Amateurices de cinéma de genre, vous connaissez le PIFFF (Paris International Fantastic Film Festival) qui, en 2023 va ouvrir sa 12e édition.
Parallèlement au festival, le PIFFFCast est devenu une référence du podcast sur le genre, animé entre autres par Vero, qui travaille également sur le festival. J’adorais suivre ce podcast où bonne humeur, déconnades et invités d’honneur avaient une place de choix, alors je suis allée à la rencontre de Vero !

Peux-tu te présenter?

J’ai toujours travaillé dans l’audiovisuel mais j’ai fait plein de jobs différents, j’ai bossé à la technique, au web, à la stratégie éditoriale.
J’ai longtemps travaillé chez CANAL+ et maintenant je suis à mon compte. Je suis lectrice et consultante en scénario de fiction (long métrages et séries).
Et je commence à écrire de mon côté mais j’en suis au tout début donc je n’en parle pas trop !

Depuis quand travailles-tu au PIFFF? Quel est ton rôle actuel?

Dès la 1ère édition en 2011. J’ai toujours aimé le cinéma de genre. Je suis d’abord entrée comme bénévole, et je me suis très bien entendue avec l’équipe.
La 1ère année, j’étais à l’équipe vidéo, et la 2eme année en tant que webmaster (je le suis toujours, alors vous êtes obligé de dire que le site est top :D)
Depuis 2016 fais la sélection des courts internationaux en binôme avec Xavier Colon, et je fais partie du comité de sélection du Grand Prix Climax.

Tu officiais au PIFFF Cast. Les émissions étaient très complètes et permettaient de montrer toute la richesse du cinéma de genre. Peux tu en parler et pourquoi avoir arrêté?

Le PIFFFcast est né en 2015. C’était une idée commune avec Cyril Despontin pour faire vivre le festival le reste de l’année.
L’équipe était d’abord constituée de Fausto Fasulo, Cyril Despontin, Xavier Colon, Laurent Duroche et moi. Rapidement Fausto est parti, Talal Selhami l’a remplacé et le podcast a pris sa forme définitive.
On choisissait les thématiques lors de brainstorming en fonction de l’actu ou de nos goûts, et pour les invités c’était souvent lié aux contacts qu’on avait via le festival ou nos métiers. C’était très enrichissant car cela nous imposait de regarder des films qu’on aurait sans doute pas eu l’idée ou l’envie de découvrir.

On a arrêté car c’était très chronophage (2 épisodes par mois), et que chacun avait ses projets / métiers. On a eu peur que la qualité du podcast s’en ressente donc on a préféré arrêté avant que ça devienne moins bien. Au final c’est culte maintenant alors que personne ne parlait de nous à l’époque où on le faisait et on faisait parfois peu d’écoutes.

Parmi les personnalités reçues dans le podcast lesquelles t’ont le plus marquées ? Pourquoi?

Je retiens notamment Noémie Devide, responsable des acquisitions, des co-productions et des ventes internationales (métier méconnu et seule femme invitée malheureusement).
Il y a eu aussi Olivier Afonso, car il fait un métier génial (effets spéciaux) et que c’est devenu un ami maintenant.
Julien Maury et Alexandre Bustillo pour leurs anecdotes hilarantes !

Peux tu expliquer l’origine et en quoi consiste le prix climax?

Le grand prix Climax a été créé par 2 scénaristes, Jean-Yves et Mathilde Arnaud en 2016.
Il a pour but de promouvoir le cinéma de genre français. L’idée c’est de proposer des projets au stade de l’écriture pour leur donner de la visibilité, créer un pont avec des réalisateurs, des producteurs ou des distributeurs.

Les projets sont systématiquement lus par 2 lecteurs, homme et femme. On s’est rendus compte que c’était important d’avoir 2 regards différents. En effet, quand il s’agit d’écriture de personnages féminins, les scénarios des hommes sont parfois clichés. Cela permet de maintenir une certaine vigilance sur la qualité des projets.

Je fais partie du comité de sélection depuis 2019.

Comment t’es venu le goût du cinéma de genre?

D’abord grâce à ma mère friande d’histoires sordides et de la quatrième dimension à la TV.
Ensuite il y a eu l’arrivée de X files à la TV, et enfin un magnétoscope pour enregistrer les jeudis de l’angoisse !

Puis il y a eu l’achat du premier Mad Movies avec Fox mulder et Dana Scully en couverture. Le fait de lire et fouiner dans le Mad Movies m’a ouvert vers d’autres films et c’était parti…

Mon type de films de genre préféré est celui qui parle des paradoxes que l’on a en tant qu’être humains. On est jamais tout noir tout blanc, ni complètement mauvais ou bons.

Quels films de genre sont féministes selon toi?

Récemment j’ai vu Silip de Elwood Perez, découvert à l’Etrange festival. Il commence comme un film érotique et je me suis demandée au départ ce que je regardais, mais le propos sur le désir féminin et son incapacité à s’exprimer dans une société patriarcale est pertinent.

A l’inverse Freeze me de Takashi Ishii (vu au même festival) a été présenté comme un film féministe. Je suis pas d’accord car c’est un rape and revenge qui sexualise beaucoup son héroïne et les scènes de viols sont finalement montrées plusieurs fois d’un point de vue masculin.

Mais le meilleur film féministe de ces dernières années est Promising Young Woman. Il parle aux femmes et la catharsis est réelle : ce qu’on veut c’est que justice soit faite, pas juste défoncer la gueule aux agresseurs, car ça ne résout rien.

Quel personnage féminins aime-tu?

