femme patiente hopital

Le cinéma de genre contient par définition de la violence. On remarque aussi que de nombreux personnages féminins sont les héroïnes de ces films. Il est donc nécessaire de questionner ces violences et ce qui peut apparaître comme sexistes dans le cinéma de genre.

Être féministe cinéphile c’est tout un art. Entre female gaze, politiquement correct, violences, le cinéma de genre est l’exemple même à quel point il est compliqué de représenter justement, les violences sexistes.

Le cinéma est art dominé non seulement par les hommes, par leur regard, on ne peut nier le manque de diversité dans les angles posés sur les personnages. Qu’ils soient féminins ou masculins.
Et s’il y a bien un genre où les femmes sont présentes, c’est le cinéma de genre. Pour le meilleur et pour le pire.

La violence face aux violences sexistes, catharsis nécessaire?

Ma réflexion démarre avec un article de Slate dont l’autrice était scandalisée par la violence graphique dans la série The Handmaid’s Tale. La série était accusée de sexisme.
C’est aussi un reproche fait à Irréversible de Gaspard Noé. Et c’est régulièrement la même réflexion que j’entends à propos de Martyrs de Pascal Laugier.
Une chose est sûre, il n’y a pas une seule lecture de ces films.
La capacité à regarder de la violence, et notamment les violences sexistes quand on est une femme, dépend de notre sensibilité, et de notre capacité à encaisser de nouvelles violences en plus de celles vécues au quotidien.

Pour autant, il reste passionnant d’analyser les points de vue caméra, les procédés de mises en scènes, les écritures de situation et de personnages pour tenter de prendre du recul et de comprendre le sens de ces images.

Mon objectif ici est plutôt de questionner la portée narrative ou philosophique de la violence à l’écran. A quel moment elle participe à dénoncer le sexisme. Et plus largement d’interroger l’utilité de représenter les violences envers les femmes.

La nécessité de montrer la violence

On m’a souvent fait remarquer qu’on voit suffisamment de violence dans le monde pour aller en voir délibérément sur un écran.
Cette violence là, qui passe par la photographie ou la vidéo, ne permet pas de prendre du recul pour comprendre pourquoi et comment on arrive à cette violence là. Il a un caractère informatif, qui pour le pire et le meilleur déclenche de l’émotion avec toutes les dérives liées.
La fiction permet de se questionner, de proposer des solutions, des réflexions. La réalité, on la subit et c’est tout.
Par ailleurs, alors qu’on se plaint de l’individualité de la société, de sa violence, de ses incohérences, il serait illogique que des êtres humains la questionnent?
Quoi de plus normal que des êtres humains aient besoin d’interroger notre rapport à la violence, à la réalité?

Les violences sexistes dans le cinéma de genre ne sont pas nécessairement teintées de sexisme. Elles sont parfois utiles pour représenter les douleurs, les conséquences, de celles-ci.
La nécessité de montrer la violence, et parfois ce qu’on appelle « graphique » (c’est à dire gore), est aussi nécessaire que de nommer les choses.
Je prends souvent l’exemple du féminisme. Pourquoi on doit utiliser le terme de féminisme et pas d’humanisme, alors que les deux termes désignent la lutte pour l’égalité?
Parce que le féminisme désigne spécifiquement les oppressions subies par les femmes, que les hommes ne connaîtront jamais. Si on ne nomme pas un problème, on ne peut pas l’identifier. Si on ne peut pas l’identifier, on ne peut pas le combattre.

C’est la même chose pour les violences. Donc la montrer (avec évidemment une mise en scène choisie), c’est montrer qu’elle existe. Ainsi, le public peut prendre conscience de cette violence, de sa portée, et de son intensité. Mais aussi de ses conséquences, voire de ses causes. Bref, la montrer c’est se donner l’opportunité de la comprendre. Les violences sexistes ont tellement de différentes facettes.
Et contrairement à ce qu’on entend souvent, expliquer n’est pas excuser. Encore une fois, si on explique pas, comment comprendre? Et si on ne comprend pas, comment savoir lutter?

