On l’oublie souvent, mais le cinéma de genre français est présent depuis des décennies. Ces films sont laissés pour compte, par la profession, mais aussi par le public. Pourtant c’est un cinéma à défendre, qui a son lot de pépites.
Pour des questions de diffusion compliquée à la TV et de maigres scores au box office, il est très difficile de monter un film de genre en France. Si l’Italie est la mère des gialli, la France est bien précurseure dans l’histoire du cinéma de genre, George Méliès étant considéré comme le père du cinéma d’horreur (le Manoir du Diable, 1896).
Cercle visqueux
La situation du cinéma de genre français a toujours été complexe, malgré des essais récurrents. Quand Wes Craven a relancé le slasher avec Scream, il y a bien eu une tentative de surfer sur la vague avec le mauvais Promenons nous dans les bois de Lionel Delplanque. Mais, cet échec commercial a visiblement refroidi toute initiative de slasher à la française par la suite.
Nous avons eu ensuite des productions labellisée « french frayeur » lancée par Canal + avec A l’intérieur de Julien Maury et Alexandre Bustillo, 2007, Frontières de Xavier Gens, 2008 ou encore Haute Tension d’Alexandre Aja, 2003. Ces films ont cartonné outre Atlantique et en festival. Cette initiative a permis de lancer quelques réalisateurs (qui ne font pas forcément que du genre, comme Xavier Gens), mais n’a jamais été une aide pour les créateurs suivants.
Ces films sortant sous peu de copies (de 30 à 100 pour les plus chanceux, quand des films dits « populaires » sont facilement à plusieurs centaines), ils sont difficilement visibles. Du coup, ils ne restent pas longtemps à l’affiche. Dans ces conditions, il est impossible de toucher beaucoup de spectateurs (A l’intérieur n’a réalisé « que » 70 000 entrées environ, Ils de Xavier Palud et David Moreau, 2006, lui a réuni 250 000 spectateurs). Pas de copies, pas d’entrées, pas de succès, pas de financement les films suivants: le cycle infernal.
Je lis souvent que si le cinéma de genre en France a du mal à exister, c’est parce qu’il ne réalise pas d’entrées. Mais comment peut il en faire en sortant sous si peu de copies?
Pourtant, les amoureux et artistes du cinéma de genre français parviennent à faire paraître des initiatives originales comme pour Goal of the Dead de Benjamin Rocher et Thierry Poiraud (2014). A défaut de bénéficier d’une sortie en salle, les deux réalisateurs des deux films ont fait un tour de France des quelques cinémas qui ont bien voulu le diffuser lors d’une soirée.
Mal aimé, il est le mal aimé
Qu’on se le dise, je n’ai rien contre les comédies, drames, etc…Il y a de très bons films comme de mauvais. C’est le cas aussi dans le cinéma de genre. Mais pourquoi ne les laisse-t-on pas exister? Pourquoi les considère t-on comme un genre « bis »?
De plus, les films de genre nécessite souvent de budgets importants pour avoir de bons effets spéciaux, visuels…Or, là, personne ne veut les produire, donc ces films là apparaissent encore un peu comme des essais, avec les moyens du bord. Si un film de genre français a un budget de 2 millions d’euros (ce qui est très très peu comparé à un 11 millions du Prénom d’Alexandre De La Patellière et Matthieu Delaporte (2011).
Par conséquent, ils ont du mal à être reconnus auprès des fans de films d’horreur, qui sont habitués aux films américanisés. Et il faut que ça marche auprès du public pour que les producteurs acceptent de soutenir un film. Donc paradoxalement, le public, qui pourrait aider le cinéma de genre français, l’enfoncent peut être encore plus…On ne peut pas dire que la mauvaise qualité d’un film est uniquement dû aux effets spéciaux, mais ça joue énormément auprès d’un public habitué à des effets à gros budgets.
Récemment grâce à Grave de Julia Ducournau, le regard de la profession a légèrement changé. Le CNC a créé une aide pour le cinéma de genre (mais ils entendent par « genre » aussi une comédie musicale par exemple, donc il n’y aura pas forcément une aide chaque année pour du « vrai » genre).
On oublie souvent de le mentionner, mais Grave a également été nommé cinq fois aux Césars. Ces nominations font figure d’exception. Les derniers films de genre nommés aux Césars remontent à La cité des enfants perdus de Jeune et Caro en 1993 ! A l’époque il a même obtenu un César pour les meilleurs décors. Mais cette situation exceptionnelle n’a pas tracé une route pour d’autres films.
Grave a su séduire par la force de son récit. Son aspect de la fameuse étiquette « cinéma d’auteur ». Sans cela, le film aurait été ignoré. Il a été pris en compte pour cette raison par les Césars. Depuis, nous ne voyons pas d’autres exemples.
Le documentaire Viande d’origine française , montre bien toute les difficultés rencontrées par le cinéma de genre français.
