Bad moms
Il y a également une panoplie de représentations de la mère dans le cinéma d’horreur. La vidéo de Vidéodrome à ce sujet résume les différents portraits de mère. Je ne développerai pas plus car la vidéo est assez claire sur les concepts.
Les actions des mères sont donc souvent liées à leurs enfants ou leur famille. Ce qui est une évidence dit comme ça, pourtant quelques exemples viennent diversifier cette représentation.
Par exemple dans le très bon mais empreint de culture du viol Boulevard de la Mort, le personnage joué par Rosario Dawson est mère. Mais on ne voit jamais ses enfants, elle exprime simplement le fait qu’elle a besoin de s’amuser un peu.
Je retrouve la même idée dans Relic. Ce sont 3 femmes de 3 générations, dont 2 sont mères. Et leurs actions ne sont pas en lien avec ce statut, mais avec le fait de faire face à un problème universel de liens familiaux et de déchéance.
Les actions des mères ne devraient pas être définies uniquement en réaction à une atteinte à leurs enfants, ou famille.
Dans Us, film d’horreur à multiples lectures, Adélaïde est mère certes, mais son combat est intérieur, tout comme le reste de sa famille. Finalement, s’ils font équipe en famille, ils font bien face à un combat intérieur, face à eux même. Ou d’une partie reniée de la société, tout dépend de quelle lecture du film il est question.
Le film de loup garou, Les Bonnes Manières, présentent à la fois un couple lesbien, mais aussi une femme noire qui se retrouve par la suite, mère célibataire. Ce film montre les barrières territoriales des différentes classes sociales, et des discriminations qui en découlent. La mère bien qu’appartenant à la classe ouvrière, n’est pas dépeinte comme misérable. Elle est contrainte de protéger son enfant, dont la condition n’est pas compatible avec une libre circulation dans le monde dans lequel ils vivent. C’est vrai aussi que son personnage a des allures de mère courage, cependant elle s’approche plus de réalité de beaucoup de femmes.
7-Elles se démarquent
Même si les femmes agissent en réaction à une agression ou une domination, on peut aussi noter des personnages qui se différencient.
Vengeance, oui mais
Je pense à La Mariée était en Noir. Le traitement de cette femme vengeresse dont le mari a été tué le jour de son mariage est particulièrement intéressant (et pour une fois le concept de la « femme dans le frigo » est inversé). Elle n’est pas une guerrière mais parvient à éliminer un à un les malencontreux meurtriers. Elle use de stratagèmes, d’analyses de son environnement et les hommes sont ridiculisés en cédant à leurs réflexes masculins. En préférant laisser l’intendance de leur foyer à une inconnue, et évidemment en étant attiré par elle. Le personnage féminin est discret, mais reste imposant.
Si 3 billboards se base sur un principe de rape & revenge, et est un cas à part. C’est un personnage féminin qui reprend les codes du masculin, tout en n’étant pas véritablement guerrière. De plus, on oscille constamment entre empathie pour le drame qu’elle a vécu et sa quête (sa fille a été violée et tuée, et le meurtrier n’est pas recherché), et agacement. A la recherche de justice, elle manque parfois de logique et d’altruisme. Et c’est toute la réussite du personnage à mon sens. Vivre la perte d’un enfant, dans ces conditions, en constatant l’incompétence des forces policières peut engendrer confusions et paradoxes.
Une vraie sororité
Le personnage féminin dans Wedding Nightmare est une fraîche mariée qui devra survivra à sa toute nouvelle belle famille en proie à une malédiction. Elle devra affronter un système patriarcal et religieux, deux éléments qui donnent une dimension plus universelle quant à la domination que subissent les femmes. Je vous laisse apprécier la vidéo de Demoiselles d’Horreur qui développe ce sujet.
Dans Assassination Nation, 4 adolescentes se rebellent contre la culture du viol et le cyberharcèlement. Le final, on ne peut plus jouissif, fait le bilan global des principes de domination, et appelle à une sororité pour mener la lutte ensemble.