Pour illustrer cette confusion, on peut prendre l’exemple de deux films:

  • Promising Young Woman: Certaines critique féministes ont fustigé le fait que Cassie soit tuée à la fin. Comme si le personnage féminin qui se battait contre le viol perdait une seconde fois. Cassie serait donc montrée comme faible. Pourtant, c’est contrebalancé par le fait que les coupables sont quand même punis en raison de l’intelligence de Cassie qui avait anticipé la violence masculine. Elle savait qu’elle risquait la mort. Et c’est bien la réalité: les hommes tuent les femmes.
    On a aussi critiqué le fait que la femme violée s’est suicidée et que donc elle n’apparait jamais à l’écran, c’est Cassie qui prend le fardeau de lui faire justice. Pourtant Cassie se met en danger tous les soirs pour sauver des femmes en confrontant les hommes à leurs comportements: elle a un angle d’action systémique. De plus, le film montre l’impact des violences sexuelles sur l’entourage. Car elles ont aussi une incidence sur l’entourage et peu de films le traite.
  • The Substance: On a pu lire via des sites de critiques féministes notamment qu’il était problématique que les deux personnages féminins se battent à la fin. Comme si la sororité ne pouvait décidément pas exister dans cette critique de l’âgisme. Mais c’est pourtant le reflet même de la domination patriarcale qui divise les femmes et les met en compétition pour mieux les soumettre. C’est important de visibiliser cette conséquence.

La revanche du viol

Il existe un sous genre du cinéma de genre qui s’axe spécifiquement sur une violence faite en majorité sur les femmes, le viol. Le rape and revenge.
Il s’agit de la vengeance d’une femme qui a été violée et souvent battue, voire torturée. Ce sont des films majoritairement réalisés par des hommes (L’ange de la vengeance, I spit on your grave, La dernière maison sur la gauche, Crime à froid,…). Même si Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi ont déversé rageusement Baise Moi en 2000. Coralie Fargeat a fait aussi une entrée fracassante pendant la vague Me Too avec Revenge.

Le viol est un fléau dramatiquement banal, il est nécessaire que le cinéma de genre s’empare mieux des violences sexistes

Le viol, sujet touchy

Le rape and revenge est un sous genre questionnable de par sa nature (baser son histoire et ses personnages sur l’unique question de vengeance suite à un viol et rien d’autre, avec une déculpabilisation dérangeant du spectateur) est souvent emprunt de sexisme. Car on y retrouve les clichés du viol:

  • Associer fille sexy et pulsions sexuelles des violeurs,
  • Les violeurs sont souvent des inconnus,
  • Mise en scène voyeuriste des viols (on voit tout ou presque, avec un regard extérieur)

C’est pourtant un genre qui pourrait être beaucoup plus intéressant. Car l’écrasante majorité des viols est commis dans le cercle proche. Et le rape and revenge l’ignore complètement. Le viol est un fléau dramatiquement banal, il est nécessaire que le cinéma de genre s’en empare mieux.

Coralie Fargeat avait un peu rabattu ces carte dans Revenge. Car elle s’attache à nous projeter à travers le regard de la jeune femme, qui s’emploiera à tuer non seulement son bourreau, mais le témoin et la personne qui cautionne et banalise. Ici c’est le rôle de la société qui est interrogé. Pas uniquement le coupable.
Mais le film mêle aussi le regard sexualisé que les hommes portent sur le corps de l’héroïne. Corps qui deviendra malgré tout un outil de combat, transformé grâce à un élément fantastique.

Violation de Madeleine Sims-Fewer et Dusty Mancinelli révolutionne la manière de représenter les violences sexistes et sexuelles, et notamment le rape and revenge. Le viol est commis par un proche, et surtout « sans » violence, sans menaces, sans agression au préalable. Et la narration construite en aller retour, permet de contextualiser la situation.
Délivrance de John Boorman est l’un des seuls qui représente un viol subi par un homme. Autre tabou de société qui serait intéressant d’analyser.

