Transformation complète
Dans la plupart des films, on représente le loup garou (homme ou femme), sans étape intermédiaire, comme dans Wolf, Teddy, Trick Or Treat, Cursed, Le loup garou de Londres, Le loup garou de Paris, Les bonnes manières ou même Hurlements.
Cela n’empêche évidemment pas de lancer les classiques pistes de la transformation en marche, au public: les sens décuplés, l’appétit de viande, de sexualité…
Une parfaite égalité de traitement si je puis dire.
Sauf que, les transformations complètes les plus impressionnantes et sur lesquelles on insiste, concernent majoritairement les hommes. Même quand le film propose un loup garou masculin et féminin.
Dans La Compagnie des Loups, on a droit à 2 scènes saisissantes. La 1ère très graphique à base de sang et de de squelette, qui traduit la brutalité de l’homme devenu bête, et qui agresse son ancienne compagne.
L’autre plus en mouvement, avec un aspect plus charnel, qui correspond au « sous texte » de la sexualité concernant le Petit Chaperon Rouge.
La Compagnie des Loups La Compagnie des Loups
Pourtant, un personnage féminin et l’héroïne se transforment à la fin. Sauf…que c’est suggéré (on n’oublie pas d’en mettre une nue par contre). Pour l’une, elle se change très discrètement dans le noir, et l’autre elle est découverte déjà métamorphosée.
La Compagnie des Loups La Compagnie des Loups
Wolf propose 3 personnages de loup garou. Les 2 personnages masculins joués par Jack Nicholson et James Spader sont transformés. Mais pas Michelle Pfeiffer, dont la transformation est suggérée via ses beaux yeux qui évoluent.
Dans Le loup garou de Londres, Bad Moon on assiste à une (voire plusieurs) transformation(s) de manière frontale.
De la même manière que dans Hurlements, la transformation de l’homme est montrée de manière évolutive même si rapide. Il est intéressant de souligner que l’homme est sublimé pendant sa transformation à travers sa performance sexuelle. Quant à sa partenaire, elle est dos à terre, sans que l’on ait vu l’évolution de son visage.
Vous remarquerez aussi que l’homme conserve une tête assez proche de sa condition humaine, contrairement à la femme.
Hurlements Hurlements
La fin du film montre surtout le changement d’état de l’héroïne à travers encore une fois ses yeux. Et surtout, quand on montre rapidement son état final (avant qu’elle ne se fasse tuer, contrairement aux loups garou masculins), elle ressemble à un caniche…
C’est sans doute pour distinguer les protagonistes des antagonistes. Mais ça n’empêche pas de la représenter avec un peu plus de classe quand même!
Dans Bad Moon, le loup garou est l’antagoniste sans ambiguïté de cette histoire, dont le but est de montrer la puissance d’une famille monoparentale. Pour démontrer cela, le film montre la monstruosité du personnage dans sa psychologie (et sa manipulation), et à travers son physique. Ainsi on voit le loup garou dans sa totalité régulièrement dans le film; ce qui fait monter la tension petit à petit quant au danger qui menace la mère.
On peut oublier les représentations catastrophiques des transformations complètes de Julie Delpy dans Le loup garou de Paris (3 scénaristes pour autant de médiocrité ça fait beaucoup) qui sont anecdotiques.
D’ailleurs on peut noter que la mise en scène pense (un peu) la transformation du personnage masculin, en tentant de créer un climax avec la fontaine où il se cache juste avant d’apparaitre en trombe.
On s’attarde un peu plus sur celle de Judy Greer dans Cursed. Les effets visuels (déjà très moches pour l’époque) n’aident pas, mais surtout l’idée est de montrer l’apparition de la monstruosité physique de l’antagoniste que les protagonistes vont devoir affronter. Par ailleurs, on voit très peu l’antagoniste dans le film auparavant. Donc l’impact émotionnel est très différent que si ça avait été Christina Ricci.
