5-L’amour, élixir de la malédiction
L’amour est souvent un enjeu majeur dans les films de loups garou. On le retrouve dans The Curse of Werewolf, Wildling, Blood & Chocolate, Le loup garou de Londres et Paris, When Animals dream, A Werewolf Boy…
En effet, il faut savoir que l‘amour est souvent brandi comme élément de soin, voire remède, au mal du loup garou.
C’est le cas dans The Curse of Werewolf et son reboot/remake Wolfman. Le personnage féminin est accessoire, il n’existe qu’à travers le héros, pour servir le héros.
Dans The Curse of Werewolf, Christina (qui est présentée uniquement comme personnage promis au mariage), souhaite vivre sa liberté amoureuse avec Leon, le loup garou. On ne saura rien de plus sur ses envies, sa personnalité; elle représente le soin.
De la même manière que Gwen dans Wolfman est d’abord femme d’un loup garou qui finira tué, pour s’éprendre de son frère, lui aussi loup garou. Comment, en période de deuil, s’est-elle découverte des sentiments pour le héros, Larry? Mystère. En tous cas, elle représente à nouveau l’unique enjeu du héros loup garou. Je pense ici à un problème de montage, car on sent un personnage qui avait sans doute plus de visibilité.
Le love interest est parfois central, et définit même les personnages.
C’est le cas dans Blood & Chocolate, où l’héroïne mi-humaine mi-louve, attend l’arrivée d’un homme dans sa vie pour s’émanciper. D’ailleurs, la seule fois où l’on verra sa transformation, c’est pour défendre son amoureux. Il est aussi la seule raison pour laquelle elle attaquera ses semblables.
Un schéma similaire s’opère dans Le loup garou de Paris. Serafine, louve garou, est sauvé du suicide par le héros Andy. Par la suite, elle croit l’avoir contaminé, et la règle est que pour conjurer le sort, le contaminé doit manger le coeur du loup garou qui l’a attaqué.
La symbolique est évidente, Andy, loup garou, doit littéralement arracher le coeur de sa dulcinée. A noter que par 2 fois, Sérafine souhaite mourir (de ses blessures, et par suicide). Par 2 fois, Andy sera le sauveur. Pour autant, au lieu d’essayer de se sauver elle même (ou d’exister en dehors de son beau père, les hommes toxiques de son entourage et Andy), elle cherchera systématiquement à sauver son amoureux. En tentant de l’éloigner, en y laissant presque sa vie, voire carrément en essayant de le détendre en posant ses mains sur sa poitrine. Normal.
L’ensemble de ces exemples font fortement référence à ce qu’on appelle le syndrome de l’infirmière.
Par peur de ne pas être aimée, pour soigner une blessure, ou tout simplement parce que le fonctionnement structurel de la société incombe aux femmes de prendre soin des autres (famille, mari, enfants…), beaucoup de femmes cherchent à soigner un mal qui ronge leur compagnon. Au détriment de leur propre vie, envies, besoins.
Le seul exemple où l’amour est le sujet central du film et qui ne correspond pas à ces constats, est le merveilleux Les Bonnes Manières. La 1ère partie évoque un amour entre 2 femmes (qui n’est pas le sujet du film). La 2ème partie montre l‘amour d’une mère pour son enfant physiquement différent d’elle même. Si le film évoque évidemment la marginalité, ce n’est pas sans rappeler les problématiques rencontrées par les mères qui ont un enfant adoptif qui ne leur ressemble pas. La réalisatrice noire Amandine Gay évoque régulièrement ces différences qui ont des conséquences très concrètes au quotidien.
6-Sexualité bestiale
Le loup garou, manifestation concrète de l’animalité de l’humain, est forcément lié à la sexualité. Ce que j’ai toujours trouvé personnellement assez cocasse, mais j’ai évoqué le sujet en introduction, plus haut.
Vous me voyez venir, c’est donc l’occasion de revenir sur le traitement de la sexualité selon le genre du protagoniste!
Ainsi, la femme loup garou dans Hurlements est uniquement là pour tenter le mâle.
Dans Trick n Treat, on a droit à de nombreux gros plans sur les poitrines des louves garou qui se transforment. Grosses poitrines, corps très normés, le tout additionné au fantasmes des costumes…on nage dans une sexualisation à outrance assez ridicule.
A noter que ces 2 exemples renvoient à la dimension de sorcière maléfique, et à leurs danses en pleine nature, comme je le mentionnais en introduction sur les symboles liés à la lune.
On retrouve régulièrement l’illustration du syndrome de l’infirmière
Julie Delpy se dévoue de tout son corps pour détendre le héros dans Le loup garou de Paris.
Et évidemment Ginger Snaps illustre la découverte du corps et de la sexualité, tout en ne sexualisant pas son héroïne (contrairement aux autres exemples).
Il y a évidemment le cas déplorable de La lupa mannara dont j’ai déjà évoqué les problèmes plus haut.
Le loup garou de Paris Treak or Treat Hurlements
Le tabou de montrer des parties génitales masculines est aussi présent dans les films de loups garou. Pas de soucis pour montrer des femmes entièrement nues en revanche.
Il y aussi les cas où la femme est sexualisée à travers le regard masculin. C’est le cas dans Cursed. L’héroïne devient sexuellement attirante pour l’ensemble de la gente masculine.
C’est également la remarque que l’on peut faire dans La Féline (même si ici c’est une panthère et non une louve). Elle dégage une attirance tellement forte, qu’un passant (oui il faut quand même noter qu’il reste un passant!), semble l’aimer (si on peut appeler ça de l’amour), au point de vouloir l’épouser (trop) très vite.
