La figure du vampire est intéressante pour aborder plein de sujets. Ils peuvent être profondément humains et surtout ancrés dans l’époque actuelle, avec un décalage évidemment. J’adore créer des personnages d’adolescents car ils vivent tout, plus intensément. Et ce qui est intéressant dans le mariage du vampire et de l’ado, c’est que le vampire on le voit comme une figure dangereuse avec l’aspect sexuel, sensuel. Je trouvais ça amusant d’imaginer un vampire mal dans sa peau, comme on peut l’être ado, parler des premières fois…
J’avais jamais vu un vampire maladroit. J’ai aussi fait le parallèle entre la mort et la sexualité (la morsure qui symbolise une 1ère fois), mais d’une autre façon je pense. C’est plus dans le malaise et dans le mal être. Je voulais une vampire qui se cherche. Sasha est une adolescente normale, mais avec le fardeau de devoir tuer. Elle fait cohabiter son coté humaniste et le fait d’être obligée de tuer pour survivre. Ces deux parts d’elle-même permettent des situations riches en conflit et en situation absurdes et cocasses.

Il a trouvé un sentiment d’appartenance, alors qu’il ne connait que l’environnement du lycée et du petit boulot, qui sont une jungle. On a travaillé le personnage de Paul comme une personne neuro divergente. Ce sont des personnes qui ne comprennent pas la manière de fonctionner des autres, qui sont dans une logique analytique en termes de réflexes et d’attitudes, pas forcément compréhensibles pour les autres. Il se sent complètement seul. Son envie de mourir n’est pas forcément reliée au fait qu’il est harcelé. C’est plus qu’il n’a aucune attache dans le monde, donc il se dit qu’il allait trouver un sens à sa mort en donnant sa vie à Sasha.
Le sujet du suicide est complexe. On ne voulait pas le réduire à  » il suffit de se trouver un ami « . L’idée d’aborder le suicide était d’ouvrir un dialogue sans apporter de solutions.

C’était assez instinctif. On a essayé de ne pas trop intellectualiser le sujet car, après, ça peut enlever un élan au film. On voulait que Paul soit décomplexé à la mort, et que ça chamboule Sasha, qui était persuadée que les humains ne veulent pas mourir. D’après Paul, les humains ont peur de souffrir et d’être seuls.
L’idée était de parler plutôt de la vie que de la mort. Mais on a quand même fait lire le scénario à des organismes de prévention contre le suicide, pour voir s’il y avait des angles morts qu’on n’avait pas vu, et si on lançait un message. Il y avait quelque chose qui n’allait pas à l’encontre de ce qu’on voulait dire. Les retours ont été hyper positifs. Ça reste un film super lumineux et tendre. Beaucoup de familles vont voir le film et je me fais beaucoup remercier par des jeunes qui sont passés par là. Ils sont contents de voir un film qui parle de suicide, sans le côté moralisateur. Il ouvre un dialogue sans vouloir apporter de réponses. Ne pas parler d’un sujet tabou, cela fait plus mal. L’envie de mourir est souvent un état passager. C’est une solution radicale à un état de passage, surtout à l’adolescence. C’est une solution radicale à un état de passage; surtout à l’adolescence.

J’avais adoré Grave de Julia Ducournau, avec ce personnage d’adolescente qui se découvre dans cette école. Il y avait vraiment quelque chose de viscéral.
Après, mes films de référénce n’était pas forcément dans le cinéma de genre. J’avais des inspirations de film coming of age, Juno ou Little miss sunshine. J’aime les personnages qui ne rentrent pas dans le moule et qui sont plein de contradictions.
Dans les films de vampire, il y a A girl walks home at night (dont la scène avec la musique est un hommage). Sinon, il y a Under the skin où, j’ai été bouleversée par ce personnage qui commence à ressentir des émotions, et qui continue à chercher à ressentir ces émotions. On comprend tout, sans presque aucun dialogue (il y a aussi une scène hommage, quand Sasha essaye de manger une poutine vs Scarlett qui mange un gâteau).
Only lovers left alive également, car j’adore la mélancolie du film, avec cette jeunesse qui se cherche en banlieue. Le look des vampire est hyper pertinent. Ce n’est pas une figure typique de vampire mais ils ont quand même l’air étrange et décalés. J’aime aussi beaucoup les décors de ce film.

Effectivement, chez les parents, il s’agit d’un cocon de vampire, très chargé. Le temps a passé et il y a des reliques. Mais ça reste une maison très chaleureuse, du moins en tant que vampire !
Chez la cousine, avec la cuisine et les crochets, c’est plus industriel, froid. C’est fait pour tuer. Et ça met évidemment Sasha dans un inconfort, et une autre posture.
Il y a aussi quelque chose de plus bohème.

On a ressorti des palettes de films de vampire car, on voulait puiser dans les codes et l’imaginaire. Le rouge, vert et ocre, marquent nettement les vampires. Dans le monde des humains, on essayait d’éviter ces couleurs et d’aller vers les bleus. On gardait des couleurs plus chaudes et sanguines pour le monde des vampires.