Par ailleurs c’est un des rares films (même en dehors du cinéma de genre), qu’une femme transgenre existe en tant que personnage en dehors de cette identité, avec un vrai background qui y fait référence, sans l’occulter non plus. Et interprété par une personne concernée, Hari Nef. Ca change tout dans la manière de jouer, de penser le personnage.
Helen de Candyman mène une enquête sur la légende du croquemitaine, avec en fond, des thématiques sur le racisme et le sexisme. Elle agit d’abord parce qu’elle a besoin de faire ses preuves, dans un système professionnel patriarcat qui ne la prend pas au sérieux.
Dans Planète Terreur, Cherry se retrouve amputée d’une jambe, qu’elle remplacera par une arme. Un handicap transformé en force donc. Et si le personnage est sexualisé à outrance, elle agit dans l’intérêt du groupe, pour résister à ce monde apocalyptique.
A good woman is hard to find brosse le portrait d’une jeune veuve mère célibataire, acculée par la charge mentale et la pression sociale. Elle est piégée par un dealer, mais arrivée au bout de ce qu’elle peut supporter, se défend. Sa légitime défense aboutira sur une opportunité de vengeance, sans qu’elle ne l’ait réellement cherché. C’est un film émouvant, qui pointe des micros oppressions quotidiennes, qui semblent anodines, mais qui sont de réelles violences. Il y a là aussi, une dimension universelle.
L’exemple de The House of Sorority Row est intéressant. On est dans une ironie dramatique. C’est à dire qu’on en sait plus que les héroïnes sur le background d’un personnage central. Pourtant, la mise en scène ne cesse de nous amener sur une fausse piste, et on finit par mordre à l’hameçon (en tous cas ça a été mon cas, tant l’idée d’une vieille serial killeuse me plaisait!). Parallèlement, les héroïnes sont aussi sur une autre fausse piste. Ce qui créé un véritable empathie avec cette sororité.
Les victimes sont principalement des jeunes femmes et cette fois, ce sont les hommes qui sont tués sans raison. Ils sont d’ailleurs quasi absents et inutiles. On assiste à deux générations de femmes en opposition, qui ne se comprennent pas.
Dommage que le film propose une énième histoire de fils difforme, adoré par sa mère.
L’excellent Run a comme héroïne une adolescente handicapée moteur. Elle est à la fois indépendante et inévitablement vulnérable, mais utilise toute sa logique et son esprit astucieux pour se débarrasser d’une mère pathologique. Grâce à une mise en scène soignée et un montage carré, une simple maison devient un terrain remplit d’obstacles, dès lors qu’une personne valide en décide. Une belle métaphore de notre société validiste.
Je regrette le rebondissement final, qui en plus d’être de trop, semble faire dire au film qu’une mère biologique ne commet pas d’actes aussi horribles. Que ce n’est l’affaire que d’une femme devenue folle après la perte de son bébé. Pourtant l’affaire Gypsie Rose l’a bien prouvé.
Par ailleurs, j’ai été frappée par cette mise en scène qui sonne juste dans les moments de tension. J’avais la sensation d’une nouveauté dans la manière de représenter ce handicap. Et il se trouve que l’actrice principale, Kiera Allen, est une personne concernée par le handicap. Je ne répéterai jamais assez qu’il est capital de laisser de la place pour les personnes concernées qui ont le pouvoir de renouveler les histoires et les représentations.
C’est un 1er rôle pour l’actrice qui ne manque pas de rappeler en interview qu’une personne handicapée ne doit pas être définie par cela. C’est tout de même le cas dans Run, dont le handicap est l’élément central de l’intrigue, malgré que le personnage de Chloé soit soigné.
Bad Hair, met en scène une jeune femme victime de racisme, de domination de classe. C’est l’occasion pour le réalisateur de Dear White People d’évoquer des questions autour du colorisme, ou de réflexions racistes autour des cheveux afro, notamment féminins. En effet, la jeune femme est victime de cheveux meurtriers (oui oui), après avoir dû se conformer à une norme pour obtenir un poste. Même si certaines critiques considèrent que le film est coupable de misogynoire.