Violation

Quand la violence est alliée du sexisme

Mais si la représentation explicite de la violence est nécessaire, le cinéma de genre peut aussi de laisser aller à du sexisme.
On ne compte plus le nombre de films d’exploitation, notamment dans les années 70/80, qui regorgent de sexisme. Mais leur qualité et notoriété étant plus aléatoires, je me concentrerai sur des formes de production de films plus classiques.

Le slasher, mauvais élève

Même si j’ai une tendresse particulière pour la saga Halloween, les personnages (victimes) féminins sont toujours objectifiés. Pire, les divers réalisateurs ont usé et abusé de l’utilisation du sexe comme péché devant être puni. Résultat, en plus d’une morale nauséabonde, on nous montre souvent des corps de femmes dénudées, lardées de coups de couteaux.

Et si j’aime les films de Rob Zombie, il faut avouer que la mise en scène des meurtres des femmes sont souvent problématiques. Lors des meurtres, elles sont très souvent dénudées, sexualisées.
On peut ainsi noter une objectification totale de la sœur de Mickaël Myers lorsqu’elle se fait tuer par ce dernier (même si de toutes façons le male gaze est permanent chez Zombie).
Dans le deuxième film, ce qui m’a interpellée particulièrement c’est le meurtre d’une jeune femme dans une caravane s’apprêtant à copuler. Myers arrive derrière elle, et la manière dont le meurtre est filmé, fait référence à un coït.
Sans compter Annie, qui est totalement nue lorsque Myers la massacre. Et pourtant j’adore cette dernière scène, que je trouve particulièrement émouvante. Le montage humanise profondément la victime. Mais pourquoi les mettre nues? De la même manière que beaucoup de personnages féminins se font attaquer dans leur bain. Avez-vous souvent vu des hommes se faire tuer dans leur bain?

Dans le mauvais Vendredi 13 de 2009 réalisé par Marcus Nispel, prenons la scène de meurtres dans le lac (qui fait un fort clin d’œil aux Dents de la Mer). La jeune femme qui est à demi nue (ba wai c’est plus pratique pour faire du wakesurfing), est tuée d’un coup de machette dans le crâne par Jason. La victime cachée sous un ponton, Jason plante sa machette à travers le bois et l’embroche comme un cochon. Et pour récupérer sa machette, il vient hisser le corps de la malheureuse, laissant apparaître sa poitrine généreuse, et retire sa machette du crâne en appuyant celui ci contre le bois. L’aspect comique de cette scène est malvenue, car le film n’est absolument pas dans cette tonalité. Cela participe à représenter la femme comme un objet, une viande, une violence qui est grotesque.

Ce sexisme n’est en rien du politiquement incorrect subversif. Ces scènes ne font que reproduire des images que l’on voit depuis…toujours dans le cinéma de genre! Elles sont dénuées de propos et ne font qu’appauvrir le cinéma de genre, déjà bien stigmatisé.

Quand le torture porn porte bien son nom

C’est le cas de la plupart des slashers (surtout la vague qui a suivi le succès de Scream). Il y a beau avoir des personnages féminins qui survivent ou pas, se battent ou pas, ces films ne brillent pas par la valorisation des femmes. Elles sont dépersonnalisées au possible, voire bêtes. Ce sont des objets pour attirer l’adolescent moyen. Ce sont toujours des corps correspondant aux canons habituels (minces, cheveux longs, gros seins, jambes interminables, débardeur et short qui va bien).

