La 13ème édition du Paris International Fantastic Film Festival s’est tenu du 4 au 10 décembre 2024. Un festival Parisien incontournable de cinéma de genre que je n’avais jamais pris le temps de découvrir.
Retour sur cette édition globalement de bon cru.
Le PIFFF se déroule au cinéma Max Linder qui a une salle unique, sur deux étages qui visiblement impressionne plus d’un cinéaste, car le réalisateur de The Wailing l’a qualifiée de « cathédrale du cinéma ».
C’est effectivement une très belle salle, prestigieuse mais aussi confortable, point qui est presque le plus important quand on festivale !
Toujours est-il que je débarque de mon train pour sauter littéralement sur la première séance Blood Star (USA) de Lawrence Jacomelli issu de la pub. Il signe ici son premier long métrage sur un road trip sur fond d’ ACAB (jamais pour me déplaire on va pas se mentir), en filmant la traque d’une jeune femme par le shérif du coin. Il s’avère que le film est divertissant, bien rythmé avec une actrice convaincante, Britni Camacho. Le film pêche en revanche avec son antagoniste qui ne fait pas bien peur, et dont on peine à percevoir la cruauté. Blood Star manque par ailleurs de séquences impactante (surtout avec ce type de pitch vu et revu), avec un personnage féminin qui met du temps à démarrer franchement l’offensive ou la défensive, malgré le harcèlement constant. Tout cela n’a pas pu me procurer beaucoup de tensions, mais je n’ai pas boudé mon plaisir pour autant et c’était une parfaite mise en bouche (yeux).
Blood Star n’est que le début d’une liste de films dont la thématique commune est suivre/poursuivre une jeune femme. Car on retrouve cette similarité avec Strange Darling (USA) de JT Mollner. Dans le cadre d’un montage en plusieurs chapitres mélangés, le public reconstruit peu à peu une histoire plus « complexe » que ce que la première séquence laisse présager. Parfois très drôle, brillant dans sa manière d’accompagner le public dans son univers, Strange Darling gâche tout en utilisant la culture du viol pour sans doute faire la démonstration qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Le problème c’est que quand on se trompe de cible en se moquant ouvertement des femmes (entre le personnage principale féminin, et une flic qui pour une fois prend les violences sexuelles au sérieux), non seulement on tape à côté, mais en plus on participe au problème.
On reste dans le médiocre (sexiste mais au moins pas misogyne) avec Daniela Forever, une sorte de croisement entre Eternal sunshine pour le concept fantastique, et 300 jours ensemble pour l’illustration emblématique du trope de la manic pixie dream girl. Suite à la mort accidentel de sa compagne, un homme teste un traitement lui permettant de naviguer avec elle dans ses rêves. Le problème c’est que toute l’intrigue est centrée sur cet homme qui profite surtout de ses rêves pour s’auto kiffer et contrôler sa Daniela, qui ressemble plus à un vague robot, que l’incarnation de l’amour de sa vie.
On passe à une autre recherche de femme et d’amour mais cette fois de manière beaucoup plus réussie avec le film Ukrainien U are the universe. C’est peu vous dire que c’était une projection particulière entre le mot en vidéo du réalisateur Pavlo Ostrikov avant la séance, le fait de savoir que la moitié de l’équipe est au front (dont l’acteur), et que le responsable des effets spéciaux a été tué. Le film a d’autant plus de résonance avec cette guerre, qu’il raconte un ouvrier de l’espace qui commence à communiquer avec une femme, après l’explosion purement et simplement de la Terre. U are the universe (qui a raflé tous les prix), arrive à capter tout du long malgré qu’on soit confronté uniquement à un homme et son robot déambulant dans un vaisseau. On assiste à leurs questionnements, difficultés, espoirs, et comment est-ce qu’on exerce son libre arbitre quand on est le dernier humain. C’est très doux et mignon car cela évoque l’amour à travers des voix et un feeling qui ne s’explique pas, mais qui se ressent.
