabolique peut également tourmenter son sujet sans l’atteindre dans sa chair (Jusqu’en enfer, The Circle: chapitre 1, les élues). Mais il peut aussi être la source qui donnera des pouvoirs au personnage (Carrie).
Bref, le Mal a 1000 manières d’investir notre espace vital.
Le sujet possédé
Je m’intéresserais dans cet article uniquement aux représentations liées à une possession d’un personnage. Une entité maléfique qui fait corps avec son sujet.
Mais il faut également que le sujet soit abîmé physiquement ou psychologiquement. Et que ça ait un impact direct et personnel dans sa vie. Ainsi, je vais exclure tous les exemples mentionnés plus haut.
Pourquoi?
Parce que le fait de s’attaquer physiquement ou psychologiquement à un personnage, est associé à la destruction de l’autre. La considération du sujet n’a pas lieu, il est un objet, un réceptacle dans un autre but. Ce qui compte c’est le piéger, l’anéantir. Cela peut être dans l’idée d’une punition, de montrer son pouvoir ou encore d’asseoir sa domination sur plus faible.
En somme, beaucoup de thèmes qui sont profondément liés à la place des femmes dans la société.
Par ailleurs, quand on attaque spécifiquement le visage, c’est l’identité même qu’on essaye de faire disparaître.
Ainsi, mon objectif est de comparer le traitement des personnages féminins et masculins, selon l’optique décrite ci-dessus.
Je ne m’intéresserais pas aux enfants non plus, qui sont des personnages régulièrement utilisés dans la possession. Mais je pense que ces représentations touchent encore d’autres sujets.
2-Les femmes possédées
La place des femmes est particulièrement importante et massive dans le cinéma de genre. Le sous genre de la possession ne fait pas exception à la règle.
Il est courant de trouver le visage ou la silhouette d’une femme sur les affiches.
Souvent, on peut identifier le nom de la femme possédée dans le titre. Selon moi, cela fait référence à un certain cachet « histoires vraies » dont ces films s’inspirent parfois (soi- disant). On annonce aussi d’emblée au public qu’il va assister à la déchéance d’un personnage féminin (qu’on va donc voir souffrir apriori une bonne partie du film). L’étrange cas de Deborah Logan entre également dans le spectre d’analyse de la hagsploitation (la représentation des vieilles femmes dans le cinéma de genre).
Fluides mon amour
J’ai mentionné plus haut que les thèmes de la possession et de l’exorciste sont intimement liés à la religion.
On sait comment les institutions religieuses ont pu diaboliser les femmes. Elles fascinent par les fluides qu’elles produisent : le sang qu’elles perdent, le lait qu’elles peuvent produire. Mais également par le corps qui se modifie à l’adolescence, pendant et après des grossesses. Sans compter les accouchements, moment où l’expérimentation de la douleur peut faire revenir aux plus stricts instincts. Elles font peur car elles donnent naissance et donc ont un pouvoir incontestable sur la vie et la mort.
Avec toutes ses transformations du corps (puberté, grossesse, accouchement, ménopause), la femme fascine la société et la religion.
Par ailleurs le corps (et en même temps l’utilité de la femme), se modifient lors de la ménopause.
Elles sont également le symbole du Mal, car tentatrice avec ses charmes et ses formes. Sans compter le péché d’Eve d’avoir croqué dans la pomme…
Mon corps, pas mes choix
Mais la religion a surtout fait main basse sur le corps des femmes. Interdiction de l’avortement, de divorcer, d’avoir des relations sexuelles avant le mariage, devoir conjugal, contrôle vestimentaire…Bref la notion de domination se retrouve partout.
La possession et l’exorcisme allient tous ces éléments: le corps et ses transformations, le danger et la mort, les cris.
Les séances d’exorcisme sont une référence aux crises d’hystérie, évidemment associées (encore maintenant) aux femmes. Celles qui se révoltaient contre la domination masculine étaient régulièrement, au mieux discriminées, au pire internées. Les violences sexuelles créaient des traumatismes chez les femmes, mais leur parole était encore moins prise en compte, donc l’hystérie était toute trouvée. Et Freud n’a rien arrangé en liant sexe et hystérie.
A l’époque où la lobotomie se pratiquait, il suffisait d’avoir un comportement un peu étrange ou un retard mental pour la subir. Le cas de Rosemary Kennedy en est l’illustration.
Les points communs
L’idée de travailler sur ce sujet m’est venue en visionnant de nouveau le remake d’Evil Dead. Si le film m’avait laissé un bon souvenir, je ne me souvenais pas de la scène de viol dans la forêt, lors de la possession. La représentation du viol dans le cinéma de genre est une thématique qui pose beaucoup question, surtout d’un point de vue mise en scène. A partir de là, je me suis demandée quelles étaient les différences de représentation selon si le sujet est masculin ou féminin.
De manière générale, quand c’est une femme qui est possédée, elle est:
- hystérique,
- sexualisée (ou elle fait référence à la sexualité) et manipulatrice,
- abîmée physiquement (et au visage, symbole de l’identité) et/ou psychologiquement,
- allongée et attachée.
Les femmes possédées finissent souvent par être allongées et attachées, dans un lit. C’est à dire qu’on les ramène dans un lieu lié à l’intérieur d’une maison, à l’intime.
C’est le cas dans L’Exorcisme d’Emily Rose, Stigmata, Ava’s Possession, L’Exorciste, L’Exorcisme de Molly Hartley, La Maison de l’Exorcisme, Inner Demons…
Les rares fois où les hommes le sont, c’est le plus souvent dans un lieu extérieur. Un commissariat pour Délivre nous du Mal par exemple. Le possédé est assis, jamais allongé. Cela diminue considérablement la position de faiblesse dans laquelle la personne attachée se trouve.
S’il est attaché dans l’hôpital psychiatrique pour L’Exorciste III, l’homme possédé n’est jamais allongé non plus.
The Possession of Mickaël King reste une exception (tout en sachant qu’il reste attaché à peine 1 minute).
Bref, si l’homme est attaché, il ne doit pas paraître trop faible pour autant.
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J’ai adoré cet article, la différence entre la possession des femmes et des hommes est vraiment impressionnante et les films cités méritent d’être vus !
[…] le mal, traitent de personnages en proie à des démons, voire au diable. Ces histoires de possessions donnent lieu à des exorcismes pour tenter de les libérer. C’est le sous genre idéal pour […]