séries angoisses société

Si certains sujets de tensions politiques et sociales sont encore considérés comme risqués dans un système de production qui favorise les séries «détente» (très jolies visuellement mais qui ne prend aucun parti dans le fond), il existe tout de même quelques productions qui proposent de s’y confronter. Ces mini séries prennent le parti de nous faire réfléchir sur des sujets aux rouages complexes qui touchent une partie de la population, comme la systémisation du racisme, les violences intra familiales, le réchauffement climatique, les dérives du capitalisme etc.

Généralement, le scénario de ces mini séries va essayer de décortiquer une problématique qui peut toucher des minorités d’individus, pour construire sur une dizaine d’épisodes le propos, de manière la plus intelligible possible pour un maximum de personnes. Et le travail de mise en scène va permettre de créer de l’empathie avec les personnages. Cela qui agit comme un autre vecteur pour porter le message. 

Voici une petit liste de mini séries qui vont flirter avec votre dégoût pour la société. Enjoy !

Dead set 📺 (2008) : la surconsommation

Une apocalypse zombies éclate alors que des participants sont encore enfermés sur le plateau de Loft Story (Big Brother en VO).
Dead set est une comédie satirique qui partage avec Black mirror une vision nihiliste de la société, en l’occurrence la société des années 2000, qui précède notre ère d’uber digitalisation. 

Cette mini série est un prétexte pour parler des changements de mentalité qui s’opèrent dans la culture populaire des années 2000 à travers la télévision. La télé-réalité est un nouveau format d’émission qui normalise la consommation de «personnalités» rendues publiques. Ces nouveaux dogmes marquent un changement des habitudes de consommation, et le début de la mainstreamisation des «influenceurs». Dead Set dénonce la prolifération de gens superficiels en quête de célébrité, exploitant le voyeurisme morbide des téléspectateurs et fans pour le profit.

Utopia UK 🐰 (2013-2014) : l’avenir de l’humanité

Des membres d’un forum de discussion se rencontrer pour élaborer des théories sur un mystérieux roman graphique supposé prédire la fin du monde. Les protagonistes vont se retrouver en cavale et recherchés par une organisation secrète qui veut aussi retrouver le roman. La mise en scène est fortement inspirée des codes de la BD, pour illustrer un propos écolo-nihiliste sur l’avenir de la planète. 

La photographie ainsi que la bande son composée par Christobal Tapia De Veer (The white lotus), mettent en avant la psychose et la violence de notre société et appuient les enjeux écologiques. L’ambiance huis clos et surréaliste fait penser à la nouvelle série Severance qui challenge avec la même intensité visuelle notre rapport au travail. Utopia à eu le droit à un remake américain (sans intérêt).

Maniac 💊 (2018) : la santé mentale

Maniac est une série dramatique créée par Cary Joji Fukunaga, le réalisateur qui nous avait offert la première (et meilleur saison) de True detective. 

L’intrigue se déroule en huis clos à l’esthétique rétro futuriste et psychédélique dans laquelle Emma Stone et Jonah Hill décident de participer à un essai pharmaceutique mené par un super-ordinateur avec une IA de scientifique. Ils vont se soumettre à une série de médicaments et d’expériences virtuelles promettant de réparer leur esprit. 

Cette série Netflix explore le concept verbalisé dans le film Arizona Dream : «deux perdus ça fait pas un trouvé». La série touche à des sujets comme les angoisses, la tristesse, le sentiment d’inadéquation, la personnalité borderline, la schizophrénie. 

Sharp objects 🏚️ (2018) : le trauma familial

« Un enfant sevré de poison considère la douleur comme un réconfort »… Sous prétexte d’enquête policière ce thriller dramatique nous parle de sujets tabous comme le poids de l’héritage familial et le cycle de la maltraitance transmises de mères en filles. Comment une enfance passée dans un environnement malsain et agrémenté de quelques agressions extra-familiales peuvent briser une personne? Que faire de toute cette rage ? Perpétuer le cycle de la violence sur les autres ou perpétuer cette violence sur soi-même ? 

La mise en scène est brillante, c’est un millefeuille mental et visuel qui à travers le montage permet une empathie avec un personnage borderline, parfaitement interprété par Amy Adams. Les dialogues sont redoutables et la musique tient aussi une place importante dans la série.

Si vous appréciez la série ou que vous aimez le genre familly horror, je vous invite à regarder Big little lies !