Le torture porn est un sous genre qui se prête également plutôt bien au sexisme.
Prenons l’exemple Saw 7 (Saw 3D) de Kevin Greutert. L’introduction est la justification parfaite du féminicide.
Le film commence par bien entretenir le préjugé que les femmes sont les responsables des maux d’une relation amoureuse, et donc de conflits entre hommes. A cause de quoi? Mais de l’infidélité bien sûr!
Le traditionnel « triangle amoureux » où la femme est reine et mène les hommes par le bout du nez (de la bite). Ne plus, elle n’hésite pas à continuer de manipuler ces pauvres hommes victimes afin d’essayer de s’en sortir. Aucun savoir vivre.
Il faut donc la punir. Quoi de mieux que de la couper en deux?

Plus loin, une autre scène appuie cette objectivisation du corps des femmes. On se permet de cadrer un beau plan sur la grosse poitrine découverte (alors que dans les scènes précédentes, le gilet est fermé) de la victime avant de lui exploser sévèrement la tête (comme ça plus d’identité hop!).

Avant de crier au politiquement correct, il faut s’interroger sur la nécessiter de montrer ces images. Une mise en scène, une écriture de personnages sont là pour porter un propos. Soit c’est volontaire et c’est un point de vue (sexisme). Soit c’est involontaire, et c’est dire comme nous avons intériorisé ces violences sexistes.

Le sexisme intériorisé aussi dans la mise en scène

Le cas de Terrifier 1 et 2 est un cas d’école. Ces 2 films contenant des scènes très gores mettent en scène un clown tueur (très réussi) qui pourchassent des jeunes filles.
De mon point de vue, les meurtres sont mis en scène avec un angle particulièrement sexiste.
Premier point, le clown ne pourchasse que des femmes (alors que ce n’est pas forcément le cas dans d’autres slashers, d’autant que le film est récent, et surtout que le film ne donne pas de raison spécifique à ça).
Par ailleurs, il s’attaque à des femmes jeunes, sexy, un peu idiotes, aimant s’amuser. C’est effectivement un trope que l’on retrouve beaucoup dans les slashers, mais déjà à l’époque de Black Christmas en 1974, on avait au moins un personnage féminin un peu travaillé (du moins pas débile). Là on est en 2016.

Si le clown s’attaque aux hommes et femmes confondus, il n’y met pas les mêmes formes.
Dans Terrifier, il commence par tuer des hommes de manière brutale et expéditive (tête et main coupées, couteau au visage).
Le prochain meurtre est celui du personnage féminin le plus débile, blonde (évidemment), que le tueur pend par les pieds, en lui écartant les jambes, nue (évidemment). Il ne trouve rien de plus monstrueux que de la découper en 2 vivante, en commençant par sa vulve. Cerise sur le gâteau saignant, il fait un selfie avec le corps de la malheureuse, en écho avec une scène précédente où la jeune femme a fait un selfie forcé avec le clown au restaurant. Bref, on se fout de la gueule de l’écervelée.

Par la suite, il coupa la tête d’un homme, mais s’acharnera à défigurer de balles la tête et le corps de l’amie de la blonde.
Enfin, le film se termine sur le clown qui s’attaque de nouveau au visage d’une femme, en dévorant la soeur de la précédente victime.
Aucun autre homme ne subit autant d’acharnement et de torture sur des parties fortement liées à la féminité, en montrant des corps aussi sexualisés et dénudés.

Mais Terrifier 2 n’est pas en reste. On retrouve le même principe avec la scène la plus marquante et gore, où là encore le clown s’acharne encore et encore à faire souffrir la jeune femme, à la limite du supportable pour ma part. D’autant qu’on en rajoute en filmant la réaction de la mère qui découvre sa fille méconnaissable aux côtés du tueur qui savoure la souffrance des 2. Un comportement qu’on ne retrouve pas chez ses victimes masculines (qu’il ne poursuit toujours pas).
Certains clament haut et fort que pourtant le tueur émascule l’un des protagonistes. Oui, mais là encore c’est expéditif. On pourrait éventuellement dire que dans un élan de wokisme, le tueur coupe la bite du mec qui insiste pour avoir des relations sexuelles, mais ça ne va pas plus loin (quoi que toujours plus loin que le 1er volet).
D’autant qu’il faut que noter que le réalisateur Damien Leone s’est auto censuré dans Terrifier 2. Il imaginait une scène beaucoup plus gore avec le pénis de son personnage. Vous remarquerez qu’il s’est auto censuré pour une scène violente concernant un personnage masculin, pas féminin.
Ce qui m’amène à penser que le réalisateur (comme beaucoup d’autres) a intériorisé des ressors sexistes, et quand bien même il s’en défende, l’intention n’évite pas forcément le résultat.