Un outil de réflexion
Il ne faut pas associer le cinéma de genre français à uniquement le cinéma d’horreur ou d’épouvante. Il ne faut pas oublier le succès du Pacte des Loups de Christophe Gans sorti en 2001. Aux allures de blockbusters, jouant la carte du film d’époque, il a su séduire. On peut noter également Les Rivières Pourpres 1&2, films réalisés par Matthieu Kassovitz en 2000 et Olivier Dahan en 2004. A la limite du polar classique, ces films sont pourtant proches d’un film d’horreur.
Et que dire de Jusqu’à la garde de Xavier Legrand? Il comporte tous les ingrédients d’un film de genre.
C’est donc un cinéma riche de propositions.
Le cinéma est utilisé pour évoquer, pour proposer une réflexion sur la vie, que ça soit à propos d’amour, d’amitié. Mais aussi de choses peu plaisantes comme la maladie, le décès, l’abandon, la souffrance morale..Ces thématiques sont largement abordées dans les drames, notamment sociaux français.
Le cinéma de genre permet de représenter visuellement et concrètement ces souffrances, à travers l’imaginaire, permettant de mettre des images et des mots sur des sensations et émotions complexes.
Laissons le cinéma de genre français les exprimer.
Le cinéma de genre français ne demande qu’à exister: Djinns de Sandra et Hugues Martin (2010), le Village des Ombres de Fouad Benhammou. Mais aussi l’excellent Vertige d’Abel Ferry (2008), ou encore Night Fare de Julien Seri (2016). On peut noter Horsehead de Romain Basset (2014), ou encore Aux yeux des vivants de Julien Maury et Alexandre Bustillo (2014). Est-ce que tous ces films sont bons? Non. Mais est-ce que toutes les comédies et drames le sont?
D’autant que pour monter en qualité, il faut pouvoir produire aussi une certaine quantité pour donner l’occasion aux cinéastes et techniciens d’expérimenter.
Sang-sûr
La censure est une barrière de plus pour le cinéma de genre. Martyrs de Pascal Laugier en a fait les frais. Au départ interdit aux moins de 18 ans, après indignation, il a finalement été interdit aux moins de 16 ans.
Le fait est qu’interdire aux moins de 18 ans un film, c’est le tuer avant qu’il sorte. Il est encore plus limité concernant ses diffusions dans les salles, il ne peut pas passer à la télé, ou une fois par mois à Canal. Tout simplement parce qu’il est dans la même catégorie qu’un film X. Si on veut mettre des interdictions sévères au cinéma de genre français, donnons lui des salles au moins pour le diffuser correctement.
Dans un autre registre, le CNC a refusé de financer Les Misérables de Ladj Ly car trop violent. Quand on voit le film, on peut se demander où est le curseur chez le CNC. Et pourtant Les Misérables cartonnent en salle, c’est même le plus gros succès chez Le Pacte. Mais l’étiquette « film social » l’explique en grande partie.
Résister à l’envahisseur
Le cinéma de genre français est tellement méprisé (et parmi par les amateurs du genre en lui même), que les réalisateurs sont sollicités par les américains pour réaliser des films sur leur territoire. Ainsi, Xavier Palud et David Moreau (réalisateurs de Ils) ont réalisé le remake de The Eye en 2008. Alexandre Aja a par la suite magnifiquement remaké La colline a des yeux (2006), puis a réalisé Mirrors. Christophe Gans a tourné Silent Hill, sorti en 2006 également.
Depuis les trois dernières années on note des propositions très diverses et riches en thématiques et en spectacle. Titane, Deep House, Méandre, Acide, Le règne animal, Gueules Noires, Le Vouldarak, Vincent doit mourir…On remarque que l’intérêt pour le cinéma de genre français a progressé même s’il reste minoritaire. Cela reste inédit de voir autant de films de genre sortir en salles et pour certains connaitre un succès (Deep House). Espérons que ça ne soit qu’un début.
Il reste maintenant à faire la place à plus de réalisatrices française de genre, partie qui reste certainement la plus difficile.
Toi, amateur.rice de films de genre, soutiens le cinéma de genre français. De plus en plus on note des propositions insolites et passionnées. Donc sortons des sentiers battus et du formatage parfois trop américanisés pour donner sa chance à des films qui enrichissent notre culture.
Oh oui le cinéma de genre français a bien évolué et j’espère qu’il se développera encore et sera plus connu !
Merci pour les films cités, il y en a que je ne connaissais pas, hâte de les découvrir
[…] En France, les moyens financiers accordés sont tellement dérisoires par rapport aux besoins des réalisateur-rices (si un film arrive à obtenir 4 millions d’euros c’est le graal, le plus courant étant entre 1 et 2 millions), que les ambitions visuelles peinent souvent à concurrencer sérieusement les USA (si on a envie/besoin de beaucoup d’effets bien sûr). […]
[…] particulièrement dangereux. L’araignée va se faire la malle et part investir les lieux.Le cinéma de genre français est vigoureux et Vermines en est un nouvel […]
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