Unbelivable 💔 (2019) : la culture du viol

Le propos de ce drame policier tombe à pic dans le climat post metoo, puisqu’il dénonce le cliché de la victime parfaite. Aujourd’hui encore il y a cette épée de Damoclès au dessus de la tête des femmes : quand tu as été agressée ou violée, vas-tu oser porter plainte si tu avais bu ? Si tu était en tenue courte? Si tu es grosse ? Si tu as une réputation un peu frivole ? Pour qu’une femme soit crue il faut qu’elle soit une victime parfaite, une sainte nitouche qui subi l’assaut d’un homme sauvage et violent. Or, on sait que la majorité des viols ne se déroulent pas comme ça. 

Dans cette histoire une jeune femme va porter plainte mais les enquêteurs ne la croient pas. Parce que c’est pas une victime parfaite, son propos n’est pas cohérent, elle ne se rappelle pas de tout, elle n’a pas raconté une histoire classique. La série dénonce aussi la police masculiniste et que ces hommes sont eux aussi très violents, envers les suspects mais aussi envers leurs propres épouses. Heureusement la merveilleuse Toni Colette va mener l’enquête pour aider les victimes.

L’effondrement 🛢️ (2019) : l’avenir de la planète

Cette web série créée par le collectif Les Parasites et produite par Canal+ montre les derniers jours de la civilisation telle qu’on la connait. Les ressources sont épuisées, les rayons de supermarchés sont vides, les riches ont pris ce qu’ils pouvaient, il n’y a plus de pétrole, plus d’électricité, plus de solidarité. On assiste au fur et à mesure des épisodes à une lutte pour la survie.

On ne peut pas vraiment parler de série de science-fiction, alors que les signes précurseurs établis dans le scénario sont en train d’arriver dans la réalité(pénuries d’eau, diminution des carburants fossiles, catastrophes écologiques, incapacité des COP à appliquer un consensus de transition écologique mondial, etc).
C’est plutôt une fiction d’anticipation politique dont le postulat est ancré dans notre réalité. On est pile dans les problématiques de développement durable : les questions écologiques sont liées à l’économie et donc aux classes sociales. 

Les épisodes sont très bien réalisés et souvent filmés en plan séquence ce qui nous immerge totalement. Et bonne nouvelle, c’est disponible sur Youtube. 

Lovecraft Country 👾 (2020) : le racisme générationnel 

Cette série fantastique n’est pas inspirée directement d’une histoire de H.P Lovecraft mais du recueil de nouvelles Lovecraft country de Matt Ruff.
Il fait un parallèle entre la ségrégation raciale et l’oeuvre de Lovecraft qui était lui même un bon gros raciste*. L’intrigue se déroule dans le climat racial tendu des années 50. Les protagonistes se lancent dans une chasse au trésor et vont croiser sur leur chemin sorciers, magie noire et monstres. 

On retrouve dans la série de multiples dénonciations historiques comme les «racial covenants», quartiers où les personnes de couleur n’étaient pas tolérées, et victimes de violences. Ainsi que le Green book un guide de voyage qui permettait aux afro-américains de voyager de manière plus sure en indiquant les établissements qu’ils pouvaient fréquenter.

La bande son appuie le propos par le choix de prendre exclusivement des artistes noirs de soul et de blues (Etta James, Nina Simone, B.B King, Ma Reiney) et de rap (Moses Sumney, Leikeli47, Leon Bridges, Rihanna).

Playlist : https://www.youtube.com/watch?v=IkX3XUTKlKc&list=OLAK5uy_njeWXqC0FGZaCmN6b_IB8d6KT48WV274k

*Bonus : ce quizz «Qui est le plus raciste : Hitler ou Lovecraf ?» http://www.beesgo.biz/horp.html#

Them 🏠 (2021) : le racisme systémique

Them est une série horrifique qui se déroule dans les années 50. Une famille afro-américaine aménage à Compton en Californie, dans un quartier exclusivement blanc faisant anciennement partie des «racial covenants», dont j’avais déjà parlé dans la critique de People Under the Stairs. Comme dans Lovecraf country ils sont victimes d’intimidation et de violences de la part de leurs voisins blancs. 

Les effets horrifiques puisent leurs racines dans les événements historiques ayant causé beaucoup de souffrance à la communauté afro-américaine comme le black face, le «negro dansant», le standard de beauté d’avoir la peau claire, les tests de gaz moutarde sur les soldats de couleur etc.

