Arachnophobes, Vermines risque d’être compliqué pour vous. J’aime les araignées, et pourtant Vermines est tellement efficace que mon expérience sensorielle a été très tendue.
Sous son ressort un peu facile (exploiter la peur très courante des araignées), et son aspect grand spectacle, Vermines propose une charge politique forte à plusieurs points de vue. D’un point de vue narratif et de mise en scène.

Un film de monstre français ça ne se refuse pas

« Vermines » est un terme qui permet de relier les araignées identifiées comme nuisibles, et les (jeunes) habitants de cité considérés comme des vermines par l’élite. Le parallèle est évident mais il n’est jamais lourdement souligné dans le film. C’est la mise en scène qui prend le relai, à l’image de Candyman et de sa cité Cabrini Green. La cité (Noisy où le réalisateur a grandi), est filmée comme un cocon, un complexe rond, délabré. C’est d’autant plus un cocon que quand l’invasion commence, le bâtiment est confiné, laissant les habitants face à la mort. On pourrait même pousser le parallèle avec le fait qu’on impose aux bestioles de Caleb, le héros, d’être enfermées dans des boîtes, de la même manière qu’on a parqué des populations immigrantes dans les quartiers.

Mais Vermines est avant tout un divertissement efficace, tendu, nerveux, sachant doser parfaitement le champs et le hors champs. Le film est d’autant plus malin qu’il mise sur des séquences de stress universelles (comment se débarrasser d’une araignée dans une salle de bain), parvenant à faire d’une scène quotidienne, un fort moment de tension.
Vermines prouve qu’on peut réaliser un divertissement intelligent. Une fois n’est pas coutume, les personnages féminins sont pertinents alors même qu’ils sont secondaires. La soeur du héros, Manon écoute du métal en bricolant (nous sortant un peu du uniquement classique hip hop dans ce genre de films) est d’une énergie incroyable. Face à son frère, face à l’adversité. Point de love interest ici, l’amour qu’on essaye de se communiquer est fraternelle et amical.

Vermines ou la résistance des indésirables

Mais c’est la charge politique qui étonne dans Vermines. A commencer par le casting, dont les personnages principaux sont non blancs.
Alors que ce n’est clairement pas le but affiché, le film n’oublie pas d’éviter les clichés habituels des cités. Il est question de trafic mais pas de drogue (l’idée des chaussures vient du réalisateur qui adore les TN), les habitants ne sont pas des personnages-pions et des scènes touchantes montre ce à quoi ils sont exposés.
Les violences policières sont explicites; les protagonistes survivants sont traités de la même manière que les araignées. C’est là qu’on voit la peur des policiers face à ces « vermines » avec la violence qui va avec.
Questionnés sur les violences policières dans le film, Lisa Nyarko et Théo Christine évoquent pudiquement que le film parle de la difficulté à communiquer, que ça soit entre frère et soeur ou communautés et police.
Comme Alien, le film questionne le traitement des espèces vivantes par les humains. C’est d’ailleurs un sujet qui touche particulièrement le réalisateur qui parle de responsabilité qu’on l’on a vis à vis des animaux: mauvais traitements, consommation excessive de viande, surpêche, etc..
D’ailleurs le film est souvent du point de vue des animaux (la caméra juste derrière la tête du chien qui observe son environnement, les dialogues que l’on entend de l’intérieur des vivariums…).
Ici, les araignées ne font qu’investir un lieu qu’on leur a imposé, et répliquer à un enfermement.

Parsemé de clins d’oeil (intro rappelant l’Exorciste, la boîte de chaussures des Gremlins, le feu, la croissance rapide du monstre et le cocon comme dans Alien), Vermines s’avère être un véritable film de monstre qui s’assume, comme on en voit rarement (jamais?) dans le cinéma de genre français. Le tout porté par un casting impeccable avec une belle alchimie.

Bande annonce de Vermines (sortie le 27 décembre 2023):