Je connaissais Sara de Falcon Lake et de Maria Chapdelaine et je trouve qu’elle a quelque chose de très singulier et mystérieux. Elle pourrait avoir une vieille âme. Mais je l’ai quand même passée en audition avec d’autres filles car, je voulais évidemment voir si le feeling passait, et voir si elle était drôle. Elle n’avait jamais joué de comédie et j’ai découvert un sens de l’humour très surprenant, précis, dans les détails, qui se fondait totalement à mon univers.
Félix Antoine est arrivé à une proposition où il le voyait neuro divergeant (alors qu’on n’avait jamais communiqué dessus).
Je les ai donc rappelé ensemble. On aurait dit deux petits animaux étranges, et c’était hyper touchant. Mignon mais malaisant. Donc, pour moi, aucun autre choix n’était possible. Ils m’ont dit, après coup, qu’en audition, ils n ‘avaient pas du tout trouvé que ça fonctionnait entre eux !
En amont ,on a énormément travaillé ; des journées entières. Il y a avait un vrai timing à avoir, avec des ruptures de tons. Ça a été hyper facile de travailler avec eux. C’étaient des jeunes acteurs très investis, qui osent poser des questions. Ils aiment beaucoup leurs personnages.
Après, sur le tournage, on avait peu de temps. Sur certaines scènes de dialogues, si on n’avait pas autant travaillé en amont. On aurait pu se planter sur des scènes.

Par l’humour, les spectateurs sont plus relax, ouverts, à ce qu’on aborde sur des sujets qui peuvent être difficiles. L’humour peut désamorcer beaucoup de choses.
Je venais aussi d’écrire un long métrage très lourd émotionnellement, très dramatique. Mais je me suis dit que ce film ne me ressemble plus, et je savais plus trop pourquoi je l’avais écrit. Du coup, j’avais envie de m’amuser. J’ai donc appelé une amie qui a un univers plus drôle que le mien, et on a mélangé nos univers. On a écrit le film pendant le covid sur zoom et on a adoré joué nos personnages.
On voulait faire un film lumineux sur la mort.
Les films qui me touchent le plus sont ceux qui me font passer du rire aux larmes aussi.

Je déteste les bons et les méchants. Chaque personnage du film a été travaillé en nuance. On voulait un père cool, possiblement pas un grand chasseur et une mère prise entre la doyenne de la famille ultra conservatrice et son mari. Mais les deux ont de bonnes intentions.
J’ai beaucoup travaillé le langage corporel avec eux. Ils ne bougent jamais en parlant. Ce n’est pas très apparent, mais le fait de découper comme ça, ça amène un décalage. Ils bougent aussi souvent en même temps.
Pour la cousine, pour moi elle voit à travers l’âme des gens, elle veut juste que sa cousine sorte de son mutisme et se déploie comme vampire. Ils sont tous bien intentionnés.
Mais les personnages plus caricaturaux comme le prof de gym très colérique, on apportait une nuance en se disant que sa façon d’essayer de gérer sa colère était de tricoter des pantoufles. Cela apportait une touche de décalage.
Les acteurs ont un capital de sympathie et très forts dans l’humour pince sans rire.

C’est sûr que c’est épuisant. Déjà on avait 47 lieux et ca se passe de nuit, donc beaucoup d’extérieur. Ce sont des conditions difficiles. Quand on a commencé le tournage on avait que 7 lieux sur 47 donc c’est un boulet qu’on s’est transporté tout du long.
Il faudrait que cette partie là soit plus cadrée la prochaine fois car c’est énergivore. On travaillait tous les jours ou presque.
Je me suis hyper bien entourée, j’avais confiance en mon équipe, et je sentais qu’ils avaient confiance en moi. Du coup c’était assez facile de prendre des décisions.

Par contre, j’ai commencé le film complètement à plat, et ça j’essaierai de faire différemment. Comme on a eu le financement très rapide du coup on a dû se mettre au travail rapidement et je n’ai pas assez fait attention à moi (pas assez dormi, mangé correctement…). A chaque soirée de tournage, je regardais les rushs de la veille (ndlr: ce qui a été tourné), et j’étais tellement contente de ce qu’on était en train de faire. Mon monteur, Stéphane a un humour qui ressemble au mien, et a plus d’expériences que moi donc son avis est très précieux pour moi. Il me faisait constamment des retours ce qui me permettait d’ajuster, donc je voyais que le film allait fonctionner.

C’est un peu la même situation au Québec, mais comme en France, j’ai l’impression que les lignes bougent. La palme d’or de Julia Ducournau a ouvert sans doute la voie. Parfois le cinéma de genre peut avoir des personnages moins bien développés et du coup on peut avoir des préjugés là dessus.
Je trouve ça encourageant ce qui se passe, et les réalisatrices/réalisateurs s’intéressent plus à ce cinéma là. Je ne pourrais pas expliquer pourquoi le film a été financé facilement, mais je crois que les gens ont adoré les personnages qui ont quelque chose de très tendre. Les gens qui le lisaient voulaient voir le film en fait !