La production est qualitative mais à la limite du plagiat des productions de Joran Peele.
La tension est bien maitrisée, on a peu de moments de respiration, et les moments horrifiques sont intenses. Les acteurs portent leur rôle avec tallent et conviction. C’est un bon produit. MAIS il comporte dans son scénario des problèmes de représentation à la limite de l’exploitation de la souffrance noire. D’ailleurs la série divise. 

Pam & Tommy 📼 (2022) : le revenge porn 

On peut lire un peu partout que c’est une série «pop» qui retrace les événements «torrides et rock’n’roll» de l’affaire de la sex tape volée de Pamela Anderson. Mais on peut y voir un côté voyeuriste qui exploite une tragédie personnelle, non pas pour dénoncer vraiment quelque chose mais pour le profit, car en réalité cette série a été lancée sans l’accord de Pamela Anderson.  

Ce qu’il faut retenir de la série, c’est que Pamela Anderson a subi une haine sexiste de quasiment tout le monde, alors qu’une partie de sa vie privée lui a été volée et rendue publique. On la rabaissait constamment à son rôle de bimbo, car elle vendait son image professionnellement. Le public n’étant pas intéressé par ce qu’elle avait à dire, elle était privée d’un espace publique safe pour s’exprimer. Alors que Tommy Lee n’a jamais été attaqué, au contraire on l’a félicité d’avoir un gros penis.

La série met en avant une relation « sulfureuse » et c’est problématique car on minimise les violences conjugales causées par Tommy Lee. La violence des coups portés n’est jamais abordée, on voit tout au plus 1 bleu sur l’actrice mais sans confronter le sujet. De plus on omet complètent sa grossesse et le fait quelle était jeune maman au moment des faits, peut être pour la sexualiser encore plus.

Inventing Anna 🤑 (2022) : le capitalisme

Basée sur des faits réels, la série revient sur l’ascension et la chute d’une jeune femme qui s’est fait passer pour une riche héritière et a réussi à escroquer plusieurs milliardaires et grandes banques Américaines avant de se faire chopper et condamner.

Le propos intéressant de la série est représenté à travers une journaliste qui veut montrer que le système est fait pour les riches : les banques vont aider les riches à être encore plus riche en leur débloquant de grosse sommes. Le système encourage la prospection financière en attribuant des bonus et des promotions aux employés qui arrivent à signer des milliardaires. Les petits clients ne les intéressent pas, alors que c’est de plus en plus compliqué pour une famille pauvre de faire un crédit pour une maison décente, les études se remboursent sur toute une vie, le coût de la vie augmente mais pas les salaires.

Il y a selon moi un problème dans la glamourisation des 1% et des codes du luxe, poussant les gens dans une course impossible pour avoir l’impression d’avoir réussi. Cette mentalité du «Fake it t’ill you make it» (Inventing Anna) et de «l’entreprenariat néo libéral» (Fire festival) est une diversion qui fait croire aux gens qu’ils pourront atteindre une vie de bonheur à travers des artifices consuméristes, en occultant les problèmes de pauvreté. 

La meilleur version de moi même 🙃 (2022) : le développement personnel et le narcissisme

Le scénario est co-écrit par Blanche Gardin, experte dans l’humour cynique, l’auto dérision et la critique sociale. Et Noé Debré qui avait déjà scénarisé avec elle le film Problemos d’Eric Judor.

Ce mockumentaire aurait pu être un épisodes de Streap tease qui aurait mal tourné. On assiste à une sorte de descente aux enfers cheloue d’une comédienne qui a décidé d’arrêter de faire rire pour se remplir à la place de dogmes et de vocabulaire empruntés à des tendances « bien être ».

La série dénonce les paradoxes d’une société autocentrée en caricaturant les «féministes» qui descendent les autres femmes, les gens nostalgiques d’un passé « plus naturel » influencés par les réseaux sociaux, les marchands de développement personnel qui sont plus intéressés par l’argent que de votre bien être (et sous ce prisme les dérives sectaires). La critique très fine mais pas méchante car il aussi du bon chez les personnages. Ce que j’ai trouvé intéressant dans la série c’est que le propos n’est pas manichéen, plus le personnage devient extrême plus ça devient absurde, mais on développe quand même de l’empathie. 

Bon visionnage !