Changement d’ambiance avec Sew Torn de Freddy Macdonald, jeune réalisateur de 23 ans qui adapte ici son court en long. On y retrouve toujours une femme traquée mais pas des moindres: une couturière blasée et introvertie qui se mêle à une histoire de drogue et donc d’argent. Le réalisateur explore 3 possibilités que l’héroïne vit selon des choix différents et je dois avouer que je suis particulièrement friande de ce genre de format. Car oui j’aimerais pouvoir voir les conséquences de mes choix, donc là encore le cinéma m’aide à comprendre. Toujours est-il que le film se démarque surtout par les compétences en couture de notre héroïne et la photo splendide qui permettent de rendre le film assez divertissant malgré des redondances.
Plusieurs films ont exploré la thématique des violences des dynamiques de pouvoir. The Wailing utilise la figure du fantôme qui passe de génération en génération pour hanter et violenter des femmes mais également leur entourage. Ce film Espagnol de Pedre Martin Calero (venu présenté le film), m’a procuré de grands frissons en évitant les jumpscares et en utilisant de manière très maligne son décor. Le fil entre les différentes époques est tenu par les personnages, mais aussi par des objets, comme les écrans. Malgré quelques passages un peu mous, l’ensemble est solide et la banalisation des violences intrafamiliales qui se suit est encore trop peu traitée.
Le pouvoir d’une communauté sur l’une des leurs, est également le sujet d’Heresy, film Néerlandais de Didier Konings (venu présenter le film avec une certaine timidité par ailleurs). Ce moyen métrage qui puise son inspiration dans The Witch, fourni un travail très réussi sur sa direction artistique avec des créatures charismatiques, une forêt envoutante. Dommage que l’histoire nous serve une énième association de femme et dame nature reproductrice (réduisant totalement le propos politique de l’éco féminisme en passant), et une écriture faiblarde des personnages.
On parle du pouvoir d’une autre communauté, celle de l’audience du web avec Dead Talents Society (Taiwann) de John Hsu. Des fantômes doivent effrayer les vivants pour ne pas être oubliés et gagner en popularité. Le film est brillant d’inventivités, très très drôle, et n’oublie pas d’être intelligent pour autant en ayant plein d’amour pour des personnages de « loosers » qui n’en sont pas. Le film évoque les pressions extérieures, le collectif et est mine de rien un réquisitoire contre la pression capitaliste qui nous pousse à penser qu’il nous faut être talentueux pour avoir une raison d’exister.
Pour traiter ces messages, les fantômes sont ici presque faits de chair et de sang (qui les rapproche des humains); le film n’est en plus pas avare en effet gory.
Autre pression mais pas des moindres: celle des dynamiques de pouvoir au sein des maisons de retraite avec The rule of Jenny Pen. Ou comment les vieux sont infantilisés, agressés. Le film souffre d’une écriture maladroite qui lance plusieurs axes sans les exploiter (je pense notamment à la poupée qui s’avère peu flippante et surtout superflue). Mais le duo d’acteur au sommet (John Listhgow et Geoffrey Rush) nous offre un spectacle tout à fait appréciable.
On finit en beauté avec Desert Road qui est un peu un mix de toutes ces thématiques, de l’Américaine Shannon Triplett, qui est venue présenter son film avec un grand enthousiasme. Elle propose un nouveau récit de la boucle temporelle (et ça faut quand même réussir à le faire), en s’appuyant sur l’histoire d’une femme coincée sur une route dans le désert. Le film repose sur la performance bluffante de Kristen Froseth (vue dans How to blow a pipe line), et une écriture très fine qui permet d’être accroché à la quête du personnage et à ses rebondissements. Impossible de prédire comment le film va finir, ça en fait donc une bonne raison pour le voir.
On ne fait pas un festival sans une séance de courts métrages; je suis donc allée à la séance des courts internationaux. Là encore on peut noter une grande qualité sur la forme de tous les courts, dont les styles et les histoires étaient très variées. On a eu une créature sous un lit, un voyage mélancolique dans l’espace, un dieu de la pizza étrange, une aire de jeux maléfique (mon pref), et une marionnette qui a fait rire toute la salle. Un beau moment de cinéma.
J’avais interviewé Véro qui fait parti du comité de sélection de courts métrages, qui partage son point de vue notamment sur la place des femmes dans le cinéma de genre !