femme ouvre la bouche

Bienvenue à Bad City! Une vampire rôde la nuit, essayant de rétablir un peu justice, et notamment pour les femmes. Elle croise cependant le chemin d’Arash qui va bousculer ses certitudes, mais pas sa détermination.

A girl walks home alone at night affiche

Quand les uns crient au chef d’œuvre, les autres crient à l’ennui. A girl walks home alone at night ne laisse donc pas indifférent.
Il faut dire que le film d’Ana Lily Amirpour ne choisit pas la facilité pour son premier film. A girl walks home alone at night est un film en noir et blanc, avec peu de scènes d’actions comme on pourrait en attendre de la part d’un film de genre.

Si le vampire m’était conté

Tourné dans une ville abandonnée des États Unis, A girl walks home alone at night prend le parti de placer son récit dans une ville fictive, Bad City. Ce n’est pas sans rappeler le procédé régulièrement utilisé par Tim Burton notamment dans Edward aux Mains d’Argent.
D’ailleurs, les fumées de la ville, la noirceur et l’aspect glacial de la ville peuvent faire penser à Gotham City. La ville de Bad City est filmée comme un vrai personnage à part entière. Qui observe, qui expire de la fumée, comme une respiration.

Le film se rapproche dans l’esthétique de l’expressionnisme allemand, dont le but est de créer une expression du monde, non de le montrer véritablement. La photographie est particulièrement soignée, faisant ressortir les yeux, les émotions, les regards échangés dans un silence. Car la particularité du film est son aspect presque mutique. Dans un contexte où la plupart des fictions, font place aux dialogues, aux bruits, à la musiques, au montage dynamique, ici on peut rester de longues secondes sans une ligne de dialogue, et peu de variations de plans.
Et pourtant, ça a opéré une magie incroyable sur mon ressenti. Comme un apaisement, et un plaisir à savourer des échanges forts à travers des regards et des corps, A girl walks home alone at night s’adresse directement à la sensibilité du spectateur-rice. Ça passe ou ça casse évidemment.

Le noir et blanc est utilisé ici pour appuyer la dimension du rêve. Ainsi, les déplacements, le temps qui passe…tout est suspendu à Bad City. On nous emmène à l’intérieur d’un conte horrifique.

Elle est féministe, radicale, et en colère

J’ai souvent lu que A girl walks home alone at night est un film féministe. Ce n’est pas faux: une héroïne voilée, s’en sert pour déambuler habilement dans les rues et assouvir une vengeance dont on ne connait pas l’origine.
J’y vois une arme, une illustration de la force que le voile peut aussi donner qui est là un outil d’émancipation, de rébellion. C’est également un personnage qui fait plutôt des choix défendant les femmes opprimées. Et puis surtout le titre, A girl walks home alone at night, fait clairement référence à ce que toute femme a entendu comme avertissement: ne pas se promener seule la nuit.
Pour autant, le personnage est ambigu, ses intentions et ce qui l’anime, restent flous. Elle n’est pas une héroïne parfaite, gardant une part animale, liée à son état de vampire.

Une expérience sensorielle

A girl walks home alone at night offre quelques moments bien saignants qui assoit sa volonté d’être dans l’horreur. Ces séquences sont dans la première partie du film. Le reste attise notre curiosité sur le déroule de cette relation naissante entre la vampire et le jeune homme dont on ne peut deviner l’issue.
On pourrait juger une incohérence quant à la réaction du jeune homme à la fin du film. Là encore j’y vois un message on ne peut plus clair: quel que soit le statut de la personne qui commet des actes répréhensibles, la punition est nécessaire.

Sheila Vand dans le rôle de la vampire est hypnotisante. Et Arash Marandi rappelle fortement James Dean. Le couple ne s’embrasse pas une seule fois, et pourtant une tendresse se dégage de ces deux êtres qui sont déboussolés face à leur solitude, et aux mots qui manquent. Une scène à laquelle Ariane Louis Seize rendra hommage dans Vampire humaniste cherche suicidaire consentant.
A girl walks home alone at night symbolise les oppressions faites aux femmes dans un noir et blanc somptueux. Une peinture à chaque image. Une nouvelle héroïne vampire est née.

Pour un premier long, Ana Lily Amirpour livre un film très maitrisé techniquement, avec une vraie proposition de cinéma, et une prise de risque indéniable. Il vous embarquera dans son ambiance onirique, où on peut enfin se poser et profiter de douceur, le tout tranché avec des scènes inquiétantes.