J’aime beaucoup le personnage de Juno dans The Descent. Déjà c’est un film avec uniquement des personnages féminins et j’aime la dynamique finale avec Sarah. Cela dit beaucoup des relations que les femmes peuvent avoir entre elles.

Le rape and revenge est souvent problématique dans sa manière de représenter le viol et comme prétexte narratif. A la fois le viol est sans doute la peur la plus universelle chez les femmes qui reste toute la vie. C’est important de le représenter ?

C’est une fatigue de le voir utilisé comme un ressort dramatique sans prendre en compte la manière dont ça résonne sur le public féminin.
Les scènes me mettent de plus en plus mal à l’aise. C’est quelque chose qu’on craint toutes et qu’on n’a pas envie de voir banaliser, voire érotiser. C’est utilisé comme point de départ d’une résilience/ vengeance pour une femme. Elle en devient plus forte parce qu’elle a été agressée.
Les viols d’homme dans les films n’ont pas du tout la même portée dramatique.
C’est l’ultime outrage quand c’est un homme violé. c’est de l’empathie à sens unique et ça banalise vraiment l’idée qu’une femme à un moment de sa vie doive « faire avec ».
Si on voyait un homme se faire violer systématiquement dans les films de genre, tout le monde serait d’accord pour dire que c’est répétitif ! Eux les premiers.
Par exemple, Scum montre la violence entre garçons dans une maison de redressement. Le film se termine à son paroxysme avec un viol de garçon, comme point de non retour en termes d’humiliation.

Il y a parfois des bons exemples comme Bowling Saturn avec une scène de viol est montrée d’une manière, qui sert le propos. Le film est réalisé par une femme, Patricia Mazu.

Il y a moins de critiques féminines cinéma, encore moins quand il s’agit de cinéma de genre. Est-ce que tu as l’impression que ça bouge depuis ces dernières ou pas du tout?

Les femmes ont un syndrome de l’imposteur et en font 3 fois plus pour se sentir légitimes (ex : les chaînes YT très bossées de Cinéma et Politique, Demoiselles d’Horreur, Welcome to prime time…). On ne voit pas de podcast avec 3 femmes qui discutent cinéma en buvant des bières sans avoir rien préparé. Alors que les hommes se posent beaucoup moins la question.
Du coup certaines préfèrent ne rien faire que de mal faire. On a assez d’obstacles comme ça pour pas s’en rajouter nous-même : tant pis si on se trompe ou qu’on dit une bêtise ça arrive à tout le monde !

Je revendique le droit à la médiocrité ! On est pas obligées d’être irréprochables.

Il y a toujours assez peu de réalisatrices dans le cinéma de genre, d’autant plus français. Avec ton regard de critique, professionnelle du milieu, comment l’analyses-tu? 

Culturellement c’est ancré dans la société qu’on confie pas de gros budget à une femme. Les succès de Barbie, Anatomie d’une chute vont-ils changer la donne ?
Par ailleurs, c’est difficile en France de monter un film de genre donc le combo des deux c’est presque mission impossible.
Après on retrouve la même dynamique que pour les critiques cinéma féminines. Pour être légitime, il faut viser la reconnaissance suprême comme Julia Ducournau avec la palme d’or de Titane ou les nominations aux Césars de Grave.

A l’étranger, des films réalisés par des femmes parlent de thématiques « féminines » (Huesera ou Babadock). C’est un bon moyen de faire ses preuves mais il faut être attentive à ce que ça ne devienne pas une enclave (film réalisé par une femme = film sur un sujet « féminin »)

On remarque de plus en plus de films de genre français ces 3 dernières années (Méandre, La Nuée, Acide, Le Calendrier, The deep house, etc..). Est-ce que les lignes bougent enfin un peu ou est-ce qu’on face à une sorte de nouvelle french frayeur éphémère?

Les producteurs ont envie de produire du genre dans l’absolu mais il faut qu’il y ait un marché. Précédemment la French frayeurs les a rendu frileux sur le sujet. Les French frayeurs visaient un public trop restreint, ils étaient trop gore ou violents pour fonctionner en salle.
Les succès récents notamment du Règne animal donnent de l’espoir. Si on va vers un fantastique plus rassembleur en termes de public ça peut être un moyen de relancer l’intérêt pour le genre en salle.

C’est difficile de définir le cinéma de genre. Certains comme Aja pense qu’il faut qu’il y ait une dimension spectaculaire et graphique. D’autres incluent des films ayant une marque d »auteur ». Comment le définirais-tu?

Pour moi, un film de genre englobe des univers, des comportements ou des thématiques qui sont en dehors des lois de la Nature ou de la vie « réelle ». Je ne définis pas le genre en termes de mise en scène ou d’intention d’auteur. Après, chacun a sa propre définition du genre, c’est un débat sans fin auquel il n’y a pas de bonne réponse !

Que penses- tu du débat film en salle vs film plateforme?

Les plateformes permettent à un certain cinéma d’exister (formats plus expérimentaux, plus trash…), la place de cinéma est trop chère et rend les producteurs/distributeurs/exploitants frileux mais aussi le public. Du coup la plateforme pallie à ça en proposant d’autres espaces.
Mais pour moi l’expérience en salle reste incomparable.

A l’avenir un combo sortie salle + sortie plateforme serait un bon compromis.

3 films de genre que tu conseillerais qui sont sortis les 3 dernières années?

Vesper Chronicles avec une direction artistique fabuleuse. Mais aussi About Kim Sohee, Zombi Child, Un couteau dans le coeur et Les bonnes manières. Je citerai aussi Les 5 diables qui a été passé sous silence alors que c’est un film de genre, et qu’il est particulièrement réussi.

Le PIFFF aura lieu du 6 au 12 décembre 2023. Toute la programmation est sur leur site.