Un festival d’horreur féministe avec uniquement des films réalisés par des femmes? Un concept évidemment pour le blog ! Mais comme ce n’est pas en France qu’on pourra en trouver un tout de suite, direction Berlin pour y assister.
Petit bilan de notre passage pour cette 8e édition au Final Girls Berlin Film Festival et compte rendu de notre atelier danse du sabbat.
Jeanne, 2e rédactrice du blog, était déjà allée 2 fois au Final Girls Berlin Film Festival, et avait rédigé des articles sur son passage.
Cette année nous sommes donc allées à 2 et c’est avec un grand plaisir que j’ai découvert ce tout petit festival méconnu même à Berlin. Cultivant son côté underground, le festival programme l’ensemble des séances se déroulent dans le même petit cinéma de quartier, le City Kino.
Une ambiance en toute s’horrorité
Le festival a clairement une démarche féministe. Par sa programmation évidemment, mais aussi par son staff lui même. Créé par des femmes, l’équipe est également intégralement féminine.
Par ailleurs, toutes les conférences s’assument pleinement comme féministes. Là où en France, les intitulés de conférence tournent souvent autour du pot à base de « le wokisme existe-il vraiment? » ou « les rôles féminins ont-ils changés après #metoo? », ici on ne se pose pas la question. Ainsi, on parle de « sexualité dissidente dans le cinéma d’horreur mexicain » ou encore de l’âgisme et de la représentation des vieilles femmes dans le cinéma de genre, ou encore la différence entre les rape and revenge réalisés par les hommes et les femmes.
On retrouve la même ambiance avec un atelier de danse du sabbat et un autre de self defense où l’on apprend à maitriser du zombie agressif (ou des hommes).
Une programmation féministe?
Maintenant est-ce que les films de la programmation sont féministes? Evidemment que non. Certains utilisent toujours les mêmes clichés sexistes, d’autres proposent de nouvelles représentations mais avec un message qui laisse à désirer. On ne le dira jamais assez, non seulement une femme n’est pas forcément féministe (Catherine Deneuve et Maiwenn vous le diront), mais même si elle l’est, nous sommes tous et toutes emprunt-es de constructions patriarcales dont il n’est pas facile de se défaire.
Dans tous les cas, c’est une démarche on ne peut plus nécessaire de visibiliser le travail de femmes ou de personnes non binaires, qui méritent autant que les hommes de voir leur travail diffusé.
Car il est intéressant d’observer que si tous les films ne parlent pas nécessairement de problèmes spécifiques aux femmes (même si cela revient souvent), tous les personnages principaux sont des femmes. Blanches en majorité, mais il y a également beaucoup de femmes racisées. Les hommes n’existent quasiment pas et quand ils sont là, les personnages sont dépeints comme mauvais, ou négligés par le scénario. C’est sans doute là, un élément regrettable car il y aurait beaucoup à dire sur le rôle des hommes dans la vie des femmes en toute complexité.
Mais, avec tous ces films présentés, une palette riche et nuancée de personnages féminins principaux émerge forcément, quelle que soit la qualité des films. Et rien que pour cela, c’est un vrai bénéfice qu’un tel festival existe.
Encore plus de visibilité !
Un prix du public est communiqué quelques jours après le festival pour les courts métrages. Il y a un gagnant par thématique de courts. Ce qui est un peu juste à mon sens, surtout quand le but est de mettre en lumière le travail des femmes.
Le festival n’a pas de jury et aucun long n’est récompensé. Cela ne permet pas d’avoir un minimum de communication sur des longs ou courts métrages, et surtout sur leurs réalisatrices. Sans parler d’un « vrai » jury classique comme sur la plupart des festivals, avoir une séance de remise de quelques prix permettrait de célébrer à la fois la démarche du festival et le travail de femmes.
La danse du sabbat
Qui dit festival de films d’horreur féministes dit sorcières !
Le festival proposait un atelier de danse du sabbat, emblématique rituel attribué aux sorcières.
Nous étions une quinzaine de personnes a assisté à l’atelier, dans une petite salle, sans chaises. Il était animé par Carrie Mcilwain, performeuse et danseuse.
Nous avons démarré par une rapide présentation en précisant nos attentes quant à l’atelier, puis l’animatrice a diffusé des extraits des films qui mettent en scène un sabbat.
Ainsi, il a été projeté le rituel dans le sous estimé Lord of salem de Rob Zombie, la danse agressive de dernière lutte dans les Sorcières d’Akelarre, et le final de The Witch.
L’idée était de commenter les extraits, en précisant les différences entre les mouvements, les protagonistes, et le but recherché.
Par exemple, dans Lord of salem il est question de vieilles femmes nues qui rient de leurs pouvoirs, avec un corps statiques et des membres qui bougent.
Dans les Sorcières d’Akelarre, la sororité est davantage présente, car les jeunes filles font bloc pour défier les institutions religieuses. Les corps sont ancrés dans le sol, avec une démarche primitive.
Quant à The Witch on est dans une forme d’aboutissement qui amène à une certaine élévation des corps vers les cieux.
Ensuite, place à l’action ! Nous avons fait des exercices simples pour bouger corps, bras, jambes. Puis, elle nous a demandé de circuler de manière rapide à travers la pièce en évitant de se cogner les unes aux autres. Une fois de manière naturelle, une autre fois en fixant quelqu’un du regard. Très étrange !
La 2e partie s’est avérée plus compliquée car nous devions nous mettre en groupe de 2 ou 3, et fonctionner en miroir. L’une était leadeuse et devait effectuer des mouvements divers, quand l’autre devait reproduire ces mouvements.
Pour la dernière partie, nous étions en cercle, debout, en nous tenant la main. On comptait pour se regrouper vers le centre, puis se décentrer.
Nous devions tourner, faire des bruits, toutes ensembles.
C’était une expérience de sororité très bénéfique qui a reboosté. C’est la partie que j’ai préféré car on sent véritablement la force du collectif. Etre en face à face avec des personnes inconnues me met déjà beaucoup moins à l’aise…
Final Cut Film Festival
Le final girls berlin FF est un petit festival qui mérite qu’on s’y intéresse, surtout pour la démarche très politique assumée.
Cela permet de découvrir des réalisatrices dont on peine à voir le travail par ailleurs.
C’est un petite bulle safe qui fait du bien, dans un pays où on peut tranquillement prendre l’apéro en salle, sans débordement.
Le public est très respectueux que ça soit en salle ou dans les espaces communs.
Cela manque peut être un peu de fun, de délires entre cinéphiles de genres.
Ne manquez pas d’y faire un tour si vous avez l’occasion !
Vous trouverez des articles consacrés:
- aux courts métrages,
- à la conférence sur la représentation du rape and revenge par les réalisateurs/réalisatrices,
- à la conférence sur la hagsploitation (l’âgisme dans le cinéma de genre),
- aux longs métrages: Huesera et Watcher,
- à l’interview de Kam Duv, réalisatrice du court métrage Unes.