Où sont les femmes?

Qu’appelle-t-on female gaze?

Mais pour contrer ces visions sexistes, mettons à l’honneur le female gaze. Mais qu’est ce donc?
Si vous vous intéressez au genre, vous n’avez pas pu passer à côté de la journaliste cinéma Iris Brey, qui a fait le tour des media pour expliquer ce concept. Elle a écrit un livre à ce sujet, appelé Le Regard Féminin, une révolution à l’écran. Le concept de mâle gaze a été introduit par Laura Mulvey dans les années 70, mais il est resté confidentiel en France, jusqu’à ce qu’Iris Brey le mette en lumière.

Pour rapidement comprendre de quoi il s’agit, Mulvey explique qu’il y a 3 regards sur les personnages. Celui du réalisateur, celui de la caméra et celui du public.
C’est le regard de la caméra qui oriente le regard du spectateur-rice. Le cinéma étant dominé par le regard masculin (le male gaz donc), les corps (masculin ou féminin) sont filmés comme des objets. Et non pas comme des sujets, en mouvement. Mais il y a d’autres éléments à prendre en compte, comme la place du personnage féminin dans la narration.
Le male gaze ou le female gaze peut venir autant d’un réalisateur ou d’une réalisatrice. C’est vraiment le regard qui importe.
Je suis de plus en plus réservée sur cette notion de male et female gaze. Pour plusieurs raisons:

  • Depuis la popularisation de cette notion, tout le monde met un peu tout et n’importe quoi derrière le male et female gaze,
  • Au fil du temps, je vois beaucoup de points de vues différents posés sur la manière de filmer le corps des femmes. Faut-il le montrer? Comment? Est-ce que montrer un corps sexy est nécessairement sexiste? La question est beaucoup plus complexe que l’on ne croit et des films comme Pauvres Créatures ou The Substance l’ont montré.
  • Est-ce qu’on a besoin d’être à la place du personnage féminin pour comprendre et expliquer les violences sexistes? Non.

Aux côtés de la victime de violences sexistes

Ceci dit, on peut noter que Monster de Patty Jenkins se place du point de vue son héroïne. Le film retrace la vie d’Aileen Wurno, la première femme considérée comme tueuse en série. C’est d’abord une femme victime de violences et de sexisme toute sa vie.
Pour avoir lu et entendu beaucoup de choses sur cette meurtrière, je tiens à rappeler qu’Aileen a commencé à tuer pour se défendre, et que par la suite elle était animée de vengeance. Pas de sadisme et de plaisir comme la plupart des tueurs en série. Monster l’illustre bien.
Le film démarre d’ailleurs avec les propres pensées d’Aileen, qui continueront tout au long du film. Lors de l’agression, la caméra se place bien dans le regard d’Aileen. Et on suit l’évolution du couple qu’elle forme avec Selby sans sexualisation et objectivisation des corps.

Si on reprend l’exemple de HandMaid’s Tale qui est souvent montré du doigt pour sa violence, force est de constater que si le même principe que Monster, la voix off de June nous guide. Et on est bien à sa place lors des viols. Le public est à ses côtés dans son combat, ses pertes, sa souffrance. L’horreur de cette dystopie est palpable.