Même si la représentation des transformations des femmes dans Trick Or Treat est sexualisée à outrance (j’y reviendrai plus loin), on peut noter quelques points intéressants. Il faut savoir qu’à ce moment, elles renversent le cliché du Petit Chaperon Rouge. Ce sont elles les louves prédatrices dont il faut se méfier. Elles se débarrassent de leur peau d’humaine, comme d’un costume, ce qui est une référence directe au conte. C’est une manière de jeter leur apparence qui font d’elles des potentielles victimes. La transformation n’est pas tout à fait complète, mais on s’en approche fortement. Le cas de ce film est un peu particulier car il se rapproche d’une narration de films à sketchs.
Le mauvais western Blood Moon montre une transformation complète en live j’ai envie de dire, d’un personnage féminin. L’unique séquence intéressante du film, où on sent le corps se décomposer, se déployer. Malheureusement comme aucun personnage n’est écrit dans ce film, cette transformation n’apporte rien (la séquence sort même de nulle part) . Ni à l’histoire, ni à l’évolution du personnage.
Les seuls films où la transformation complète est représentée de manière frontale, qui implique la volonté de montrer l’évolution finale du personnage, est dans Ginger Snaps 1 et 2 (écrits par des femmes je le rappelle!).
De manière générale, soit on met davantage en valeur par la mise en scène, la transformation complète d’un homme, soit elle nourrit le personnage ou l’intrigue.
4-Le loup garou, un bouclier contre les violences sexistes?
Quand le personnage principal est féminin, les enjeux sont souvent liés à l’idée de contrer une violence sexiste.
Pour revenir plus précisément sur le cas de Marie dans When Animals dream, l’apparition de sa réelle nature arrive au terme de son adolescence (vers 20 ans), contrairement à Ginger (sa transformation arrive au moment de ses règles). Elle est en quête de ses origines, et elle comprend que c’est héréditaire, sa mère étant frappée du même mal. Ici, le mythe du loup garou est utilisé pour survivre à la toxicité masculine. En effet, sa mère s’est retrouvée en fauteuil roulant; on l’a mise hors d’état de nuire. Elle avait tué des hommes qui l’avaient agressée. Pourtant, elle garde toute sa force quand il s’agit de défendre sa fille qui est aux mains de son père et du docteur.
Dès les 1ères images, on sait que ce dont va d’abord souffrir Marie, c’est le regard masculin posé sur elle. Elle est à moitié nue, chez le docteur (le même qui essaiera de la soigner malgré sa volonté).
Travaillant dans un environnement masculin, elle est bizutée par des hommes, plongée dans un bain de déchets de poisson. Elle est agressée sexuellement par 2 collègues.
Non seulement les hommes polluent l’environnement de ces femmes, mais en plus ils tentent de les faire disparaître car ayant peur de leur rébellion.
Cette volonté de s’écarter des thèmes traditionnels du loup garou (transformation corporelles totales, animalisation dans la forêt), passe à travers le décor. L’action de When Animals Dream se situe dans une petite ville portuaire. Pas de forêt, d’arbres ou de pleine lune, ici on est au milieu des poissons et des pêcheurs, sans autre perspective pour les protagonistes et antagonistes. Mais nous l’avons vu plus haut, la lune est liée à la mer.
Elle est présente de manière subtile. Des éléments qui font référence à la lune sont placés dans le même cadre que Marie:
- Des objets ronds (parabole, objets décoratifs, petit moulin qui tourne dans le jardin),
- Des miroirs ronds.
La lune, comme on l’a vu plus haut est régulièrement associée au féminin.
Selon moi, cela appuie le fait que Marie est cernée par sa condition de femme (et par la mer), qui la place au centre de l’animosité des hommes de son village.
Ce que j’ai trouvé particulièrement pertinent dans ce beau film, c’est que Marie qui a le statut d’animal, n’est pas dépeinte comme mauvaise, diabolique. Contrairement aux hommes qui eux, sont considérés par le village comme êtres civilisés (car ils essaieraient de protéger le village de Marie et sa mère).
C’est aussi le constat que l’on peut faire dans le érotico horreur d’exploitation La lupa mannara, mais avec un propos pour sa part, très problématique. Ce qui montre qu’un même sujet ne raconte pas forcément la même histoire…
La lune est constamment associée à l’héroïne (qui par ailleurs n’est pas vraiment une louve garou, mais se rapproche plus d’une vampire).