D’ailleurs, cet état chez l’héroïne créé plutôt une peur de la sexualité. A l’aide d’images métaphoriques peu subtiles du cadenas et de la clef (concept de Freud pour symboliser la pénétration), on comprend qu’elle ne sait pas gérer à la fois son état physique, mais aussi les réactions que cela créer sur les hommes (autant son mari, que son docteur). D’ailleurs, la 1ère fois qu’elle tuera, ça sera pour se défendre d’une agression sexuelle.
Dans la comédie My mom is a werewolf, une mère de famille est acculée de charge mentale, et négligée par son mari. Ce besoin d’amour de la part de son mari et de ses enfants, la mène à céder aux avances d’un loup garou. Elle ne sera libérée de rien, car celui-ci veut en fait en faire sa femme. A côté de cela, son nouvel état provoquera des envies sexuelles envers son mari, qui miraculeusement retrouvera un intérêt pour sa femme. Mais sa situation se compliquera, tiraillée entre son mari et le loup garou. D’un statut de femme prisonnière de son foyer, elle passera à une femme coincée entre 2 hommes. Sans compter qu’elle garde les mêmes injonctions classiques sur les femmes (se raser les jambes devient alors un vrai problème!). Alors oui c’est une comédie sans prétention, mais l’élément déclencheur du film qui répond au postulat de base du protagoniste est sensé représenté un basculement, sous la forme du loup garou. Or il n’en est rien. Et rappelez-vous, tout est politique!
Les femmes louves garou chassent rarement leurs proies contrairement aux hommes
Les hommes décuplent leur puissance
Au contraire, cette puissance du loup garou permet aux hommes d’être sexuellement actifs, puissants, et dominants.
Cela leur permet de séduire des femmes beaucoup plus jeunes qu’eux (Wolf), de gagner en popularité et/ou de séduire les femmes (TeenWolf, Cursed, The Curse of Wolfman, A werewolf boy, The Wolfman, La Compagnie des loups).
L’exemple le plus flagrant est dans Cursed. Dans ce (mauvais) film, un personnage masculin et féminin sont transformés en loups garou (même si on ne voit pas de transformation finale). La manière de vivre la transformation est radicalement différente.
L’héroïne en souffrance, se cache dans les toilettes. Pendant que son frère laisse exploser sa nouvelle virilité, qui va enfin lui donner confiance.
Le propos du film (traité de manière superficielle) est de montrer que (presque) tous les hommes sont des bêtes, et donc potentiellement dangereux. C’est intéressant de constater que la réponse à ça, est de placer une antagoniste féminine (qui ne tue que des femmes), qui s’en prend à la protagoniste pour la simple et bonne raison…qu’elle lui a piqué son mec. A un constat systémique patriarcal, on préfère toujours s’en prendre aux femmes.
L’exemple de Werewolf of London (1935) montre un scientifique proche de Frankenstein, qui une fois devenu loup garou, ne s’en prend qu’à des femmes. Mais des femmes qui commettent un péché: celui de circuler seule la nuit, ou d’être la maitresse d’un mari. C’est une projection qu’il fait sur sa propre femme, qui se lie avec un ancien ami, car elle est délaissée par son propre mari. Il finira par s’attaquer à eux, en vain. Il ne fait pas bon d’avoir une sexualité en dehors du mariage...
Dans Bad Moon, le héros voit sa compagne dévorée par un loup garou en plein ébat sexuel. Il devient évidemment loup garou par la suite et chasse. Mais contraint de s’éloigner du lieu où il habitait, il ne trouve rien de mieux que de s’installer dans le jardin de sa soeur, mère célibataire. Il la met curieusement délibérément en danger (tout en l’avertissant!). Lorsqu’elle découvre la vérité, elle se fait insulter copieusement sur fond de remarques teintées de sexisme. Ainsi, tout le film, il maintient un pouvoir sur elle, en menaçant son espace de vie.
Elément intéressant, j’en profite pour noter que l’homme est dépeint comme l’animal dangereux, à travers les yeux du chien de la famille. Le point de vue du chien est d’ailleurs régulièrement utilisé dans le film, ce qui permet de créer une réelle empathie avec lui, en montrant qu’il comprend la situation. C’est assez rare dans le cinéma de genre pour le noter.
Le seul exemple qui me semble contrecarrer ces constats, c’est le protagoniste de Teddy. Sa transformation en loup garou vient plutôt anéantir ce qu’il avait (ses interactions balbutiantes les gens du village, sa copine, ses projets), et aggrave sa situation. Et s’il opère une vengeance à la Carrie, il épargne celle qui lui a brisé le coeur.
A noter que les femmes louves garou deviennent rarement prédatrices. Ginger dans Ginger Snaps défend son territoire plus qu’elle ne chasse, Marie dans When Animals Dream riposte, Lisa dans I Am Lisa se venge de ses agresseuses. Dans La Féline il s’agit de surveiller mari et maîtresse, et dans La Compagnie des Loups elle n’a l’occasion d’attaquer personne.
Il n’y a que dans Cursed, où l’antagoniste chasse des rivales.
Alors que dans Bad Moon, Werewolf of London, Le loup garou de Londres, The Curse of Werewolf, The Wolfman, Wolf, Blood Moon…les hommes chassent avec une raison plus ou moins en tête.
Dans les 2 cas, on constate qu’il ne fait pas bon d’être loup garou, car l’issue sera souvent fatale. La part concrète animale de l’Homme ne semble pas avoir sa place!
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