Dans un registre plus comico horreur, un de mes films chouchou, Teeth de Mitchell Lichtenstein reprend la peur ancestrale des hommes, à savoir que les femmes auraient un vagin denté. La scène chez le gynécologue est parlante. Celui-ci ne se soucie guère ni de ce que dit Dawn, ni de ce qu’elle ressent. Et nous, public, sommes aux côtés de Dawn qui ne voit pas ce qu’il fait, et on ne voit pas non plus ce qui se passe à l’intérieur. Nous sommes comme elle, en attente de comprendre, de savoir.

Combattre le mâle par le mal

Mais dans le cinéma de genre, on peut aussi donner du sens aux violences faites aux femmes, avoir un point de vue plus extérieur.

Par des réalisatrices…

Le maladroit mais néanmoins intéressant Dark Touch réalisé par Marina De Van, utilise la télékinésie pour parler de l’inceste, grand fléau tabou des violences sexistes. Via ce pouvoir, la petite fille exprime sa colère, sa douleur, mais surtout se défend, et finit par prendre le contrôle. La mise à mort des parents incestueux est particulièrement violente, et les femmes ne sont pas épargnées, comme souvent à ce sujet. Comme pour élargir la problématique de l’inceste.

Marina de Van

Et la violence, même si elle est morale, est aussi exercée par les enfants, sur la petite fille. En effet, en raison de par ses problèmes, elle se sent différente et isolée. Et Dark Touch est malin dans le sens où la petite fille se révolte uniquement contre les adultes maltraitants, ou étouffant (qui est une forme de violence de non considération des besoins de l’autre). Et elle s’allie uniquement avec les enfants qui connaissent la maltraitance. Seule l’assistante sociale qui respecte son consentement et sa zone de confort arrive à tisser un lien avec l’héroïne. Une manière inhabituelle d’aborder un sujet tabou.
Tellement tabou que la DDASS à l’époque a refusé que Marina De Van tourne avec des enfants français. Elle a donc tourné son film en Irlande.

Les réalisateurs et les violences sexistes

C’est le cas de Martyrs, film culte de Pacal Laugier, tantôt adoré par les un-s, tantôt détesté par les autres. Le film ne fait pas dans les dentelles, et il contient des séquences gores particulièrement difficiles, et à l’imposé d’un ton grand guignol qui pourrait faire tomber la tension.
Le corps est d’autant plus important dans Martyrs, puisqu’il est le prisme de la recherche de sens ultime. Les femmes sont spécifiquement visées pour des raisons fanatiques obscures. Si le female gaze n’est pas total dans le film (on est bien dans le regard de Lucie, puis d’Anna), la dernière partie du film bascule dans le point de vue des bourreaux.

Dans Martyrs, les corps sont en mouvement, ils souffrent, ils se battent, ils luttent, ils tuent. Ils ne sont ni objets, ni sexualisés, malgré qu’ils soient pour certains découverts. En effet, le film montre la folie des puissant-es, qui au nom d’une idéologie font tomber toutes les barrières possibles pour atteindre leur but. Il n’y a ni complaisance, ni voyeurisme dans ces violences. Elles illustrent comment les femmes sont utilisées pour satisfaire le désir d’un dominant. Et ainsi, de quelle manière elles sont victimes de sexisme. Malmener un personnage féminin est aussi un prisme pour dénoncer.

Un regard sur les violences sexistes à redéfinir

Autant d’exemples qui montrent la complexité d’interpréter les images que l’on voit à l’écran.
Il me semble important en tout cas de se poser ces questions. Car l‘intérêt d’un film de genre, est d’avoir la capacité de tenter d’expliquer des travers de société.
James Mangold, réalisateur du grandiose Logan, disait qu’il ne voulait pas faire de son film un manifeste politique. En revanche, il disait aussi que c’est la responsabilité des cinéastes de créer des allégories et de soulever des questions. Une portée politique donc?

Malgré la forte des présences des femmes (et des rôles plus intéressants que dans le cinéma « classique »), les violences sexistes sont présentes dans le cinéma de genre. Et il est temps de le questionner plus, de remettre plus en question ce cinéma sensé être transgressif, mais qui pourtant peut répéter des schémas archaïques.