Ainsi, le montage associe régulièrement la lune avec son visage. De plus, les phares des voitures sont fréquemment utilisés pour rappeler la lune. Je rajouterai même que, dans ce cas précis, la lune et les phares sont les symboles du regard masculin voyeuriste (notamment du réalisateur) sur l’héroïne. En effet, elle n’existe qu’à travers son statut d’objet de désir et de domination (la scène de viol est d’ailleurs très représentative du rape & revenge puant du cinéma d’exploitation des années 70).
Mais les propos sexistes dans la lupa mannara ne manquent pas. L’héroïne est dépeinte comme la sorcière maléfique (elle est représentée comme dans les légendes des sorcières qui dansent le soir de pleine lune, que j’ai évoqué plus haut). En effet, elle est mise en scène dans une communion avec les forces du mal, ou dans la nature avec un chaudron.
Elle devient aussi puritaine. Victime de viol dans sa jeunesse, elle a depuis en horreur la sexualité. Elle se met donc à tuer….des femmes qui sont sexuellement actives (elle ne tuera pas sa soeur, mais la punira en tuant son mari et en l’insultant). Et quand elle est à nouveau victime de viol, elle n’utilisera pas cette même force surhumaine pour se défendre. C’est son nouveau compagnon qui y laissera sa peau, en voulant la sauver. De plus, sa vie est dirigée par son père. Et malgré tout ce qu’elle a subi, elle mourra enfermée dans un asile.
La mise en scène qui sexualise à outrance les femmes, les abaissent qu’à un statut de corps. Alors oui, le but du film est d’attirer vulgairement le chaland masculin. Mais il me semblait important de pointer en quoi ce type d’oeuvre reste tout de même un problème.
Si Wildling se perd complètement en chemin, empêtré dans une ambiance à la Twilight, la 1ère partie du film est habile pour représenter le contrôle du corps de l’héroïne.
Anna est la rescapée d’une chasse au loup. Elle est recueillie (et séquestrée) par un chasseur qui n’a pas eu coeur de la tuer. Mais ayant en horreur l’espèce du loup garou, il la drogue dangereusement pour stopper ses règles, et donc sa croissance.
Il prend donc contrôle de son corps dès son enfance, qu’il tentera de reprendre à la fin du film. Il essaye de pratiquer une césarienne sur Anna, afin de récupérer (de nouveau), un enfant. On peut y voir un sous texte sur l’inceste et la pédophilie, mais aussi sur le massacre de la population Amérindienne.
Tout l’enjeu d’Anna entre temps est de retrouver son corps, sa mobilité, et bien sûr de goûter aux joies de l’adolescence. Un changement corporel et psychologique. Là encore, son état « sauvage » plus que loup, va lui permettre de se défendre contre l’agression sexuelle d’un jeune de son âge (qui sera représenté d’ailleurs comme un loup).
Le cas d’ I Am Lisa est particulier. Il est explicitement dit que l’héroïne est lesbienne, et elle est agressée par des femmes, suite aux refus des avances de l’une d’entre elles. Laissée pour morte et mordue par des loups, elle va se venger, loup garou de son état.
On retrouve ici le schéma classique patriarcal, mais exécuté par des femmes. Lisa vient en aide aussi à des femmes (sa meilleure amie, une adolescente abandonnée par sa mère…).
Si le film bâcle beaucoup trop son sujet, et qu’il peut être perçu comme lesbophobe (d’autant qu’il est réalisé et écrit par des hommes), il a le mérite d’illustrer que la domination patriarcale n’est pas exercée que par des hommes. Et qu’elle peut être tout à fait intériorisée par des femmes. Ainsi, c’est une manière de détruire l’argument souvent brandi par des hommes pour justifier du sexisme, à savoir que c’est validé par des femmes.
Dans A werewolf boy, c’est le loup garou n’est pas danger. Il est le rempart contre la misogynie. On peut évidemment constater l’incapacité de l’héroïne à se défendre, mais dans la mesure où elle vient en aide d’une autre manière, à son amoureux de loup garou, je retiens plutôt une forme d’égalité entre les 2.
Il faut noter que contrairement aux représentations de l’amour très sombres des autres films, la vision de l’amour est ici sublimée. Tout est surexposé, clair, jaune, joyeux, lumineux.
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