La scène où Anna décide de finalement de modifier sa coiffure est représentative de la thématique du film. Elle se rend dans un salon de coiffure qui a tous les codes des dominants. Il est luxueux (donc difficilement accessible à la classe moyenne alors que ce sont ce que les dominants attendent d’eux). C’est compliqué d’obtenir un rendez vous compte tenu de sa notoriété. C’est donc un lieu déjà impressionnant. Ensuite, quand elle se fait coiffer par Virgie (géniale Laverne Cox), on ressent toute la douleur vécue par Anna. A la fois physique (les rajouts sont brutalement attachés à ses cheveux), et psychologique (elle laisse une partie de son identité).
A aucun moment, Anna se bat. Elle essaye tant bien que mal de garder ses valeurs tout en survivant dans un système dur envers elle.
Les sorcières de The Craft (pitié ne regardez pas le reboot), agissent dans une optique de reconstruction personnelle ou en réponse à des comportements sexistes ou racistes. Donc des oppressions systématiques, dans lesquelles plusieurs personnes ayant ces problématiques, peuvent se reconnaitre.
D’autres enjeux sont possibles!
On le constate, les femmes agissent principalement en réaction à une agression, que ça soit envers elle, ou quelqu’un de sa famille. Les actions purement politisées, notamment pour lutter contre un système oppressif (et donc violent envers un cercle élargi), sont relativement marginales. Tout comme des actions en lien avec une réflexion philosophique, métaphysique, ou tout simplement liée aux relations humaines.
Mais les films mettant en scène ce type de personnages féminins ne sont pas inexistants pour autant.
L’impressionnant Possession évoque le parcours d’une femme délaissant enfant et mari pour une relation avec une entité monstrueuse. C’est aussi l’occasion de montrer la destruction sociale et culturelle engendrée par le régime communiste. Le personnage joué par Isabelle Adjani montre un corps et une âme en totale errance, reconstruction.
Relic pose le portrait de 3 femmes de 3 générations qui font face à la vieillesse, au deuil, et surtout au temps qui détruira inexorablement la génération qui nous précède.
Le personnage fantômatique de La Llorona (le film guatémaltèque), est un personnage qui hante discrètement mais réellement la maison d’un dictateur. Elle n’est pas violente, et même si sa présence est liée au massacre de ses enfants, elle est aussi politique. Sa présence est là pour dénoncer, et surtout enfin verbaliser le génocide (plutôt méconnu des européen.nes), des Indiens Mayas sous la dictature au Guatemala, dans les années 80.
Dans ces films, les femmes ne se battent pas, mais existent pour une raison spirituelle et/ou politique. On peut noter bien sûr la saga Alien, mais aussi Resident Evil. Dans le genre policier, Fargo met en scène une policière qui gère grossesse et enquête, de front.
Ces enjeux permettent aux personnages féminins d’exister en tant qu’individus. De par leur métier, ou de leur histoire. Avec ses qualités, défauts, ses manières d’interagir et comprendre le monde.
>>>SUITE PAGE 6
C’est vrai qu’on oublie qu’il y a de nombreux style de femmes fortes et qu’il ne faut pas uniquement penser aux femmes guerrières (même si…les badass Connor et Ripley Sont et resteront mes favs).
En tout cas encore un put’ d’article 🤘🏻👏🏻
Un grand merci à toi! Ca fait plaisir 🙂
[…] -L’article de Bon chic bon genre sur la femme fortes et sa représentation ici: https://bonchicbongenre.fr/dossier-la-representation-de-la-femme-forte/ […]
[…] de mecs, sexualisation à outrance, manque général de profondeur… (Je vous invite à lire l’article de Bon Chic Bon Genre à ce sujet.) De plus, si l’on s’inscrit dans un récit plutôt réaliste, […]
[…] deCarol Clover ; c’est elle la première à avoir théorisé le sujet !)La final girl est un personnage féminin aux caractéristiques considérées comme masculines: elle un prénom épicène (Laurie, Sidney…), elle est présentée comme un peu plus futéeque […]